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      L’erreur sur la rentabilité, cause de nullité

      Tribune publiée le 4 novembre 2011 par Monique BEN SOUSSEN
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      L’erreur sur la rentabilité de l’activité de l’entreprise franchisée est une cause de nullité du contrat de franchise, selon un arrêt de la Cour de cassation (en date du 4 octobre 2011). Un arrêt qui ne passera pas inaperçu, souligne l’auteur.

      Voilà un arrêt qui, quoique non publié, ne passera pas inaperçu ! Il renouvelle en effet l’une des questions les plus sensibles du droit de la franchise : quel est le sort d’un contrat lorsque les chiffres réalisés par le franchisé s’avèrent très inférieurs aux prévisionnels établis ? Traditionnellement, les franchiseurs s’abritent derrière deux arguments :

      1. La loi ne leur imposerait aucune obligation de remettre quelque prévision que ce soit ;
      2. A supposer qu’ils remettent spontanément de tels chiffres prévisionnels, seule une obligation de moyen pèserait sur eux. De sorte qu’à défaut d’établir une manœuvre imputable au franchiseur, les franchisés ne pourraient solliciter la nullité d’un contrat.

      C’est oublier néanmoins que la franchise, par définition, est censée s’analyser comme la réitération d’un succès commercial. Aussi la rentabilité de l’activité entreprise sous franchise participe-t-elle du cœur de ce contrat. Par où l’erreur subie sur ce point concerne la substance de l’engagement du franchisé. Et justifie l’annulation du contrat, peu important l’attitude du franchiseur.

      « Une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité »

      Telle est la leçon de cet arrêt du 4 octobre 2011. En l’espèce, un franchisé avait sollicité l’annulation de son contrat au motif que les résultats enregistrés étaient très loin des prévisions établies. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 mai, avait rejeté cette demande en considérant que les insuffisances ponctuelles dans la documentation fournie par le franchiseur ne pouvaient être regardées comme un élément essentiel dont la révélation eût été susceptible de conduire le franchisé à ne pas s’affilier au réseau d’une part, que le franchiseur n’était tenu que d’une obligation de moyen dans ses prévisions d’autre part.

      La Cour de cassation casse au visa de l’article 1110 du Code civil,  siège de l’erreur : « En se déterminant ainsi, après avoir constaté que les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire, sans rechercher si ces circonstances ne révélaient pas, même en l’absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

      « Une solution indépendante du comportement du franchiseur »

      Sans doute objectera-t-on que le franchisé avait ici très tôt subi une liquidation judiciaire. Et l’on entend déjà les franchiseurs : ce n’est qu’un arrêt d’espèce voyons ! Les termes de l’attendu de la Cour de cassation sont cependant très généraux : c’est l’erreur sur la rentabilité qui se trouve visée.

      Dira-t-on maintenant que la solution risque de se retourner contre les franchisés ? Car les franchiseurs, plus encore qu’auparavant, rechigneront à remettre des prévisionnels. Cet expédient pourrait toutefois ne pas être efficace. Car la solution posée est précisément indépendante du comportement du franchiseur.

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