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      Ne pas confondre contrat de mandat et contrat de travail - Brève du 4 août 2020

      Brève
      4 août 2020

      Un franchisé embauche un collaborateur avec lequel il signe un contrat de mandat. Mais ce dernier l’interrompt et le conteste, réclamant sa requalification en contrat de travail. La cour d’appel de Versailles le déboute et donne raison au franchisé.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Versailles a eu à se prononcer sur un litige survenu entre un franchisé et un de ses collaborateurs à propos d’un contrat de mandat.

      Signé en juin 2016, ce contrat précise que le mandataire, travailleur indépendant, doit limiter son activité à un département bien précis et auprès d’établissements ayant établis une convention avec la société franchisée. En contrepartie, il recevra une commission s’élevant à 45 % du CA net encaissé par le franchisé. Ce mandat est conclu pour un an renouvelable sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties un mois avant son échéance.

      Le franchisé réclame plus de 20 000 € à son ex-collaborateur mandataire

      En pratique, la société franchisée met à la disposition de son mandataire un ordinateur portable, un téléphone mobile et un scooter, moyennant le paiement d’un forfait mensuel de 300 € incluant aussi une participation aux frais de fonctionnement de l’établissement du franchisé de 150 € (accès au téléphone, au télécopieur et à un logiciel spécifique).

      Dix-huit mois après la signature de ce contrat, le 2 janvier 2018, le mandataire annonce au franchisé qu’il y met un terme car il a accepté une offre d’emploi émanant d’un réseau de franchise directement concurrent, où il prend ses fonctions quelques jours plus tard.

      Le franchisé lui demande alors de rembourser plus de 21 000 € correspondant selon lui à des « avances sur commissions » pour 18 000 € et à 3 000 € au titre de la location du matériel. Peu après, le franchisé propose de soumettre le litige à un conciliateur près du tribunal de commerce, ce que le mandataire refuse. L’affaire va donc en justice.

      Le mandataire contre-attaque estimant qu’il était en fait un salarié du franchisé

      Le mandataire demande au tribunal la requalification de son contrat de mandat en contrat de travail et la transmission de son litige au conseil de prud’hommes. Il conteste le fait de devoir rembourser les « avances sur commissions » (qu’il considère comme sa rémunération). De même il demande au tribunal d’annuler la contrepartie financière réclamée pour la mise à disposition du matériel (qu’il a restitué) et à propos de laquelle il n’y avait pas, selon lui, d’accord prévu entre les parties.

      Saisie, la cour d’appel de Versailles rejette cette requalification dans la mesure où, selon elle, « la preuve d’un lien de subordination n’est pas rapportée ».

      Pour soutenir sa demande, le mandataire mettait en avant le fait que des outils avaient été mis à sa disposition par son mandant (le franchisé), qu’il lui avait imposé un secteur géographique d’intervention ainsi que des obligations de présence et des contraintes horaires au siège de sa société. Enfin, le mandataire estime qu’au moment de la signature du contrat, il n’avait pas eu le choix de son statut (mandataire ou salarié).

      La cour d’appel rejette la requalification du contrat de mandat en contrat de travail

      Les magistrats notent d’abord, au vu des pièces examinées qu’au contraire, c’est lui qui a choisi de signer un contrat de mandat (afin de continuer à percevoir les avantages liés à son contrat de travail non encore expiré chez son ancien employeur).

      Ils soulignent ensuite que les outils mis à sa disposition  ne l’étaient pas gratuitement comme à un salarié mais moyennant une participation financière et que, dans la mesure où le secteur géographique était imposé au mandant par son contrat de franchise, celui-ci ne pouvait que l’imposer lui-même à ses collaborateurs.

      Enfin, aux yeux des juges, les courriels produits par le mandataire « ne suffisent pas à prouver les contraintes de présence invoquées » au siège du franchisé.

      Pour la cour, la société franchisée n’a donc pas versé des salaires mais bien des « avances sur commissions » au mandataire (qui faisait état par courriel de ses difficultés financières). Le mandataire devra par conséquent reverser la somme de 19 700 € (montant arrondi) au franchisé.

      Sur la location de matériel (ordinateur, téléphone, scooter), la cour estime au vu des courriels échangés qu’il y a bien eu un accord entre les parties et que le mandataire doit s’acquitter de la somme de 2 700 € correspondant à la période pendant laquelle il n’a pas réglé son forfait de 300 € par mois.

      Il devra encore payer 600 € (100 € par mois pendant 6 mois) pour réparer le préjudice subi par le franchisé en raison de la restitution tardive d’une partie du matériel prêté.

      Clause de non-concurrence : la cour refuse les dommages et intérêts réclamés par les deux parties…

      En revanche, la cour d’appel de Versailles, déboute le franchisé de sa demande de dommages et intérêts (à hauteur de près de 80 000 €, correspondant à la dernière année de chiffre d’affaires) pour violation par le mandataire de la clause de non-concurrence (de deux ans sur le territoire indiqué). Pour les magistrats, dans la mesure où le mandataire a versé au dossier une pièce prouvant qu’il n’était pas intervenu, pour le compte de son nouvel employeur, dans le même département qu’avec le franchisé, la clause a été respectée. De même, pour la cour, rien ne prouve la mauvaise foi du mandataire qui, selon le franchisé, aurait commencé à travailler pour la concurrence avant de la rejoindre officiellement début janvier 2018. Même s’il n’a pas formellement respecté le délai d’un mois entre l’annonce de son départ et celui-ci.

      Mais la cour déboute également le mandataire qui demandait pour sa part des dommages et intérêts de près de 40 000 € parce que cette fameuse clause de non-concurrence lui causait un préjudice. Sans elle, affirmait-il, il aurait pu bénéficier d’un territoire plus important pour exercer son activité… La cour lui fait observer qu’il « ne peut demander réparation d’un préjudice pour la mise en œuvre d’une clause qu’il a signée. »

      Au total, il devra donc reverser quelque 23 000 € à son mandant franchisé

      Références de la décision :

      Cour d’appel de Versailles, 18 mai 2020, n°18/07354