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      Les réseaux de distribution face à la loi Macron : tout ça pour ça… pour l’instant !

      Tribune publiée le 18 septembre 2015 par Dominique BASCHET
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      Suite à l’adoption définitive de la loi Macron (dont le texte actuel n’est toutefois pas figé), l’auteur, avocat spécialiste de la franchise, examine les dispositions relatives aux réseaux de distribution commerciale et formule six observations.

      Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a été définitivement adopté par l’Assemblée Nationale, par application de l’article 49-3 de la Constitution, le 10 juillet dernier.

      La loi, dite loi Macron, ayant été déclarée, pour la plupart de ses articles, conforme à la Constitution par décision du Conseil Constitutionnel du 5 août, a donc été promulguée le 6 août et publiée au Journal Officiel le 7 août dans la quiétude de l’été.

      Tout le monde n’est pas parti en vacances…

      Comme la loi Hamon, la loi Macron constitue une loi « fourre-tout » qui comprend pas moins de 308 articles… Un certain nombre de dispositions concernent le commerce en général, notamment l’ouverture des magasins le dimanche ou en soirée.

      Nous examinerons plus particulièrement les dispositions relatives aux réseaux de distribution commerciale et ferons six observations.

      Première observation

      On ne peut tout d’abord que se féliciter, grâce aux divers efforts d’un certain nombre de professionnels, que le Gouvernement ait finalement renoncé, d’une part, à limiter à 9 ans la durée des contrats dans les réseaux de distribution commerciale et, d’autre part, à interdire le renouvellement de ces contrats par tacite reconduction. Le premier point constituait un non-sens, notamment pour les adhérents des sociétés coopératives qui doivent pouvoir en être associés autant de temps qu’ils veulent, dès lors qu’ils respectent les statuts et le règlement intérieur.

      Deuxième observation

      On constate qu’un seul article de la loi Macron, l’article 31, inséré dans deux articles du Code de commerce, les articles L.341-1 et L.341-2, concerne spécifiquement les « réseaux de distribution commerciale« .
      Tout ça pour ça….
      Mais là aussi on ne peut que se féliciter : laissons la place à la liberté contractuelle plutôt que d’enfermer les contrats de distribution commerciale dans un carcan législatif.

      Troisième observation : le champ d’application imprécis de la loi

      L’article L.341-1 du Code de commerce prévoit que la loi s’applique à l’ensemble des contrats conclus entre :

      • d’une part, une personne physique ou morale de droit privé regroupant des commerçants ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L.330-3 du Code de commerce, à savoir « un nom commercial, une marque ou une enseigne« ,
      • d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou le compte d’un tiers, un magasin de commerce de détail,
      • ces contrats ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par l’exploitant de son activité commerciale.

      Il en résulte que la loi Macron ne s’applique pas à tous les contrats de distribution.

      En sont exclus les contrats :

      • a) qui ne concernent pas l’exploitation d’un magasin de commerce de détail : les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations excluent du commerce de détail « les prestations de service à caractère immatériel ou intellectuel (comme les banques, l’assurance ou les agences de voyage) ainsi que les établissements de service ou de location de matériel (comme les laveries automatiques ou les vidéothèques), et les restaurants« . Sont notamment exclus de la loi les magasins collectifs de commerçants indépendants définis à l’article 125-1 du Code de commerce, les sociétés de caution mutuelle et les contrats conclus entre les « têtes de réseau » et leurs fournisseurs ;
      • b) qui sont expressément visés à l’article L.341-1-3ème alinéa du Code de commerce : contrat de bail, contrat d’association, contrat de société civile, commerciale ou coopérative. Les dispositions de la loi Macron ne semblent donc pas applicables aux sociétés coopératives et à leurs adhérents très nombreux dans le domaine de la distribution commerciale.

      Plutôt que d’énumérer les contrats exclus de son champ d’application, il aurait été préférable que la loi liste de manière précise les contrats auxquels elle s’applique.
      Cela permettrait à l’avenir d’éviter, à l’instar de ce qui s’est passé pour la loi Doubin, de nombreuses erreurs d’application et d’interprétation.

      Quatrième observation : sur l’échéance commune des contrats

      L’article L.341-1 du Code de commerce prévoit également que l’ensemble des contrats, entrant dans le champ d’application de la loi, signés entre la tête de réseau et un magasin de commerce de détail (par exemple, un contrat de franchise, un contrat d’approvisionnement ou de fourniture et un contrat de location-gérance) doit avoir une échéance commune et prendre fin simultanément.

      La cessation de l’un des contrats, pour quelque cause que ce soit, entraine donc la résiliation de tous les autres, et donc la fin de l’ensemble des relations contractuelles, et ce afin de ne pas empêcher un affilié de sortir du réseau.

      Sur ce point, on observera que :
      – la loi ne prévoit aucune sanction spécifique en cas de non-respect des dispositions de cet article ;
      – cette disposition ne fait que codifier la jurisprudence actuelle en la matière lorsque les contrats sont interdépendants ou indivisibles : la disparition de l’un entraîne automatiquement et simultanément la disparition de tous les autres.

      Dès lors avait-on besoin d’une disposition législative spécifique sur ce point ?
      Tout ça pour ça…. !

      Cinquième observation : sur la clause de non-affiliation post-contractuelle

      L’article L.341-2-I. du Code de commerce prévoit que « Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L.341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite. »

      Toutefois la loi valide la clause dès lors que la personne qui s’en prévaut (par exemple, un franchiseur) démontre qu’elle remplit les quatre conditions cumulatives suivantes :
      – elle concerne des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ;
      – elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;
      – elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
      – sa durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.

      On notera que ces quatre conditions sont reprises quasi textuellement des lignes directrices du règlement n°330-2010 de la Commission Européenne du 20 avril 2010 sur les accords verticaux.

      Dès lors avait-on également besoin d’une disposition législative spécifique sur ce point ?
      Là encore, tout ça pour ça… !

      Sixième observation : sur la vigilance

      La loi prévoit que les dispositions précitées s’appliqueront à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, soit à compter du 6 août 2016 et ce quelle que soit la date d’expiration des contrats en cours. Cela nécessitera donc, pour les contrats concernés, leur mise en conformité par voie d’avenant.

      Toutefois, il convient de rester vigilant, le texte actuel de la loi Macron n’est pas figé.

      En effet l’article L.341-2-III du Code de commerce prévoit que, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la loi, soit avant le 6 décembre 2015, et donc par évidence avant le 6 août 2016, date d’application de la loi, le Gouvernement va remettre au Parlement un rapport dans lequel il présentera des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d’enseignes.

      Pourquoi le Gouvernement, qui n’a donc pas dit son dernier mot sur la grande distribution, n’a-t-il pas remis son rapport au Parlement dans le cadre du vote de la loi ?

      Que deviendra ce rapport annoncé ? Quel usage le Gouvernement en fera-t-il ?

      On n’a donc pas encore tout vu, ni lu.
      A suivre…

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