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      Devenir franchisé : avez-vous la tête de l’emploi ?

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      En matière de recrutement, les franchiseurs sont pragmatiques : aussi ouverts que possible dans un premier temps, ils font le tri ensuite, choisissant parmi ceux qui les ont sollicités les candidats qui se révèlent les plus convaincants.

      Sexe ? Indifférent ! Age ? Pas de priorité ! Voilà en substance le message qu’entendent faire passer les têtes de réseaux. Leurs concepts, martèlent-ils, sont ouverts à tous les profils. Ni le nombre des années, ni le genre, en tout cas, n’entrent en ligne de compte dans leur décision de recruter tel ou tel candidat.

      Discours de façade ou réalité du terrain ? Un peu des deux, répond le consultant spécialisé Laurent Poisson (Participe Futur) : “Les franchiseurs cherchent de bons candidats. Pour les trouver, ils ont tout intérêt à se constituer un vivier large. Et donc à ne pas exprimer de préférence au stade de la communication et du recrutement. Toutefois, cela ne les empêche pas d’affiner la sélection ensuite pour trouver la bonne adéquation entre leur réseau et une personnalité.”

      Notre enquête menée en juin 2015 auprès de 369 enseignes le confirme. Environ 90 % (331 précisément) d’entre elles y déclarent ne privilégier a priori ni hommes ni femmes dans leur recrutement. “C’est paradoxal, note l’avocat Rémi de Balmann (cabinet D,M&D Lawrope). Car, sur le plan strictement juridique et à l’inverse de ce que l’on observe dans le monde du salariat où la discrimination est sanctionnée par le code du travail, une tête de réseau pourrait favoriser tel ou tel sexe sans être sanctionnée. Or il se trouve que dans les faits, un grand nombre de franchiseurs n’opèrent pas cette distinction.” Sans doute, reprend Laurent Poisson, “parce qu’être un bon franchisé, c’est être un bon chef d’entreprise. Et que ni l’âge ni le sexe ne sont déterminants dans ce domaine”.

      Notons toutefois quelques exceptions. Six enseignes indiquent, dans leurs réponses à notre enquête, donner clairement la priorité aux femmes. Sans surprise, des concepts liés au monde la beauté : Bulle de Soins, L’Institut Beauty Success, L’Onglerie, Mary Cohr, Body Minute et Effea. “Un secteur dans lequel ce sont les clientes qui, préférant être accueillies et servies par des femmes, influencent le choix des franchiseurs, souligne Rémi de Balmann. “Quand des hommes s’y lancent, c’est plutôt en qualité d’investisseurs. Ils embauchent alors des femmes pour être opérationnelles en boutique”, complète le courtier en financement Jean-Philippe Deltour (Creditrelax).

      A l’inverse, et pour des raisons semble-t-il plus variées, huit têtes de réseaux disent privilégier les hommes : Doc’Biker dans la moto, Daniel Moquet, Vertikal, Aquilus Piscine, Artistic’s et Leader Services dans l’entretien et la rénovation de l’habitat, Adventure dans les loisirs et V&B chez les cavistes.

      Globalement donc, les femmes sont les bienvenues partout en franchise. Un état de fait qui tient aux caractéristiques du modèle, estime Laurent Poisson : “Dans l’automobile ou le bâtiment, par exemple, les entrepreneurs isolés n’ont souvent d’autre choix que d’être eux-mêmes de bons techniciens. L’approche de ces métiers prévue par les franchiseurs permet, elle, de se concentrer sur le commerce et le management, supprimant de fait la barrière technique”, explique-t-il.

      “Pour une femme, il est assurément plus facile de sauter le pas de la création d’entreprise avec l’accompagnement d’un réseau”, le rejoint Jean-Philippe Deltour. Que Rémi de Balmann, à son tour, accompagne dans sa réflexion : “Une femme peut avoir envie d’être bien dans son statut de chef d’entreprise tout en menant à bien d’autres objectifs de vie en tant que mère, épouse, citoyenne. Et la franchise apporte à cet égard un plus certain en lui permettant d’être épaulée”.


      Parmi les enseignes ayant participé à notre enquête, seules neuf disent vouloir recruter des couples, et trois leur donner l’exclusivité (Boulangerie Feuillette, Le Grand Panier Bio, Un Monde Autrement). Cela paraît peu, remarquent les experts, le fonctionnement en binôme étant répandu, dans le commerce alimentaire en particulier (supérettes, boulangeries…). C’est qu’il présente des avantages, dont “la confiance, nécessaire quand il faut gérer du cash” et “la complémentarité des compétences”, souligne Jean-Philippe Deltour.

      “Certaines enseignes recherchent aussi des couples parce que cela fait partie de leur business modèle. En clair, il s’agit de contourner les contraintes, notamment horaires, liées au code du travail : l’addition de deux entrepreneurs permet au concept de tourner sans salarié”, note Rémi de Balmann.

      Mais les inconvénients à recruter un couple sont, pour les experts, plus nombreux que les avantages. Ce qui explique sans doute pourquoi si peu d’enseignes les recherchent activement. Ils sont d’abord d’ordre financier, rappelle Jean-Philippe Deltour : “Pour la banque, le risque est plus important que si l’entrepreneur se lançait seul et que son conjoint assurait un revenu sûr et régulier en restant salarié par ailleurs. Le projet devra être économiquement performant et suffisamment rentable”.

      Si les enseignes sont rares à rechercher spécifiquement des couples, c’est aussi, estime Laurent Poisson, “parce que cela pose des problèmes en matière de management de réseau. Car qui est alors le franchisé ? Qui est l’interlocuteur du franchiseur et de ses équipes ? Sans parler des interactions entre vie privée et vie professionnelle. Que se passe-t-il, par exemple, si le couple divorce ?”

      L’avocat Rémi de Balmann rappelle qu’une tête de réseau “peut décider de conclure un contrat intuitu personae qui vise les deux personnes, se laissant ainsi le droit de mettre fin au contrat si le couple explose”. Mais en convient : la situation n’est assurément pas des plus confortables.

      Très ouverts concernant le sexe de leurs recrues, les franchiseurs le sont presqu’autant s’agissant de l’âge des candidats. Ainsi 82 % des réseaux interrogés indiquent ne pas avoir de priorité en la matière. “Là encore, je pense que l’on n’est pas sur un critère déterminant. Les franchiseurs, et de plus en plus quand ils gagnent en maturité, sont dans une logique consistant à rentrer en contact avec le plus de partenaires potentiels. Ils n’ont pas intérêt à filtrer trop les candidatures”, remarque Laurent Poisson. Et ils ont raison, estime le consultant : “Il n’y a pas d’âge pour le commerce. Pour avoir recruté beaucoup de franchisés, je peux le dire : on rencontre, en franchise, des jeunes très efficaces et à l’inverse des profils plus expérimentés qui n’y arrivent pas”.

      Pour les chaînes qui se montrent attentives à l’âge de leurs candidats, la tranche des 30 à 40 ans est la plus appréciée (16 % des requêtes). Elle intéresse par exemple Norauto, Amorino, Générale d’Optique, Point d’Encre ou Irish Corner.

      Suivent les plus de 40 ans, courtisés par 11 % des enseignes affichant des préférences, dont Bis Rénovation, King Marcel ou Cadre Expert.

      Aucun réseau, en revanche, ne cible spécifiquement les partenaires de moins de 30 ans. Cela ne veut pas dire qu’aucun ne les recrute.
      Ce qui serait, dans le fond, un comble, relève Rémi de Balmann : “S’il faut déjà avoir fait toutes ses preuves pour accéder à un système qui précisément met à votre disposition un savoir-faire et un concept, où est l’esprit de la franchise ? »Reste qu’intégrer un réseau, quand on est jeune, n’est pas toujours évident, notamment pour des raisons financières. “Avoir 65 000 euros d’apport personnel à 25 ans n’est pas donné à tout le monde. D’autant que les franchiseurs aiment bien que ce capital soit le fruit d’économies et pas de l’argent tombé du ciel”, note Laurent Poisson.

      Le spécialiste en courtage Jean-Philippe Deltour confirme : “Pour le banquier, il y a deux axes importants dans un projet : l’expérience du candidat et son apport personnel. A moins de 30 ans, on peut avoir de l’expérience, mais elle est faible, et c’est plus dur d’avoir un capital de départ. Il faut bien voir que dès lors qu’une enseigne nécessite l’acquisition d’un pas-de-porte ou d’un fonds de commerce et, en misant sur un apport d’au moins 20 % de l’investissement global, on est déjà sur des dizaines de milliers d’euros nécessaires. Cela ne veut pas dire que nous n’accompagnons pas de jeunes sur ce type de projets, mais le plus souvent ce sont des salariés de l’enseigne. Leur jeunesse et leur apport limité sont alors compensés par leur connaissance du concept et du métier”, explique le courtier.

      Réagissant à cette question de l’âge, mais aussi à celle du sexe évoquée plus haut, Rémi de Balmann se veut philosophe: “Je suis de ceux qui pensent que malgré tous les efforts que les franchiseurs pourront mettre en œuvre pour essayer de recruter les meilleurs partenaires, ils n’éviteront jamais totalement les erreurs de casting”.

      Le recrutement de franchisés n’est pas une science exacte. Une approche pointilleuse, toutefois, permettra à la tête de réseau de mettre toutes les chances de son côté. “Il est utile, note l’avocat, que l’étude du CV et de la motivation du candidat se double de journées découverte qui permettront au franchiseur de vérifier que le profil théorique qu’il a face à lui se révèle au contact de la réalité du terrain.” Et à l’aspirant franchisé de mesurer si oui ou non, il se sent définitivement prêt à endosser l’habit tendu par la tête de réseau.

      Une grande majorité des 369 réseaux interrogés (85 %) affirme ne pas accorder d’importance au niveau d’étude et aux diplômes du candidat.

      Mais attention, certaines activités requièrent, conformément à la législation, un diplôme pour pouvoir être exercées. C’est le cas de l’optique où un BTS est obligatoire (6 enseignes sur 8 indiquent l’exiger) et de la coiffure (même si seules 3 chaînes sur 15 font du brevet professionnel un prérequis). Dans l’immobilier où la loi Hoguet impose la carte professionnelle, 5 chaînes d’agences sur 8 demandent les diplômes ou équivalences nécessaires à son obtention. Les réseaux de mandataires semblent, eux, avoir fait le choix de s’en passer.

      Globalement les secteurs des services à la personne et de la beauté, forme, santé, bien-être sont les plus exigeants en matière de niveau d’étude.

      A l’inverse, l’automobile, la restauration, les loisirs et le bâtiment se montrent les moins regardants dans ce domaine.