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      Prévisionnels en franchise : sévérité encore accrue de la Cour d’appel de Paris

      Tribune publiée le 20 février 2015 par François-Luc SIMON 
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      La cour d’appel de Paris vient de condamner un franchiseur à verser plus de deux millions d’indemnités à un ex-franchisé pour manque de prudence et d’assistance. L’auteur, avocat, revient sur cette décision et se penche sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité d’un franchiseur en matière de prévisionnels.

      Par un arrêt du 7 janvier 2015, la Cour d’appel de Paris a rendu une décision apportant des évolutions inattendues – et pour tout dire très surprenantes – en matière de contrat de franchise, et notamment en matière de responsabilité du franchiseur au regard des prévisionnels réalisés par le franchisé.

      Il y aurait beaucoup à dire sur cette décision, appelée à l’examen prochain de la Cour de cassation. On s’en tiendra ici à la question des conditions de mise en œuvre de la responsabilité d’un franchiseur en matière de prévisionnels.

      Dans cette affaire, un multi-franchisé, qui s’était engagé à ouvrir en 5 ans, 18 points de vente dans une région déterminée, en contrepartie d’une exclusivité, s’est plaint du déficit de performances commerciales des premiers points de vente ouverts. Ces points de ventes généraient un chiffre d’affaires très inférieur à celui qui était prévu dans les comptes prévisionnels.

      Suite à la suspension de l’accord-cadre de partenariat qui prévoyait le plan de développement, il a été procédé à un audit de la holding et des filiales franchisées. Suite à cet audit, il a été proposé un plan de restructuration du groupe qui a été refusé par le franchisé. Le franchiseur a alors résilié l’accord-cadre de partenariat qui prévoyait le plan de développement, et le multi-franchisé a voulu engager la responsabilité du franchiseur, essentiellement en raison des prévisionnels exagérément optimistes.

      Pour faire obstacle à cette action en responsabilité, le franchiseur a exposé que les comptes prévisionnels avaient été élaborés par le franchisé lui-même, sans validation de la part du franchiseur. Très classiquement en effet, le franchiseur ne peut être tenu responsable des comptes prévisionnels que s’il en est l’auteur, ou à tout le moins s’il les a validés.

      « Le franchiseur ne peut être tenu responsable des comptes prévisionnels que s’il en est l’auteur, ou à tout le moins s’il les a validés »

      Dans cette affaire, le franchiseur ne les avait pas élaborés ; il avait simplement fourni dans le DIP (Document d’Information Précontractuelle) les ratios moyens dont s’est servi le franchisé pour élaborer les comptes prévisionnels. Les comptes prévisionnels avaient alors été adressés par le franchisé au franchiseur, sans que le franchiseur ne formule le moindre commentaire, ni la moindre observation, ce que la Cour a expressément relevé.

      Néanmoins, la Cour d’appel de Paris a considéré que le silence du franchiseur lors de la réception des comptes prévisionnels emportait nécessairement validation de sa part desdits prévisionnels. La motivation a de quoi surprendre. En effet, le franchiseur n’est pas tenu à la fourniture de comptes prévisionnels, ni à la réalisation d’une étude de marché.

      Or, pour pouvoir commenter ou émettre des observations à réception de comptes prévisionnels, encore faut-il disposer d’éléments d’analyse qui permettent un tel commentaire.  C’est précisément pour son expertise terrain et sa connaissance du marché local que le candidat franchisé est sélectionné.

      Or, si le franchiseur ne réalise pas d’étude de marché, ni de comptes prévisionnels, comment peut-il être en mesure d’émettre des réserves lorsque le franchisé lui transmet les siens ? De plus, et en principe, le silence ne vaut pas acception ni approbation en droit français. La Cour justifie malgré tout sa motivation par le fait que le franchiseur avait transmis des ratios moyens, ce qui caractériserait une « étroite collaboration » dans l’élaboration des prévisionnels, et c’est cette « étroite collaboration » qui ferait que le silence observé à réception des prévisionnel emporte validation desdits prévisionnels.

      « Discutable en droit, cette décision peut également apparaître comme très inopportune »

      La motivation peut laisser perplexe, suffisamment en tous cas pour que le franchiseur décide de se pourvoir en cassation. Depuis les condamnations de la décennie écoulée, rares sont désormais les franchiseurs qui transmettent ou valident des prévisionnels. Afin toutefois de donner aux franchisés des informations utiles, il est courant – et jusqu’alors admis en jurisprudence – que les franchiseurs transmettent les ratios moyens, sans pour autant qu’ils soient tenus pour responsables des prévisionnels élaborés par les franchisés à l’aide de ces ratios moyens.

      Si cette sévérité de la Cour d’appel de Paris devait être validée par la Cour de cassation, nul doute que ces informations ne seront plus non plus communiquées aux candidats à la franchise à l’avenir. Discutable en droit, cette décision peut donc également apparaître comme très inopportune.

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