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      Gestion de trésorerie et abus de confiance : un franchiseur condamné

      Tribune publiée le 22 janvier 2014 par Olivier TIQUANT
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      Le franchiseur qui met en place un système de gestion de la trésorerie de ses franchisés doit constamment être en mesure de restituer les sommes qu’il a reçues, rappelle l’auteur, avocat, qui commente une décision du tribunal correctionnel de Toulouse (18 novembre 2013).

      Dans un réseau de transport de petits colis, le franchiseur avait organisé un système de facturation et d’encaissement centralisés supposés améliorer la rentabilité des franchisés. Au sein de la même banque, le franchiseur encaissait les factures des franchisés sur un compte appelé « compte réseau ».  Il  possédait un autre compte, intitulé « compte exploitation ».

      Sur le compte réseau, le franchiseur agissait comme « mandataire transparent » des franchisés et  ne devait prélever que les sommes contractuellement définies : les redevances, les frais annexes et les charges communes. Sur le compte exploitation, le franchiseur disposait d’une liberté de mouvements.

      Malgré un développement important, le franchiseur s’est trouvé en difficulté financière. La banque a compensé le débit du compte exploitation par le crédit du compte réseau, puis refusé tous nouveaux concours. Ceci provoquera la liquidation judiciaire du franchiseur, mettra fin au système de facturation centralisée ainsi qu’au versement des recettes des franchisés.

      Le franchiseur condamné pour abus de confiance au préjudice des franchisés

      Les franchisés s’apercevront alors que le compte réseau servait à octroyer aux franchisés en difficulté des avances de trésorerie et à financer des projets de développement du franchiseur, en manque de fonds propres. Ce compte réseau connaissait des découverts dépassant les 2 millions d’euros.

      Le tribunal correctionnel de Toulouse a condamné le franchiseur pour abus de confiance. Cette infraction est ainsi définie : « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé » (article  314-1 du code pénal).

      Selon le tribunal : « en utilisant les sommes qu’elle devait rembourser à chaque franchisé dans un délai d’un mois, pour financer des avances à d’autres franchisés, de surcroît de manière systématique sans considération de leur chiffre d’affaires  et dans de nombreux cas, sans même en solliciter le remboursement, il a été commis dans le cadre de la société X des faits de détournements constitutifs d’abus de confiance au préjudice des franchisés ». Cette solution avait déjà été retenue  par la cour de cassation (Crim. 24 janvier  1994, n° 92-83.832).

      Le franchiseur n’était pas propriétaire des sommes qu’il gérait pour les franchisés

      La volonté affichée du franchiseur de soutenir le réseau ne le dédouane pas. Outre le préjudice des franchisés dont la trésorerie a été sollicitée, ce système permettait au dirigeant de la franchise de se rémunérer confortablement et de maintenir sa société en survie artificielle dans le but de la céder.
      Le fait pour le franchiseur d’être propriétaire des comptes bancaires litigieux n’a pas non plus été pertinent.

      En effet, s’il était propriétaire des comptes, il n’était pas propriétaire des sommes qu’il gérait pour les franchisés. Or, constitue précisément un détournement, le fait de déposer des fonds de tiers sur son propre compte, et de les exposer aussi aux poursuites de ses créanciers. La banque a pu compenser les deux comptes pour se rembourser, provoquant ainsi la chute de tout le système.

      Ainsi, le franchiseur qui met en place un système de facturation centralisée et de gestion de la trésorerie des franchisés doit constamment être en mesure de restituer les sommes qu’il a reçues en tant que mandataire transparent. Le dépôt de ces sommes sur un compte qui lui appartient est fautif. Le fait d’utiliser ces sommes en dehors de ce qui est prévu au contrat est également constitutif d’un détournement. Le dirigeant a été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et à une amende de  10,000 euros.