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      Un contrat de commission-affiliation requalifié en gérance de succursale - Brève du 29 novembre 2023

      Brève
      29 novembre 2023

      Un commissionnaire-affilié dont le contrat n’est pas renouvelé obtient de la justice sa requalification en gérant de succursale salarié et des indemnités de licenciement. Motifs : son partenaire lui imposait des contraintes cumulées contradictoires avec le statut de commerçant indépendant.

      La cour d’appel de Montpellier a requalifié, dans un arrêt du 13 septembre 2023, un contrat de commission-affiliation en gérance de succursale.

      Dans ce litige, le contrat est signé en 2013 pour cinq ans. En mars 2018, la tête de réseau notifie au commissionnaire-affilié sa décision de ne pas renouveler le contrat une fois celui-ci parvenu à son terme, en novembre de la même année.

      Aussitôt, l’affilié s’adresse à la juridiction prud’homale qui se prononce en janvier 2019. Les juges estiment qu’il est bien, comme il l’affirme, gérant de succursale et lui accordent les rappels de salaires, de congés et d’indemnités de licenciement qu’il réclame.

      Sans surprise, la tête de réseau (le commettant-affiliant) fait appel.

      Ce que dit le code du travail

      Réseaux de franchise dans la loi TravailLa cour d’appel de Montpellier approuve la décision du conseil des prud’hommes.

      Les magistrats rappellent en préambule ce qu’indique le code du travail sur le sujet (article L 7321-2 2°) : « Est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement (…) à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par (elle) ».

      Approvisionnement quasi-exclusif et prix imposés

      La cour relève d’abord que « l’objet du contrat réside dans la fourniture par le commettant-affiliant d’un stock de produits et services fabriqués et/ou distribués par lui, le commissionnaire-affilié s’engageant à vendre ce stock ».

      Puis, à la lumière des chiffres d’affaires réalisés par l’affilié, elle déduit que l’approvisionnement était, dans les faits, « au moins quasi-exclusif » (à hauteur d’environ 80 % auprès de la tête de réseau).

      Les juges notent encore que, selon le contrat, l’affilié devait proposer à la clientèle les produits confiés par le commettant/fournisseur « conformément aux conditions générales de vente et tarifs pratiqués » par lui et « selon les instructions qui lui seront communiquées ».

      Une annexe du contrat précisait que « la commercialisation (s’effectuait) aux prix indiqués par (la tête de réseau) ». Le commissionnaire-affilié s’imposant de « suivre l’évolution des prix (…) qui lui sera immédiatement transmise à chaque changement réalisé ».

      Pour la cour d’appel, « ces stipulations établissent que les prix étaient imposés par le fournisseur. »

      Conditions d’exploitation imposées et agrément demandé sur le local

      Poursuivant leur examen du contrat, les magistrats pointent le fait que les conditions dans lesquelles l’affilié exerçait sa profession lui étaient également imposées. Car le contrat prévoyait que la tête de réseau fournisse à l’affilié « tous les éléments (lui) permettant d’administrer un magasin » sous son enseigne. Ainsi que les documents à lui transmettre en retour en accompagnement des 55 % du chiffre d’affaires réalisé dont le versement était prévu au contrat.

      Enfin, la cour considère, contrairement à ce que plaide la tête de réseau, que le local dans lequel l’affilié a exercé ses fonctions a bien été agréé par elle.

      Le contrat prévoyait entre autres que le commissionnaire-affilié soumette à la tête de réseau « les plans du local commercial afin que celle-ci valide par écrit l’adéquation de la disposition de ces lieux avec les normes d’exploitation du réseau de distribution. A défaut d’adéquation, le commissionnaire-affilié (devait) y remédier dans les plus brefs délais et avant l’ouverture au public en y apportant toutes les modifications nécessaires. » En cas de non-respect, le contrat aurait été « résilié dans les trois mois. »

      Pas de rappels de salaires mais des indemnités de licenciement pour le commissionnaire-affilié

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FrancePour la cour d’appel de Montpellier, « les quatre conditions légales cumulatives (approvisionnement exclusif ou quasi exclusif, local fourni ou agréé par l’entreprise, conditions et prix imposés) étant réunies, (le plaignant) est fondé à se prévaloir à titre personnel du statut de gérant de succursale. »

      Toutefois, la cour ne lui donne pas entièrement satisfaction.

      L’affilié réclamait des rappels de salaire sur la base de la convention collective applicable aux directeurs de magasins, soit 1 800 € bruts par mois. Mais, compte tenu de la rémunération brute qu’il a perçue pendant le contrat, soit 45 % du produit des ventes – ce qui a représenté selon les années entre 3 400 et 5 600 € bruts mensuels – il n’y a pas lieu aux yeux des juges de condamner la tête de réseau à verser des rappels de salaire.

      En revanche, le commettant-affiliant ayant « manifesté son intention de rompre la relation contractuelle », cette rupture « produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse du gérant de succursale qui occupait de fait un poste de directeur de magasin. »

      Le commissionnaire-affilié requalifié en gérant de succursale est donc en droit d’obtenir selon les juges 5 400 € de dommages et intérêts au titre de son « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Puisque le Code du travail prévoit, dans le cas d’un salarié totalisant 5 ans d’ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 salariés, une indemnité allant de 3 à 5 mois de salaire brut. Les juges ont ici accordé le minimum (3 fois 1 800 €).

      Ils ajoutent par ailleurs dans la même logique 5 400 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (trois mois).

      Cette décision le rappelle : pour ne pas voir leur contrat de commission-affiliation requalifié ainsi, les réseaux doivent veiller à accorder certaines libertés (en matière de prix et de conditions par exemple) à leurs partenaires affiliés

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Montpellier, 13 septembre 2023, n° 19/01348