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      Distribution alimentaire : le projet de loi Lefebvre manque sa cible

      Tribune publiée le 9 septembre 2011 par Serge MERESSE
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      Selon l’auteur, le projet de loi Lefebvre sur la grande distribution ne s’attaque pas vraiment aux verrous contractuels qui empêchent les indépendants de changer d’enseigne en fin de contrat.

      Le projet de loi Lefebvre propose de limiter à 10 ans la  durée des contrats. Mais cette durée reste trop longue car une entreprise ne peut pas attendre 10 ans pour se séparer d’un franchiseur qui ne lui apporte pas la rentabilité dont elle a  besoin ni les moyens qui lui sont nécessaires pour s’adapter à la concurrence.

      5 ans serait un bon « tempo » pour apprécier les performances du franchiseur et s’en séparer « naturellement ». Le franchiseur doit pouvoir être mis en concurrence tous les 5 ans pour dynamiser son concept,  innover et garder une avance concurrentielle. Et le franchisé doit pouvoir tous les 5 ans choisir l’enseigne, le concept, les produits ou les services les mieux adaptés à son marché local car les zones de chalandises changent, la concurrence se modifie, les besoins du marché évoluent. 5 ans est aussi la durée des clauses d’approvisionnement exclusif fixée par le règlement CE 330/2010.

      « Le projet de loi oublie les clauses qui dénaturent la franchise »

      Il propose aussi de formaliser dans un document unique les seuls contrats commerciaux pour éviter que plusieurs contrats différents mais liés empêchent le franchisé de sortir du réseau. Mais le projet de loi oublie de citer les contrats de location-gérance, les baux, les statuts des sociétés franchisées ou ceux des coopératives et de leur règlement intérieur qui contiennent des clauses d’enfermement redoutables.

      Ces clauses dénaturent la franchise et transforment les indépendants en intégrés. Elles permettent au franchiseur de s’offrir des magasins sans en payer le prix, sans supporter le risque de leur exploitation tout en les contrôlant de l’intérieur. Mais cet entrisme juridique, fréquent dans la grande distribution, a été occulté.

      « Le projet de loi ne corrige pas les abus »

      Il propose encore de limiter à 1 an les clauses de non concurrence ou de non affiliation post contractuelles. Mais c’est déjà la pratique et le projet n’apporte rien ni ne corrige les abus. Or ces clauses qui interdisent à une entreprise qui a été franchisée d’un réseau de devenir franchisée d’un autre réseau pendant 1 an entraînent la mort de l’entreprise.

      Car nombreux sont les métiers qui ne peuvent s’exercer qu’en réseau sous enseigne car le commerce d’aujourd’hui est lié aux marques, aux conditions d’achats groupés, au marketing national, à la notoriété d’une enseigne, à la logistique d’approvisionnement et à la méthodologie informatique. Les professionnels le savent. C’est la raison pour laquelle les franchiseurs introduisent ces clauses tueuses dans les contrats. Il faut donc les supprimer pour favoriser une concurrence loyale. Et le projet de loi passe à côté du sujet.

      Il propose enfin d’étaler la durée du paiement du droit d’entrée différé sur les premières années. C’est bien mais à condition d’en préciser le montant avant la signature du contrat et que la durée d’étalement soit limitée à 3 ans pour éviter de porter trop longtemps cette dette au détriment des bénéfices attendus.

      Même si la pratique du paiement du droit d’entré différé à la sortie du réseau est peu fréquente, elle est pernicieuse car elle constitue en réalité une « taxe de sortie » pénalisante pour ceux qui n’ont pas les moyens de la payer et qui n’ont ainsi pas d’autre choix que de rester enfermés dans un mauvais réseau, faute d’argent pour en sortir.

      En résumé le projet de loi Lefebvre est décevant car il passe à côté du sujet. Il ne s’attaque pas aux véritables verrous qui empêchent les changements d’enseigne à l’issue des contrats de franchise. Ce projet est d’autant plus décevant que l’avis du 7 décembre 2010 de l’Autorité de la Concurrence faisait des propositions adaptées au but recherché. Nul doute que le lobby des franchiseurs en soit ravi.

      Lire aussi sur le sujet :

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