Fermer
Secteurs / Activités

      Durée et renouvellement du contrat de franchise : le diable est dans les détails - Brève du 4 juin 2020

      Même après des années de collaboration, lorsque l’heure est venue de signer un nouveau contrat avec son franchiseur, le franchisé doit le relire attentivement. En particulier s’agissant des clauses de renouvellement qui peuvent réserver parfois de mauvaises surprises.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLe 18 mai 2020, la cour d’appel de Versailles s’est prononcée – aux dépens d’un franchisé – dans un litige portant sur le renouvellement de son contrat de franchise.

      Le 14 juin 2017 alors qu’il en est à sa seizième année de partenariat avec son enseigne, un franchisé reçoit d’elle un courrier de rupture qui le surprend. Alors que, depuis septembre 2001, il enchaîne régulièrement les contrats de 5 ans avec son franchiseur, celui-ci lui annonce soudain qu’il va mettre fin à la série, en lui accordant toutefois un préavis de 18 mois eu égard à la durée globale de leur collaboration.

      Selon le franchiseur, le contrat arrivé à échéance en août 2016 n’a pas, comme il aurait dû, fait l’objet d’un accord de renouvellement explicite entre les parties. La collaboration se poursuit donc en fait dans le cadre d’un contrat qui est devenu à durée indéterminée et que le franchiseur peut interrompre à tout moment sans avoir à en donner la raison, pourvu qu’il laisse à son co-contractant un délai suffisant de préavis.

      En désaccord complet avec ce qu’il estime être une interprétation tendancieuse des faits, le franchisé affirme au contraire que, si le renouvellement de son nouveau contrat de 2011 n’a pas fait l’objet en 2016 d’un accord explicite, il s’est poursuivi de façon tacite, de la même manière que cela s’était produit en 2006 pour celui de 2001. Il se tourne donc vers la justice et réclame des indemnités de l’ordre de 2 millions d’euros pour rupture anticipée et fautive de son contrat (qui, selon lui, aurait dû se terminer en 2021, mais pas avant). En 2019, sa société est placée en liquidation judiciaire.

      Sans accord explicite, le renouvellement du contrat de franchise n’était pas pour autant devenu tacite

      Saisie, la cour d’appel de Versailles le contredit. Et c’est là que le diable intervient. Les magistrats relèvent en effet dans la rédaction des clauses de renouvellement des contrats une différence décisive. Dans le texte de 2001, il était indiqué qu’au terme de ses 5 ans, le contrat « ferait l’objet » d’un renouvellement « sous réserve de l’accord réciproque des parties sur ses modalités et conditions, 6 mois au moins avant l’expiration de la durée initiale ». Pour les juges, cela signifiait que le renouvellement était alors « quasi-automatique ». Rien d’étonnant donc à ce qu’il ait été renouvelé en 2006 sans qu’il y ait eu accord explicite.

      En revanche, la clause de la nouvelle convention signée en 2011 indiquait que le contrat « pourrait faire l’objet » d’un renouvellement (sous les mêmes réserves). « Pourrait » faire : pour la cour cela veut bien dire, comme l’affirme le franchiseur, que les parties s’étaient ouvert là des possibilités nouvelles de négociation… ou de non-renouvellement.

      Devenu à durée indéterminée, le contrat pouvait être à tout moment légalement interrompu

      La cour écarte par ailleurs les preuves d’accord tacite avancées par le franchisé : deux factures du franchiseur postérieures à la date d’échéance du contrat en 2016, mais pas assez importantes – selon les juges – pour démontrer l’existence d’un tel accord de la part du franchiseur quant au renouvellement du contrat.

      Les magistrats réfutent également l’argument du franchisé selon lequel le fait qu’en 2006 le renouvellement se soit effectué de façon tacite atteste qu’il s’agissait désormais d’un usage. « La preuve de l’existence d’un usage entre les parties ne peut pas résulter d’un acte unique, précise l’arrêt, et doit au contraire résulter d’un comportement plusieurs fois renouvelé ».

      N’ayant pas fait l’objet d’un accord explicite, le contrat de 2011 s’est donc transformé après 2016, pour la justice comme pour le franchiseur, en contrat à durée indéterminée ouvrant le droit à chaque partie de le rompre à tout moment sans avoir à s’expliquer, sauf à respecter un délai de préavis raisonnable. Parfois dans un contrat, un seul mot peut tout changer.

      Références de la décision :

      Cour d’appel de Versailles, 18 mai 2020, n° 18/08069