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      Un avis intéressant

      Tribune publiée le 3 janvier 2011 par Jean-François TESSLER 
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      L’Avis de l’Autorité de la Concurrence réjouit l’auteur, qui y voit l’opportunité pour les enseignes – du commerce associé notamment – de rallier plus facilement les adhérents des réseaux concurrents.

      Libérés après 5 ans de toute contrainte juridique vis-à-vis du réseau auquel ils appartiennent, nos épiciers vont enfin pouvoir choisir librement leur partenaire contractuel au terme de leur contrat, sans être empêtrés, au-delà de ce délai, imposé en tout état de cause par la Commission européenne.

      Partant de l’idée qu’un excès de concentration est nuisible pour le consommateur, l’Avis de l’Autorité de la concurrence (7 décembre 2010) s’est fixé pour objectif de convaincre les opérateurs de lever amiablement les obstacles qui existent à la mobilité des magasins entre les différents réseaux.

      Ce faisant, l’ADC apporte une pierre à un édifice libertaire, qui n’était pas toujours facile à construire sur le terrain du seul droit civil ou du droit des sociétés.

      Cette mobilité retrouvée pourrait avoir un effet triplement salutaire :

      -Pour le consommateur, par une plus grande diversité de l’offre;

      -Pour le commerçant indépendant, par une liberté de choix retrouvée, ce qui est tout de même consubstantielle avec les responsabilités qu’un chef d’entreprise doit assumer, et le retour qu’il est en droit d’attendre de ses investissements comme de son travail;

      -Pour les enseignes, parce qu’elles ne pourront plus s’endormir sur les lauriers trompeurs de contrats trop bien ficelés : il leur faudra désormais revenir à un concept fondamentalement sain, c’est-à-dire le fait qu’un franchisé est non seulement un partenaire mais aussi un client qu’il faut satisfaire.

      Autrement dit, rendre leur liberté aux franchisés en fin de contrat, c’est imposer aux enseignes un travail sur elles-mêmes, qui ne peut être que salutaire. Et tant pis, si les moins performantes ne perdurent pas : que les meilleurs gagnent !

      Il est cependant frappant de constater que les deux dirigeants de deux grandes enseignes du commerce associé, le réseau coopératif Leclerc et le réseau coopératif Système U, ont eu, face à l’Avis, à 24 heures d’intervalle, des positions diamétralement opposées rapportées par la presse, alors qu’il s’agit de deux enseignes qui ont le vent en poupe et qui sont réputées pour leur succès commerciaux :

      D’un côté, Serge Papin, de Système U, pour qui l’Avis de l’ADC représente manifestement une opportunité majeure pour le mouvement qu’il préside : nombre de ralliements de magasins sous enseigne concurrente, sont en effet contrariés par des dispositifs juridiques délicats à surmonter. Système U se déclare donc prête à coopérer avec l’ADC, comptant sans doute recueillir le bénéfice des flux migratoires à venir.

      A l’inverse, Michel-Edouard Leclerc s’insurge contre l’ADC et menace de saisir le Conseil d’Etat pour que l’Avis soit invalidé. Nul doute pourtant que le mouvement Leclerc ne soit pas en difficulté au plan commercial. Mais Leclerc considère sans doute que le succès de l’enseigne réside dans la stabilité de son réseau, assurée par des mécanismes qui conjuguent tous les artifices dénoncés par l’ADC : durée des engagements, protections statutaires, droit de priorité, etc.

      Comme toujours, le point d’équilibre entre tous les intérêts en présence sera difficile à atteindre. La voie ouverte par l’ADC annonce une période passionnante pour les professionnels du secteur, tant il paraît certain que de nouveaux modèles devront en émerger.
      A suivre, donc, avec le plus grand intérêt…

      Jean-François Tessler préside l’association Droit & Réseaux, qui se définit comme un cercle de réflexion sur le droit et les pratiques commerciales des entreprises en réseau.

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