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      La Commission-affiliation rechute !

      Tribune publiée le 26 mai 2009 par Monique BEN SOUSSEN
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      Pour les auteurs, conseils et défenseurs traditionnels des franchisés, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 9 avril 2009 prouve que commission et affiliation constituent une « contradiction dans les termes ».

      Par Maître Monique BEN SOUSSEN, avocat, cabinet BSM

      Et Maître Nicolas DISSAUX, avocat, cabinet BSM

      A propos de l’arrêt de CA Paris, 5e chambre B, 9 avril 2009, rendu sur renvoi après cassation.

      L’arrêt Chattawak rendu le 26 février 2008 par la Cour de cassation avait suscité un immense soupir de soulagement chez les thuriféraires de la commission-affiliation. Chacun s’en souvient : la haute juridiction avait cassé un arrêt rendu le 13 septembre 2006 par lequel la Cour d’appel de Paris avait requalifié un contrat dit de « commission-affiliation » en contrat d’agent commercial.

      Le répit n’aura pourtant été que de courte durée. Et pour cause : la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt de renvoi du 9 avril 2009, confirme la requalification litigieuse, ouvrant ainsi à l’affilié du réseau Chattawak le droit à une indemnité de fin de contrat (art. L134-12 C. com.).
      Il faut dire que la Cour de cassation n’avait pas été aussi tranchée que certains le prétendaient. Si la censure de la requalification du contrat de « commission-affiliation » avait été décidée, c’est en effet simplement aux motifs que la Cour d’appel avait constaté que le contrat litigieux stipulait que l’affilié était « un commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce » alors qu’en droit, « l’agent commercial, simple mandataire qui n’a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d’un fonds de commerce, et n’a pas la qualité de commerçant ».
      Pour le reste, la Cour de cassation n’avait cependant pas reproché aux juges du fond d’avoir écarté la qualification de commission. Par définition, un commissionnaire agit en son nom personnel, pour le compte d’autrui. Les indices relevés par la Cour d’appel de Paris étaient effectivement de nature à justifier que tel n’était pas le cas en l’espèce.

      Dans ces conditions, le problème était uniquement celui de déterminer la portée de la clause du contrat litigieux aux termes de laquelle l’affilié était « propriétaire d’un fonds de commerce ». Conformément à l’article 12 du Code de procédure civile, la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt de renvoi du 9 avril 2009, répond de manière très claire : une telle clause ne lie pas le juge.
      De fait, en l’espèce, la réalité des relations entretenues entre l’affiliant et l’affilié établissait que l’affilié n’avait aucun fonds de commerce. Au soutien de cette analyse, les magistrats parisiens prennent soin de définir le fonds de commerce comme « une universalité de fait, qui peut comprendre divers éléments, au nombre desquels cumulativement ou non, la clientèle, le droit au bail, l’enseigne, le matériel, le stock, des marques, des licences ».
      Et de constater qu’en l’espèce, « la plupart des éléments susceptibles de composer le fonds de commerce appartenaient à la société Chattawak  [le prétendu commettant] ou étaient étroitement contrôlés par celle-ci, spécialement l’enseigne, le matériel et le stock ». La conclusion s’évince facilement : le fonds dépendait essentiellement de la société Chattawak . La clause était donc « de pure forme, destinée seulement … à faire échec à l’application du statut d’ordre public d’agent commercial ». En clair, la propriété d’un fonds de commerce ne se décrète pas conventionnellement !

      La Cour d’appel de Paris écarte ainsi le formalisme d’une clause au profit d’une approche réaliste de l’exploitation. Car il faut rappeler qu’en pratique le prétendu commissionnaire était ici totalement transparent : dépourvu de marge de manœuvre sur les prix et sur les stocks, il n’établissait même pas de tickets de caisse à son nom ! Les recettes étaient au surplus directement versées sur un compte ouvert au nom du maître du réseau. Comment pouvait-on sérieusement prétendre qu’il maîtrisait le fonds de commerce ? Un commerçant qui joue le rôle d’une simple vitrine est-il encore un commerçant ?

      Agissant pour le compte d’autrui, un commissionnaire doit nécessairement conserver une certaine indépendance et une certaine opacité pour prétendre agir en son nom propre. Et de ce point de vue, l’affiliation risque facilement d’entrer en conflit avec la logique de la commission. Commission et affiliation : les deux termes forment la plupart du temps une contradiction dans les termes. Leur conjonction risque alors d’aboutir à de fréquentes requalifications : tantôt en contrat d’agent, tantôt en contrat de travail. Affaire à suivre…

      Lire également :
      -l’article de Jean-Pierre Pamier :
      « la Commission-affiliation attaquée »
      -l’article de Maître Rémi de Balmann : « Clientèle locale : mythe ou réalité ? »
      -l’article de Gilbert Mellinger : « Commission-affiliation : le beurre et l’argent du beurre »
      -l’article de Maître Serge Meresse : « Les dérives sanctionnées, pas la formule »