Fermer
Secteurs / Activités

      Réservation de zone en franchise : attention à la rédaction du contrat - Brève du 10 mars 2022

      Brève
      10 mars 2022

      Un franchiseur est condamné pour avoir rompu un contrat de réservation de zone alors que le futur franchisé n’avait pas commis de faute. Le candidat à la franchise échoue toutefois à obtenir des indemnités significatives, ce « pré-contrat » ne comportant pas, de la part du franchiseur, d’engagement à l’intégrer au réseau.

      Devenir-Franchise-Etude-Marche-PrevisionnelsLa cour d’appel de Toulouse a condamné récemment un franchiseur pour rupture fautive d’un contrat de réservation de zone.

      Signé en novembre 2015 pour une durée de 18 mois, le contrat est interrompu par un courrier de juin 2016. Le candidat à la franchise apprend ainsi que l’enseigne ne compte pas donner suite à son projet. Motif : il « n’est pas en harmonie avec le concept ni avec l’équipe ».

      Problème : l’ex-futur franchisé conteste cette décision. Certes, le contrat prévoyait qu’il pouvait être résilié sur simple lettre « en cas de non-respect par l’une ou l’autre des parties de l’une des obligations prévues ». Mais précisément, le candidat évincé estime qu’il n’a pas commis de faute. Il assigne en mars 2017 son ex-partenaire en justice pour rupture fautive du contrat de réservation de zone et réclame près de 92 000 € en réparation du préjudice subi.

      La rupture du contrat de réservation de zone est fautive, selon la cour

      Le tribunal de commerce déboute le candidat à la franchise de toutes ses demandes, mais pas la cour d’appel.

      Dans leur arrêt du 1er décembre 2021, les magistrats de Toulouse relèvent que, si le franchiseur s’est engagé par ce contrat – qu’il a qualifié de « pré-contrat » (de franchise) – à « fournir au candidat tous éléments de son savoir-faire, à l’aider dans la recherche de locaux et de financement et à se tenir à sa disposition pour répondre aux questions relatives à son installation comme franchisé », le candidat, lui, n’avait d’autre engagement que de verser une somme de 8 100 €, ce qu’il a fait.

      Pour la cour, le franchiseur « ne démontre (donc) pas (…) l’existence d’un manquement de son cocontractant à ses engagements contractuels. »

      Les magistrats ajoutent que les différents mails du candidat prouvent « sa volonté de défendre ses intérêts », notamment quant à « la définition de la zone géographique susceptible de lui être attribuée par le contrat de franchise », « ce qui constitue l’objet même de la convention, sans caractériser un quelconque comportement fautif. »

      « La faute du candidat ne peut résulter de ce qu’il a entrepris de rencontrer un franchisé du groupe, afin de se présenter, puisque contrairement à ce qui est soutenu, il n’est pas établi qu’une telle démarche, qui n’apparaît pas en elle-même fautive, lui avait été expressément interdite. »

      Quant à l’accusation « purement subjective » selon la cour de « dysharmonie » ou « d’incompatibilité avec les valeurs de l’enseigne, lesquelles ne sont pas explicitées, elle ne caractérise pas un manquement du candidat à la franchise aux obligations (du contrat de réservation de zone) ».

      Pour la cour d’appel de Toulouse, la rupture du contrat par le franchiseur est donc fautive. En raison de son caractère brutal et en l’absence de tout avertissement préalable, elle a causé au candidat un préjudice que la cour estime à 3 000 €.

      L’indemnisation est faible car le contrat de réservation de zone ne garantissait pas au candidat d’être intégré à la franchise

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour n’accorde toutefois pas davantage de dommages et intérêts au candidat éconduit. Elle note que la somme de 8 100 € qu’il a versée en 2015 lui a été restituée. Et estime qu’il n’y a pas lieu de contraindre le franchiseur à aller au-delà.

      Les magistrats rappellent que le contrat de réservation de zone n’engageait ni le franchiseur ni le candidat à signer un contrat de franchise au terme de cet avant-contrat.  Par ailleurs, le texte précisait que le contrat ne se renouvellerait pas par tacite reconduction.

      Si le candidat invoque, pour justifier sa demande d’indemnisation, ses frais de déplacement et surtout la perte de chance de développer sa franchise, il « n’établit pas », aux yeux de la cour d’appel, « de lien causal entre ces préjudices et le non-respect du contrat ». Puisque le franchiseur demeurait libre à l’expiration des 18 mois d’accorder ou non une zone au candidat et ce, sans avoir à justifier son refus.

      La situation du candidat à la franchise ne lui aurait donc « pas été plus favorable » si le franchiseur avait laissé le contrat aller à son terme. Si la rupture a été fautive, elle ne l’a pas privé de sa chance de développer sa franchise. L’ex-candidat est donc débouté sur ce point.

      Les limites d’un contrat de réservation de zone

      Même si, en l’occurrence, le contrat de réservation de zone n’était pas particulièrement avantageux pour le franchiseur, il ne garantissait pas pour autant au candidat l’entrée dans la chaîne. Ce qui est la pratique courante en franchise.

      Dans les faits, une enseigne peut, bien sûr, laisser entendre au cours des discussions précédant la signature d’un tel document, que tout ira bien par la suite. Mais il est normal que le franchiseur – parce qu’il est responsable de la cohésion du réseau – se réserve le droit d’intégrer ou non un candidat.

      Aux futurs franchisés, là encore, de bien lire le texte de la convention qu’ils signent, même pour une simple réservation de zone, et les possibilités qu’elle offre ou qu’elle n’offre pas. Car seul le texte signé engage le franchiseur.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Toulouse, deuxième chambre, 1er décembre 2021, n° 19/03161

      A lire aussi sur le sujet :

      L’article de Maître Marie-Pierre Bonnet-Desplan, avocat à la cour, dans la « Lettre de la Distribution » de janvier 2022 pour les questions qu’elle soulève sur l’objet de la convention et les suggestions qu’elle émet à destination des franchiseurs et rédacteurs de contrats.