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      Loi sur l’ESS : panique dans 2,5 millions d’entreprises

      Tribune publiée le 5 décembre 2014 par MELLINGER
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      D’après l’article 18 de la loi ESS, toutes les entreprises, donc tous les franchisés et tous les franchiseurs, devront donc organiser tous les trois ans une information des salariés sur la reprise, constate l’auteur. Qui dénonce « la lourdeur », « l’absurdité et l’impossibilité » de cette disposition…

      La loi sur l’ESS, « Economie Sociale et Solidaire« , concerne un secteur qui représente 2,3 millions de salariés, 10% du PIB, dont, à travers cette loi « on voit l’apport à l’économie française enfin reconnu » (communiqué de presse du Ministère de l’économie).

      La loi définit les contours de cette économie : associations, mutuelles, coopératives et fondations, sociétés commerciales qui poursuivent un objectif d’utilité sociale. Elle clarifie ce qu’est l’innovation sociale. Elle fixe les principes de l’économie solidaire, parmi lesquels la fourchette maximum de salaires dans l’entreprise, les règles de gouvernance démocratique, d’affectation des bénéfices « majoritairement à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité », les stimulations pour orienter d’avantage les financements vers ces entreprises…

      Vertueuse initiative, qui dérape sérieusement quand elle ajoute lourdeur et crée absurdité et impossibilité de mise en œuvre … dans le reste de l’économie.

      « Lourdeur » : l’information générale sur la reprise d’une entreprise

      L’Art. 18 de la loi impose de mettre en place « un dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés ». Pourquoi pas, si on reste dans le périmètre de l’économie sociale. Mais ce dispositif « est instauré à destination de l’ensemble des salariés des sociétés de moins de 250 salariés« , soit 99n8% des entreprises, au total : 2,5 millions d’entreprises !

      Toutes ces entreprises, économie sociale ou non, doivent organiser une information qui « porte, en particulier, sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par les salariés, sur ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier » et ce, « au moins une fois tous les trois ans » !

      Toutes ces entreprises, du petit commerce à la belle PME, tous les franchisés, tous les franchiseurs, devront donc organiser tous les 3 ans une information des salariés. Nouvelle obligation, nouvelle contrainte, nouveaux coûts, nouveau filon pour les conseils. Sans que l’on sache s’il faut donner cette information dès maintenant ou si on peut attendre… 3 ans.

      « Absurdité et impossibilité » : l’information spécifique des salariés avant toute cession

      L’art. L. 141-23.- de la loi impose une obligation lourde : « lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce veut le céder, les salariés en sont informés, et ce, au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre … »

      Fin de la confidentialité des négociations. Fin, aussi, du débat entre ceux qui exigent l’information des franchisés avant toute cession de réseau et ceux qui s’y opposent : un franchiseur qui veut vendre son réseau doit en informer ses salariés, ceux du siège, ceux de ses magasins ! L’information ira naturellement et rapidement vers les franchisés, en dépit de la naïve et théorique obligation de confidentialité.

      Dont acte ! Cette disposition est d’autant plus absurde qu’elle ne permettra jamais d’atteindre un des objectifs assignés à la loi : « empêcher la disparition de 50000 emplois chaque année faute de repreneur« .

      Qu’on en juge !  Un salarié a 2 mois pour faire une offre, durant lesquels il devra devenir mentalement entrepreneur, convaincre sa famille, se concerter avec ses collègues, définir des règles de gouvernance, rassembler les premiers fonds pour trouver et payer un conseil compétent, demander, obtenir, analyser et comprendre les documents du vendeur, fixer un prix, imaginer et rédiger le projet d’entreprise, construire un dossier de financement, constituer un tour de table, rencontrer banques et investisseurs, leur présenter le dossier, attendre leur réponse et finalement présenter l’offre au vendeur et apprendre à négocier. Deux mois !

      Ceux qui ont défini ce délai de 2 mois, n’ont jamais constitué un dossier de reprise d’entreprise ! Aucun emploi ne sera jamais sauvé de cette manière.

      Comble de l’absurde : le vendeur n’est pas tenu de donner une suite favorable à l’offre des salariés ! Pour respecter la loi, il lui suffit d’attendre 2 mois.  Tout ça, pour ça dira-t-on. Eh oui ! Et quels dégâts !

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