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      Franchiseurs, exportez vos concepts à l’étranger !

      Tribune publiée le 16 juin 2017 par Olivia BILLIOQUE
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      En quatre « points cardinaux », l’auteur, avocat, délivre ses conseils et recommandations aux franchiseurs et autres têtes de réseau qui envisagent d’exporter leur concept à l’international.

      Avant de vous lancer, il faut se poser les bonnes questions

      Par Olivia BILLIOQUE, Avocat, cabinet D,M&D, LLM Queen Mary University of London

      Il est tentant pour un franchiseur ayant développé avec succès un concept de traverser les frontières pour internationaliser son réseau.

      La doctrine la plus autorisée définit la franchise internationale comme une opération de franchise de production, de distribution de services ou de produits qui développe ses effets dans plusieurs pays, « permettant ainsi d’assurer l’extension d’une opération de franchise interne par la projection au-delà des frontières du modèle national qui la fonde » (D. Ferrier, La franchise internationale, JDI 1988. 626, spéc. P. 627, n°4).

      Belle ambition, souvent couronnée de succès tant la « french touch » continue d’être appréciée à l’étranger. Cependant et avant de vous lancer, il faut se poser les bonnes questions et « border » le cadre juridique de l’opération envisagée.

      Veillez aux quatre points cardinaux … et vous ne perdrez pas le Nord !

      Premier point cardinal : S’assurer de la licéité du concept dans le pays cible

      La question de la licéité du concept appelle la notion d’ordre public, que le droit français définit comme l’ensemble des règles obligatoires qui touchent à l’organisation de la Nation, à l’économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu.

      Il faut noter à ce titre que l’application, en vertu du contrat, d’une autre loi que celle du pays d’implantation interdisant le concept ne permet pas de contourner l’illicéité du concept.

      En effet, il existe en droit international privé deux mécanismes d’éviction de la loi désignée par le contrat.

      Le premier de ces deux mécanismes est celui de la loi de police.

      Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat.

      L’existence d’une loi de police a donc pour effet d’écarter non pas la loi étrangère désignée par le contrat mais la règle de conflit elle-même qui, en matière de contrats internationaux, prévoit que la loi applicable est celle désignée par les parties.

      L’autre mécanisme est celui de l’ordre public international, qui constitue dans la théorie générale des conflits de lois, un mécanisme d’éviction d’une loi étrangère en principe compétente.

      La loi étrangère désignée par les parties dans leur contrat se trouve nécessairement en concurrence avec la loi du pays d’implantation du concept.

      Ainsi, si dans un cas donné, la teneur de la loi étrangère applicable heurte l’ordre public du pays d’implantation et son application effective constitue un trouble, les dispositions litigieuses seront écartées au nom de l’ordre public.

      Ces mécanismes peuvent notamment trouver à s’appliquer en cas d’interdiction à la vente de certains produits ou services.

      Par exemple, ces mécanismes empêcheront l’installation d’une enseigne servant des boissons alcoolisées dans un pays interdisant l’alcool. Il serait également difficile d’implanter une chaine de restaurants de burgers en Inde, dont certaines régions sont traditionnellement végétariennes.

      Il faut également être vigilant quant aux réglementations pouvant exister pour certaines professions ou types de services. Ainsi, il existe une règlementation particulière pour le conseil en ressources humaines au Québec, ou pour exercer la profession de masseur en Suisse.

      Il est donc important de se renseigner au préalable sur les règlementations qui peuvent concerner le réseau et son activité.

      Deuxième point cardinal : Choisir la formule d’implantation la plus adaptée

      Il existe plusieurs formules permettant d’exporter son concept, selon le degré d’implication du franchiseur principal dans l’internationalisation du réseau, la connaissance du pays d’implantation et l’investissement envisagé.

      Bien sûr, l’option de la franchise classique est possible. Le franchiseur choisit alors lui-même ses franchisés dans le pays dans lequel il s’implante.

      En revanche, si l’on connait peu le pays d’implantation et que l’on veut exporter son concept à moindre coût, une formule de master-franchise est préférable. Elle permet de s’appuyer sur un partenaire local, qui s’acquitte de droits d’entrée l’autorisant à ouvrir, en propre ou en recrutant des franchisés un certain nombre de sites sur le territoire concédé.

      Ce partenaire, qui connait bien le pays d’implantation réalisera les investissements et sera en charge de trouver des locaux commerciaux, des franchisés

      Enfin, le franchiseur peut décider de créer une filiale dans le pays d’implantation. C’est alors cette nouvelle structure qui conclura des contrats de franchise avec des partenaires locaux. Ce mode de fonctionnement nécessite des investissements plus lourds.

      Troisième point cardinal : Déterminer la loi applicable à l’information précontractuelle

      En droit français, la loi Doubin, qui régit l’information précontractuelle en matière de réseaux, est une loi de police. Ainsi, dans une situation d’import d’un concept étranger en France, c’est cette loi qui s’applique, même dans le cas où le contrat désignerait une autre loi.

      En revanche, dans une situation d’export d’un concept français à l’étranger, il est moins aisé de déterminer quelle loi s’applique.

      L’information précontractuelle peut dépendre de la loi désignée par le contrat, mais il ne faut pas négliger le potentiel caractère de loi de police ou d’ordre public des dispositions relatives à l’information précontractuelle du candidat.

      Il faut noter à ce titre qu’en l’absence de loi désignée, c’est a priori la loi du lieu de résidence du franchisé qui s’applique, donc la loi du pays d’implantation.

      Il est difficile de déterminer si les dispositions locales en matière d’information précontractuelle s’appliquent systématiquement au franchiseur étranger.

      Il est donc conseillé, afin de limiter les risques, de se plier systématiquement aux dispositions de la loi du pays d’implantation en cette matière.

      Quatrième point cardinal : Anticiper la résolution des différends

      Il est fortement conseillé de prévoir, dans les contrats, quel sera le juge compétent pour trancher les éventuels différends, et la loi que ce juge devra appliquer pour leur résolution.

      En effet, à défaut de désignation de la juridiction compétente, le demandeur sera en quelque sorte à même de choisir son forum, entre la juridiction du lieu où demeure le défendeur et la juridiction du pays d’implantation. Il en résulterait une trop grande incertitude.

      Les parties peuvent aussi décider de se soumettre à l’arbitrage, qui a l’avantage de la neutralité. Néanmoins, selon les enjeux, il peut s’agir d’une procédure en réalité plus couteuse pour les parties et parfois plus longue que devant les juridictions commerciales.

      Il est également vivement recommandé de désigner par avance la loi applicable au contrat, à nouveau par souci de prévisibilité. Cette clause devra être assez large pour couvrir tous les différends qui pourraient découler du contrat. Il est ainsi conseillé de viser dans cette clause les différends relatifs à la formation, la validité, l’interprétation, l’exécution et la résiliation du contrat.

      Enfin, il est important d’avoir conscience qu’une décision de justice devra faire l’objet d’une procédure d’exécution dans le pays où se situent les biens de la partie succombant à l’instance.

      Ces différentes problématiques juridiques doivent être abordées au moment de l’exportation de votre concept. Et pour sécuriser le tout et en plus de la boussole, pensez aussi à faire appel à un bon sherpa !…