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      Franchises d’épilation à la lumière pulsée : vers un épilogue favorable ? - Brève du 15 juillet 2019

      Brève
      15 juillet 2019

      Le projet de décret gouvernemental ouvrant l’épilation à la lumière pulsée aux instituts de beauté est retardé. Tandis que les procès contre les franchises du secteur pour exercice illégal de la médecine continuent. Même si, ici ou là, certaines cours d’appel refusent de les condamner.

      La bataille de l’épilation va-t-elle bientôt connaître son épilogue ? Une chose est sûre : annoncé pour le 1er juillet, le décret gouvernemental tant attendu par les esthéticiennes et les franchises du secteur aura du retard. Vent debout contre le texte, les dermatologues tentent en effet d’en empêcher la sortie ou, à défaut, d’en minimiser la portée.

      Pour ces professionnels, il y va de la santé publique. Les appareils à lumière pulsée présentent à leur avis des risques sérieux de brûlures et de cancer, eux-mêmes étant seuls en mesure, en tant que médecins, de bien les utiliser et de dépister les mélanomes avant qu’il ne soit trop tard.

      Au contraire, pour les organisations d’esthéticiennes dont la CNEP, la Confédération de l’esthétique qui regroupe aussi fabricants et distributeurs, les risques sont minimes et ne justifient pas l’interdiction qui leur est faite d’utiliser cette technologie. Et si le « chiffon rouge de la santé » est agité par les dermatologues, ce serait en réalité pour une question de gros sous. Si demain cette forme d’épilation devient, aux yeux de la loi, un acte esthétique et non plus médical, leurs prestations ne bénéficieront plus comme aujourd’hui des remboursements de la Sécurité sociale mais devront subir en revanche la TVA… Un changement de modèle économique pour le moins contrariant.

      Les franchises d’épilation toujours traînées devant les tribunaux

      Quoi qu’il en soit, les dermatologues ainsi que les médecins esthétiques (soutenus maintenant par l’UFC Que Choisir dans certains dossiers), continuent de traîner les esthéticiennes devant les tribunaux. Depuis trois ans, les hostilités se sont même intensifiées, singulièrement contre les franchises du secteur.

      Jusqu’à une date récente, à part quelques exceptions en première instance, la justice a quasi systématiquement tranché en faveur des médecins. Au nom du respect de l’arrêté de 1962 qui interdit en France aux autres professionnels toute forme d’épilation, excepté « à la pince ou à la cire ».

      Cabine franchise Depil'TechAu point qu’une chaîne spécialisée comme Dépil Tech, qui revendique 88 franchisés et 132 établissements à ce jour en France et à l’étranger, recense 53 procédures en cours à son encontre et affirme devoir consacrer 200 000 € chaque année pour sa défense. Les sanctions prononcées (souvent de 10 à 15 000 € d’amende pour des franchisées) vont d’ailleurs en se durcissant. L’enseigne a ainsi été condamnée, le 7 février dernier, à une amende de 150 000 € par le tribunal correctionnel de Nice. D’autres décisions comparables pourraient advenir contre ses dirigeants, accusés aussi de tromperie par certains de leurs franchisés qui leur reprochent de ne pas les avoir avertis du « caractère illicite » de leur activité.

      Black-listée par les banques qui refusent de financer les éventuels candidats, l’enseigne est atteinte dans son activité et son développement. Résultat, la société du franchiseur est sous procédure de sauvegarde depuis mai 2018. Certes, elle vient d’obtenir du tribunal sa prolongation pour 6 mois, mais qu’en sera-t-il au-delà de novembre prochain, la réponse est incertaine.

      En appel, elle perd aussi le plus souvent. Et à chaque fois qu’un litige est remonté jusqu’en cassation, la conclusion a été la même : la plus haute juridiction française affirmant régulièrement que l’arrêté de 1962 reste, en la matière, la seule législation applicable.

      Deux cours d’appel refusent de condamner les franchises

      Des voix dissonantes se font toutefois entendre depuis peu parmi les magistrats d’appel. Ainsi, la cour d’Aix-en-Provence a-t-elle considéré, le 20 décembre 2018, que les pratiques de Dépil Tech n’étaient pas illégales.

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      Dans un litige concernant une autre enseigne, Esthetic Center, la cour d’appel de Limoges vient, le 21 juin 2019, de prononcer la relaxe de la franchisée, condamnée en première instance à 30 000 € d’amende avec sursis. Pour les magistrats de Limoges, « l’interdiction contenue dans l’arrêté de 1962 ne respecte pas le principe général du droit qu’est le principe de proportionnalité. En effet, les nécessités de santé publique, objectif d’intérêt général poursuivi par l’autorité administrative en 1962, n’apparaissent pas justifier le monopole médical en 2019 sur l’activité de l’épilation par lumière pulsée. »

      Cette forme d’épilation « (semi-définitive qui retarde la repousse du poil et ne le détruit pas définitivement) est une pratique à visée esthétique et non pas à visée thérapeutique », poursuit la cour. « Elle ne nécessite donc pas un diagnostic préalable mais seulement des précautions comme c’est le cas d’autres actes à visée esthétique comme le photo rajeunissement (…) qui utilise également la lumière pulsée et n’est pourtant pas réservé aux médecins. »

      La cour de Limoges reprend à son compte les autres arguments des franchises du secteur, qualifiant de « légers » les effets indésirables de la technique, observant que la vente d’épilateurs domestiques (comme ceux utilisés par les instituts) est autorisée aux particuliers et aussi que des formations spécifiques sont dispensées aux esthéticiennes. Une décision qui tombe à point nommé pour l’enseigne Esthetic Center et les partisans de la réforme.

      Le décret gouvernemental espéré « avant la fin de l’année »

      Une réforme qui se retrouve, on l’aura compris, à nouveau en pleine discussion, sous la pression des dermatologues. A ce stade, les échanges continuent entre les professionnels et les ministères concernés (santé, consommation, économie), sous la houlette de Matignon.

      En l’état, le projet de décret prévoit la possibilité, pour les esthéticiennes, de pratiquer (légalement donc) l’épilation à la lumière pulsée. A toute une série de conditions toutefois : de formation spécifique et continue par des organismes agréés, d’attestation de compétence régulièrement renouvelée et d’avertissement du public sur les risques de cette technologie. Les fabricants étant tenus également à certains actes lors de l’installation de toute nouvelle machine. Mais, on le sait, le diable est dans les détails et une des questions qui se discute actuellement porte sur l’intensité de lumière pulsée à laquelle les non-médecins auront droit.

      Une mouture définitive est espérée pour début septembre par les partisans de la réforme. Mais comme le décret sera accompagné de plusieurs arrêtés (sur la formation, les démonstrations des fabricants, la maintenance des appareils, les contre-indications pour les consommateurs), beaucoup de points restent à préciser. Le dossier devra encore, selon l’une des parties, passer par les instances européennes puis en Conseil d’État. La volonté du Premier ministre serait toutefois d’aller vite… C’est-à-dire d’aboutir avant la fin de l’année.

      L’arrêté modifiant l’article 2/5è de celui de 1962 est rédigé. La formule interdisant toute forme d’épilation aux non-médecins deviendrait « sauf à la pince, à la cire ou à la lumière pulsée ». Rien n’est fait toutefois. Même si les franchiseurs du secteur n’ont peut-être jamais été aussi près d’atteindre leur objectif de légalisation de leur activité.

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