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      Franchise : l’Avis de l’Autorité de la Concurrence est perturbant

      Tribune publiée le 13 décembre 2010 par MELLINGER
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      L’auteur, conseil en développement de franchises, estime que  « l’Avis de l’Autorité de la Concurrence est perturbant à maints égards » et « met à mal tout ce qui fait l’essence du contrat de franchise ». Il en appelle à une « extrême vigilance » quant à la suite (éventuellement législative) qui sera donnée à ce texte.

      L’Avis 10-A-26 de l’Autorité de la Concurrence du 07-12-2010 est perturbant à maints égards.
      Son domaine d’application est limité à un secteur : il est « relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants …. dans le secteur de la distribution alimentaire ».
      L’Avis puise une partie de ses références dans des textes qui concernent également la franchise : le règlement d’exemption et la loi Doubin.

      L’Avis met à mal tout ce qui fait l’essence du contrat de franchise :

      • Une quasi redéfinition du savoir-faire qui n’est plus « secret, substantiel et identifié » mais qui est qualifié :
      -d’observable, donc accessible à tous : « notamment celui relatif à l’agencement du magasin, à son assortiment et aux plans d’implantation des produits »
      -de non spécifique, même dans sa partie non visible : « les compétences du commerçant indépendant en matière de gestion financière ou d’implantation des magasins »
      -qui devient la propriété de celui à qui il est transmis : « ce savoir-faire est partie intégrante de l’expérience et de la compétence professionnelle du gérant de magasin, et il n’est donc pas possible de l’empêcher d’en faire usage à l’issue du contrat » !

      • Une remise en cause
      -des clauses de non-concurrence post-contractuelle
      -des clauses de préemption et d’agrément
      • Une limitation de la durée contractuelle à 5 ans

      Très inquiétant !

      Il faudra toujours rappeler le titre de l’Avis et lutter contre la transposition de ses recommandations à d’autres secteurs.

      Rappelons que l’ADC consacre plus de la moitié de l’Avis à la situation de marché particulière de la distribution alimentaire et à la problématique de la gestion du foncier commercial.

      Elle y relève en particulier la puissance de la distribution alimentaire actuelle, sa situation d’oligopole, parfois de duopole, notamment à Paris, son impact sur la disparition des épiceries dont le nombre a été divisé par 6 en 40 ans, le faible degré de concurrence dans plus de 66% du marché, la faible mobilité des magasins indépendants entre réseaux concurrents, les prises de participation de la tête de réseau, les pratiques de gel foncier, la rareté du foncier commercial, la multiplicité des contrats de durées différentes conclus pour la même opération qui aboutit à l’allongement de la durée contractuelle, la pratique des droits de sortie, les différentes et souvent vaines tentatives du législateur de stimuler à nouveau la concurrence entre les acteurs….

      Autant de situations qui ne touchent qu’une infime partie des secteurs dans lesquels s’épanouit la franchise.

      Et pourtant, il sera facile et tentant de s’inspirer de cet Avis pour transposer ses arguments à l’ensemble de la franchise, tant est grande la perméabilité intellectuelle entre secteurs.

      Exactement comme l’a fait l’Autorité : elle a puisé sa proposition de limitation de la durée contractuelle à 5 ans dans le règlement d’exemption, dans lequel cette durée ne portait que sur l’exclusivité d’approvisionnement.

      Et pourtant, il est facile de ne concentrer ses commentaires que sur les points qui touchent directement la franchise, en les sortant du contexte global de l’avis.

      Exactement comme l’ont fait les commentateurs qui se sont exprimés sur le sujet.

      Une extrême vigilance s’impose néanmoins sur la suite qui sera donnée à cet Avis de l’ADC qui note que « la mise en œuvre de ces recommandations nécessite une intervention du législateur » !

      La « franchise » ne devra pas être absente des consultations préalables. Elle devrait s’y sentir à l’aise : les conclusions de l’avis s’inspirent aussi du règlement d’exemption et de la loi Doubin avec une référence positive au savoir-faire. Ouf !

      Lire aussi : 

      « Clauses de non-concurrence, l’Autorité de la Concurrence enfonce le clou », de M° Nathalie Castagnon,

      « Autorité de la Concurrence : un avis s’imposant à tous les réseaux de franchise ? », de M° Frédéric Fournier,

      « Un avis intéressant », de M° Jean-François Tessler,