Le marché de l’immobilier français a fini l’année 2025 dans une situation paradoxale. En effet, après deux années de net ralentissement, le marché de l’ancien retrouve un volume de transactions conforme à ses standards historiques, avec plus de 900 000 ventes estimées. Ce retour à la normale provient d’un double ajustement, tout d’abord, une correction des prix en 2023-2024 (baisse cumulée de 7 %), suivie d’une reprise modérée en 2025 (+1,8 %), et un retour des taux d’emprunt à des niveaux soutenables, autour de 3,10 %, après un pic à 4,20 % fin 2023. Les conditions du marché se sont petit à petit équilibrées, ce qui a permis à l’activité de retrouver du souffle. Derrière cette apparente reprise, l’équilibre reste fragile. Le marché évolue dans un brouillard politique, budgétaire et fiscal : des débats autour du PLF 2026, pistes de réformes évoquées puis écartées (plus-values sur la résidence principale, fiscalité des bailleurs). Ces signaux entretiennent l’attentisme et conduisent les ménages à avancer avec prudence.
Tandis que les transactions augmentent, le taux de propriétaires recule dans notre pays. La reprise n’est pas uniforme. Les primo-accédants gagnent du terrain (35 % des transactions contre 30 % un an plus tôt), soutenus par le PTZ et des taux plus accessibles, mais cette dynamique reste faible pour inverser la tendance. Les secundo-accédants demeurent la principale force d’achat. En revanche, les investisseurs privés restent largement en retrait (17 % des transactions, contre plus d’un quart auparavant), fragilisant un marché locatif déjà sous tension. Enfin, la reprise des prix, si elle se poursuit, pourrait rapidement compromettre l’accès à la propriété pour les ménages les plus modestes. En résumé, le marché de l’ancien retrouve de la dynamique, mais plusieurs fragilités persistent telles que les prix en hausse, les primo-accédants encore minoritaires et les investisseurs absents. La question n’est pas seulement de savoir si les transactions repartent, mais dans quelles conditions et au bénéfice de quelles catégories d’acheteurs.
LA DEMANDE CONSIDÉRÉE COMME MOTEUR DE LA REPRISE
La demande immobilière continue de soutenir la reprise, mais avec un environnement contraint. Sur une totalité de 12 mois, le nombre d’acquéreurs recensé au sein du réseau Laforêt progresse de 18 %.Cependant, trois mois plus tôt, cette progression atteignait 20 % : la tendance de fond reste favorable, malgré un tassement en fin d’exercice. Dans le détail, les intentions d’achat progressent partout : +20 % à Paris, +18 % en Île-de-France et +17 % dans les régions. Les Français qui avaient retardé leur décision en 2023-2024, anticipant une baisse continue des taux et des prix, ont finalement compris qu’elle n’était pas durable. Beaucoup ont donc voulu relancé leurs projets d’acquisition. Par typologie, la demande progresse désormais de 19 % pour les maisons et de 17 % pour les appartements. Cela montre que les Français se tournent à nouveau vers les maisons, qui restent la forme dominante du parc immobilier, après une période où l’inflation et les coûts liés à l’entretien et à la rénovation avaient temporairement freiné cet intérêt.Le dernier trimestre 2025 a toutefois marqué un léger tassement. La progression de la demande reste soutenue sur l’année (+18 %), mais la dynamique observée en milieu d’année s’est atténuée en fin d’exercice. Les intentions d’achat demeurent néanmoins présentes.
L’OFFRE SE RECONSTRUIT, MAIS LE DÉFICIT EST TOUJOURS PRÉSENT
En vue de cette demande dynamique, l’offre de biens à vendre évolue également :+10 % au national. Les stocks de maisons
augmentent de 9 % et ceux des appartements de 13 %. Après plusieurs trimestres de raréfaction, notamment dans les grandes métropoles, les stocks se reconstituent, mais demeurent nettement insuffisants pour répondre aux besoins du marché.Le cas de Paris est emblématique. En 2024, l’offre avait reculé de 8 % sur l’année, en raison d’un attentisme marqué des vendeurs. En 2025, le mouvement s’inverse avec une hausse des stocks de 8 % sur un an. Entre le recul de 2024 et la progression de 2025, cela représente un écart total de 16 points. La combinaison d’une demande accrue et d’un financement bancaire plus favorable aux acquéreurs a incité les propriétaires promouvoir leurs biens sur le marché. Le déséquilibre reste tout de même important dans la capitale : l’offre y progresse de 8 %, tandis que la demande augmente de 20 %, soit un différentiel de 12 points. À l’échelle nationale, l’écart moyen entre l’évolution de l’offre et celle de la demande s’établit autour de 8 points, que ce soit en Île-de-France (+10 % pour l’offre vs +18 % pour la demande) ou en régions (+9 % vs +17 %).
Le marché parisien apparaît ainsi nettement plus tendu que le reste du territoire, contribuant à maintenir une pression accrue sur les délais de vente. L’enjeu n’est pas seulement quantitatif. Après deux années de décalage entre attentes des vendeurs et capacités de financement des acquéreurs, les nouveaux mandats de vente sont désormais mieux alignés sur les prix de marché. Combinée à la progression des stocks, cette évolution facilite la concrétisation des projets d’achat des Français.
UN REBOND PARTIEL DES TRANSACTIONS
Sur une période de 12 mois glissants, le nombre de compromis de vente évolue de 16 % au niveau national, avec +12 % à Paris, +17 % en Île-de-France et +15 % dans les régions. La hausse est cependant moins marquée dans la capitale, où le déséquilibre offre/demande demeure le plus fort. La reprise des volumes de transactions reste toutefois segmentée. Elle repose principalement sur les secundo-accédants, qui profitent de vendre pour acheter, et sur les primo-accédants soutenus par le PTZ dans les zones éligibles et bénéficiant du recul des taux de crédit. Un tiers des acquisitions se font sans recours au crédit, principalement chez les secundo-accédants. Le crédit reste donc un filtre puissant, écartant les ménages disposant d’un apport insuffisant. Les primo-accédants continuent de gagner du terrain et représentent désormais 35 % des transactions, contre environ 33 % trois mois plus tôt et 30 % un an auparavant. Les secundo-accédants restent la principale force d’achat, mais reculent légèrement, passant de 50 % à 48 % des transactions sur trois mois, dont 7 % concernant des résidences secondaires. Cette proportion demeure inférieure au poids structurel des résidences secondaires dans le parc français (environ 10 %), reflétant l’impact de la fiscalité (taxe d’habitation, surtaxes, taxe foncière et IFI). Chez les investisseurs, l’immobilisme domine puisqu’ils représentent 17 % des transactions, alors qu’ils comptaient pour plus d’un quart il y a quelques années. Leur retrait s’explique suite à une équation économique moins favorable : encadrement des loyers dans certaines zones, coûts de mise aux normes énergétiques, pression fiscale accrue sur les revenus locatifs. Ce désengagement accentue la tension sur le marché locatif, alors que la demande continue de croître fortement.
UNE CRISE SILENCIEUSE MAIS PROFONDE POUR LE MARCHÉ DE LA LOCATION
Le marché de la location continue de se tendre. Sur l’ensemble de l’année 2025, la demande locative a progressé de 11 %, tandis que l’offre a reculé de 13 %. Ce déséquilibre reflète à la fois le report massif des ménages qui ne peuvent accéder à la propriété et le renouvellement limité de l’offre locative en raison d’une rotation réduite des locataires. Le retrait des investisseurs accentue l’effet ciseau entre offre et demande. Ce déséquilibre résulte de décisions cumulées : fiscalité locale, encadrement des loyers, incertitudes sur le DPE, menaces de nouvelles taxes. Une partie des propriétaires-bailleurs choisissent de vendre plutôt que de relouer, ce qui réduit mécaniquement le parc disponible. Cette crise inédite fait surface alors que le logement reste un enjeu central des prochaines élections municipales et présidentielles, dans un contexte de tensions sociales marquées et d’un marché en situation critique.
UNE HAUSSE DES PRIX EST-ELLE PRÉMATURÉE ?
Suite à deux années de baisse, les prix repartent désormais à la hausse en 2025. Nationalement, ils progressent de 1,8 %, pour
atteindre 3 398€/m². La capitale affiche une hausse de 1,8 %, à 9 640 €/m², tout en restant sous la barre symbolique des 10 000 € m². Onze arrondissements dépassent néanmoins cette barre, du 1er au 9e, ainsi que les 16e et 17e.En Île-de-France, les prix augmentent de 1,9%, pour atteindre 3 981 €/m², avec des évolutions contrastées : les Yvelines et le Val-d’Oise enregistrent seulement +0,9 % en un an. En régions, après une baisse de 3,6 % en 2024 et une stagnation en milieu d’année 2025 (-0,9 %), les prix repartent à la hausse (+1,7 %, à 2 472 €/m²). Cette augmentation reste hétérogène : les prix progressent nettement à Lyon (+3,5 %) et à Bordeaux (+3,0 %), de manière un peu plus modérée à Marseille (+1,7 %) et à Strasbourg (+1,1 %), ils stagnent à Lille (+0,2 %) et à Toulouse (+0,6 %), et reculent légèrement à Biarritz (-1,0 %) et à Dijon (-1,4 %). Par type de biens, les appartements voient leurs prix progresser de 1,9 % au national, tandis que les maisons enregistrent une hausse de 1,4 %. Cette hausse pourrait être interprétée comme un simple rattrapage après 2 années de correction. Elle constitue toutefois un point de vigilance : le marché n’a retrouvé son équilibre que récemment, et une reprise trop rapide des prix risquerait de contraindre la capacité d’achat des ménages les plus modestes, entraînant un nouveau risque de blocage du marché.
LE RÉTABLISSEMENT DE LA FLUIDITÉ EST COMPLIQUÉ
Les délais de vente affirment un marché qui redémarre, mais où prudence et observation restent de mise. nationalement, le délai moyen est de 98 jours, soit 1 jour de plus qu’il y a un an. À Paris, les biens se vendent en moyenne en 79 jours, en Île-de-France en 98 jours et dans les régions en 100 jours. Les appartements se vendent plus rapidement que les maisons. Ces délais, globalement stables malgré la hausse des volumes, traduisent une réalité simple : chaque partie prenante prend son temps. Les vendeurs testent le marché, ajustent leurs prétentions, parfois en révisant leur projet s’ils n’obtiennent pas le prix souhaité. Les acquéreurs, eux, arbitrent avec attention : charges de copropriété, impôts locaux, coût énergétique, coût des travaux… Chaque détail compte.Cette prudence généralisée montre un marché qui a retrouvé de l’activité, mais pas encore sa fluidité avant la crise.
DES NÉGOCIATIONS MOINS FORTES, MAIS PLUS TECHNIQUES
La marge de négociation poursuit son recul. Nationalement, elle s’établit à 4,5 %. Dans les régions, elle atteint 4,7 %, en Île-de-France
4,4 %, et seulement de 3 % à Paris. Les maisons font l’objet de négociations un peu plus fortes que les appartements. Deux phénomènes expliquent cette évolution. D’un côté, les mandats de vente qui sont mieux calibrés dès la mise sur le marché des biens : les stratégies de prix intègrent d’autant plus les conditions réelles du marché, ce qui réduit les écarts des prix affichés et prix actés et limitant mécaniquement la marge de négociation. De l’autre côté, la marge varie fortement en fonction des biens : les acquéreurs se montrent hyper-sélectifs, notamment sur les logements énergivores. Pour les logements classés F ou G, elle peut être majorée de 2 à 10 points afin d’intégrer le coût des travaux nécessaires (menuiseries, chauffage, isolation, toiture), parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une maison. La négociation devient donc moins systématique, mais plus technique et plus segmentée : faible sur les petites surfaces ou les logements bien situés et performants énergétiquement, beaucoup plus importante sur les grandes maisons et les biens à fort enjeu énergétique.
2026 A INTÉRÊT À RESTER PRUDENTE
Fin 2025, le marché immobilier ancien présente un bilan contrasté mais positif. Les volumes de transactions, après avoir touché un point bas, se sont redressés afin de revenir vers des niveaux historiques. Les taux d’intérêt se sont stabilisés autour de 3 %, se qui contribue à restaurer le pouvoir d’achat immobilier. La demande reste soutenue et les fondamentaux apparaissent aujourd’hui plus solides, même si des fragilités subsistent : une remontée des prix qui doit rester mesurée pour ne pas compromettre l’accès à la propriété, une progression des primo-accédants encore insuffisante pour enrayer durablement le recul du taux de propriétaires, et un retrait persistant des investisseurs privés, qui continue de peser sur un marché locatif déjà sous tension. Dans ce contexte, les volumes de vente devraient poursuivre leur reprise en 2026, avec des prix contenus. Nationalement, les ajustements attendus resteraient modérés, avec des hausses alignées sur l’inflation, se maintenant sous les 2 % pour les appartements et 1,5 % pour les maisons, traduisant davantage une phase de stabilisation qu’un véritable cycle haussier. En 2026, la trajectoire du marché dépendra de la clarté des orientations publiques. Ménages et professionnels ont besoin de visibilité : une fiscalité cohérente, un statut sécurisé pour les bailleurs privés et des règles du jeu durables. L’instabilité réglementaire observée ces derniers mois a déjà retardé certains arbitrages ; si elle devait se prolonger, elle pourrait entrainer un freinage de la dynamique pourtant bien engagée. À l’inverse, une clarification rapide permettrait au marché de confirmer son redressement dès le printemps 2026.
Yann Jéhanno, président de Laforêt affirme : « Le logement s’inscrit désormais comme un enjeu structurant des municipales
de 2026 et des présidentielles de 2027. Les bases d’une reprise durable sont posées. À condition que le cadre réglementaire se stabilise, le marché dispose des ressorts nécessaires pour poursuivre son rebond »