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      Renouvellement du contrat de franchise : quand la tacite reconduction débouche sur une rupture - Brève du 25 juillet 2022

      Brève
      25 juillet 2022

      Au moment de renouveler le contrat d’un franchisé par tacite reconduction pour trois ans, un franchiseur lui propose de signer un nouveau contrat de cinq ans différent du premier. En désaccord avec le contenu, le franchisé résilie le contrat. Il est condamné pour rupture fautive, même si la cour réprouve en partie le comportement du franchiseur.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris a jugé le 1er juin 2022 un litige portant sur le renouvellement d’un contrat de franchise. Une phase délicate, y compris quand le contrat initial prévoit sa tacite reconduction… qui peut parfois s’avérer plus compliquée que prévu.

      Dans l’affaire examinée par la cour d’appel, le contrat initial de 5 ans – signé début 2011 – arrive à échéance fin 2015. Un renouvellement par tacite reconduction est prévu par périodes de trois ans, sauf dénonciation par l’une ou l’autre partie 6 mois avant le terme. Tout a l’air simple et bien cadré.

      Mais en décembre 2015, le franchiseur fait parvenir au franchisé un nouveau contrat de 5 ans  (2016/2020) en lui demandant de lui retourner signé. Ce que le franchisé, qui n’en approuve ni la durée ni le contenu, ne fait pas. Il le précise dans un courrier d’avril 2016 accompagné de plusieurs demandes d’amélioration des conditions d’exploitation de la franchise.

      En fait de tacite reconduction, le franchiseur propose un nouveau contrat

      La collaboration entre les deux parties se poursuit malgré tout. Mais, suite aux refus explicites et répétés du franchiseur de tenir compte de ses demandes, le franchisé estime au bout de quelques mois que le contrat initial – qui a, selon lui, été reconduit tacitement – se trouve résilié puisque les modifications unilatérales que veut y apporter le franchiseur ne peuvent pas lui être imposées.

      Pour sa part, le franchiseur invoque dans un premier temps un courrier du 25 juin 2015 (non produit aux débats) pour estimer qu’il a, par sa proposition d’un nouveau contrat, dénoncé de fait le contrat initial. Puis, il change de stratégie et admet que le contrat s’est poursuivi par tacite reconduction. Mais en conséquence, il réclame au franchisé des dommages et intérêts au titre d’une rupture brutale injustifiée, car il conteste « toute modification unilatérale du contrat et toute inexécution contractuelle ».

      N’acceptant pas les modifications proposées, le franchisé résilie le contrat

      Devenir-Franchise-DIPDevant la justice, le franchisé fait valoir qu’il n’est pas responsable de la rupture, alors que son franchiseur, lui, a voulu modifier le contrat sans son consentement.

      Il lui reproche d’abord de s’être autorisé à vendre sur son site internet les produits de la marque pour lesquels il lui accordait initialement une exclusivité sur sa zone. Puis d’avoir voulu lui imposer un volume d’achats minimum alors que le contrat initial ne comportait pas d’obligation en la matière.

      Le franchisé conteste également le nouveau mode de calcul de la redevance qui la rend plus chère.  Il refuse enfin d’approuver les frais de formation de son personnel qui ne figuraient pas dans le premier contrat et qu’il dit n’avoir jamais acceptés.

      La cour d’appel estime que cette résiliation n’était pas justifiée

      La cour ne suit pas le franchisé dans son argumentation. D’abord, elle approuve le franchiseur pour qui, s’appuyant sur la jurisprudence, « la création d’un site internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé (du franchisé) ». 

      Ensuite, si en effet le nouveau contrat prévoyait une obligation de volume d’achats contrairement au contrat initial, le franchiseur a adressé par la suite à tous ses franchisés un courrier les informant de l’absence de caractère contraignant des minima d’achats qu’il avait indiqué pour l’année. Contrairement au franchisé, les magistrats en déduisent qu’il n’y a eu là aucune modification substantielle du contrat tacitement renouvelé justifiant sa résiliation aux torts du franchiseur.

      Quant au nouveau mode de calcul de la redevance, si le franchiseur a clairement exprimé son intention de l’appliquer, « le franchisé ne justifie pas qu’il s’en est suivi une application effective ».

      Enfin, sur les frais de formation du personnel prévus au nouveau contrat et pas au contrat initial, la cour retient qu’ils n’étaient pas vraiment nouveaux puisque facturés depuis 2012.

      Le franchisé est condamné pour rupture fautive du contrat tacitement renouvelé…

      Conclusion de la cour : « le franchisé ne démontrant pas les manquements caractérisés du franchiseur au contrat initial tacitement reconduit, la résiliation aux torts du franchiseur n’est pas justifiée. »

      En conséquence, les demandes de remboursements et autres réparations de préjudice du franchisé sont écartées. A l’inverse, il y a résiliation fautive du contrat de sa part et le franchiseur doit être indemnisé pour cela.

      …mais la cour réduit la sanction car le franchiseur a tenté d’imposer ses nouvelles conditions

      Toutefois, l’indemnité prévue par la clause pénale du contrat « présente un caractère manifestement excessif » selon les juges. Et au lieu des 24 000 € réclamés dont 18 000 € correspondant aux redevances qui auraient été dues si le contrat tacitement renouvelé s’était prolongé jusqu’à son terme fin 2018, la cour ramène la somme à 10 000 €.

      « Il est manifeste en effet, écrit la cour, que le franchiseur a tenté, avant de revenir sur sa position, d’imposer unilatéralement au franchisé de nouvelles conditions financières, provoquant (la colère) de l’intéressé. En outre, le franchisé a continué à se conformer à ses obligations contractuelles, notamment en réglant les redevances de franchise facturées. »

      Reste que ce n’est pas le franchiseur qui est sanctionné, mais le franchisé, pour avoir résilié un contrat tacitement renouvelé sans raisons suffisantes aux yeux des juges.

      Référence de la décision :

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, arrêt du 1er juin 2022, n°20/11414