Taux de crédit en hausse, inflation soutenue, coûts d’énergie voire de matières premières qui explosent… L’ambiance paraît morose pour obtenir son premier emprunt professionnel comme franchisé. Pourtant, des solutions, parfois nouvelles, existent. Explications.
Accord cadre pour l’énergie dans les grandes enseignes
Si la recherche d’un crédit professionnel s’est complexifiée dans l’environnement inflationniste actuel, elle a généré des dispositifs, des initiatives, un renforcement des règles de base à considérer dans le monde de l’entrepreneuriat en franchise.

Certes, des secteurs restent en souffrance pour l’obtention d’un crédit bancaire, comme l’habillement (concurrence du marché de seconde main) ou la restauration assise, même si les confinements liés à la Covid semblent passés.
La conjoncture exige ainsi de devoir avancer des arguments jusqu’à présent inhabituels face au banquier. « Si, après avoir affiché des valeurs historiquement basses, les taux des crédits professionnels ont quadruplé en un an, de nouveaux mécanismes ont émergé, notamment face à la hausse des coûts de l’énergie, rappelle Stéphane Kirsch, associé Créditrelax (courtier en financement des entreprises). EDF a, par exemple, sorti un contrat adapté aux boulangeries et à leurs horaires de travail. Ou encore le ministre de l’économie a annoncé que les boulangers, une profession particulièrement touchée, pourront résilier sans frais de pénalités les contrats en cours et en renégocier un nouveau lorsque, comme il le précise, « les prix ont explosé de manière prohibitive et insupportable » ».
« De notre côté, comme lors des précédentes crises de 2008 et 2015, nous étayons la formation du chiffre d’affaires, notamment avec des commentaires intégrés au dossier de financement, poursuit Stéphane Kirsch. Par exemple, pour expliquer une hausse répercutée sur le prix de vente et comprise par le consommateur pour ne pas impacter négativement la marge du franchisé. C’est devenu déterminant aujourd’hui, pour tout chef d’entreprise, d’être briefé avant ses entretiens avec les banques, pour garder la tête froide, faire jouer la concurrence et rester conscient que sans écrit, pas d’accord formel. D’autant plus qu’il ne faut pas toujours croire ce qu’affirme, souvent de bonne foi, le conseiller professionnel en face de soi : il n’est ainsi pas forcément dans la vérité du marché quand il affirme que l’emplacement n’est pas bon ou que les travaux ne sont pas nécessaires à financer ».
Outils digitaux pour optimiser le prévisionnel
Au-delà de signaler les oublis (rarement anodins) de postes de charges, le rôle de l’expert(e)-comptable s’est consolidé notamment pour améliorer la rentabilité, la situation financière à présenter au banquier à travers le business plan. « Nous devons identifier, évaluer, quantifier les besoins en financement, selon un principe intangible, « ce qui n’est pas dépensé n’est pas à financer », face à un candidat entrepreneur généralement euphorique et enthousiaste au démarrage du projet, indique Noémie Hammoudi, expert-comptable chez KPMG France. L’établissement du business plan est un exercice pédagogique. Tous les postes sont appréhendés, notamment l’examen de la masse salariale. Dans ce contexte inflationniste, le dirigeant ne peut plus se contenter d’augmentations de 2 % d’une année sur l’autre. Nous évoquons aussi comment déterminer un prix, en particulier quand des événements extérieurs viennent écraser la marge. Enfin, nous proposons avec le banquier de réviser régulièrement le prévisionnel, souvent plafonné à 3 ans, en glissant d’une année tous les 12 mois ».
Dans cette recherche d’optimisation du prévisionnel, il ne faut pas négliger les outils digitaux, qui offrent une meilleure prédiction de l’activité réelle, via les multiples paramètres couverts par les datas, que le cerveau humain, uniquement basé sur l’instinct de l’entrepreneur.

Une solution digitale à méditer par les enseignes et les franchisés, au même titre que d’autres telles que Dvore ou Inpulse. Des efforts peuvent également être portés sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises, davantage que ce que préconise le concept, pour assurer la pérennité de l’affaire créée.
La banque n’est pas un simple fournisseur d’argent
Lors du rendez-vous bancaire, plus que des chiffres crédibles ou encore la réputation de l’enseigne (étudiée par les pôles Franchise & Commerce Associé des grands réseaux bancaires), c’est la posture entrepreneuriale qui compte. « Certains candidats au crédit arrivent « en phase administrative », n’attendant qu’un coup de tampon supplémentaire, alors qu’ils devraient encore être « en mode projet », déjà dans le costume de futur gérant, insiste Franck Gimaret, responsable Pôle Franchises-Marché des Professionnels à la Caisse d’Epargne. Le banquier demeure le seul partenaire du franchisé qui pourra l’aider en eaux troubles. Il n’est pas un fournisseur d’argent, il s’inscrit dans la durée, avec une proximité humaine, et non dématérialisée voire virtuelle. Le candidat entrepreneur doit se montrer proactif, ne pas subir l’échange, faire déjà son métier de commercial, prouver l’adéquation homme/projet, transpirer la motivation. Pour convaincre, il doit déjà être convaincu. S’il sait nous donner envie, il donnera envie à ses clients, ses fournisseurs… ».

L’exposition aux risques de la nouvelle entreprise, première jugée
Dans ce contexte où la connaissance éclaire les talents du (de la) futur(e) entrepreneur(e), Laurent Delafontaine a réalisé un guide du financement « clés en mains » pour les franchisés de ses enseignes clientes. « En complément d’un document structurant la démarche du franchiseur pour présenter son enseigne aux grands réseaux bancaires, j’ai conçu un guide pour aider le candidat entrepreneur à rédiger ses outils en vue d’un rendez-vous en établissement financier. Il explique aussi bien comment construire un dossier de financement personnalisé à partir des éléments et indicateurs-clés de l’enseigne, que les manières de le renforcer, à travers les subventions publiques, le leasing – étendu aux chambres froides ou aux fours -, les mécanismes de réassurance type Bpifrance ou encore les concours au sein de la franchise, tout en donnant des liens Internet pour aller plus loin. La franchise n’augure pas d’une réussite automatique. Être péremptoire ou nonchalant, voire manquer de motivation, c’est l’échec assuré. Il faut prouver sa capacité à exploiter le concept à travers un dossier organisé, structuré, cohérent et maîtrisé, sans oublier que le banquier juge d’abord l’exposition aux risques de la nouvelle entreprise », affirme-t-il.

Les solutions alternatives peuvent représenter une piste, mais attention : « Les obligations convertibles, l’allocation financière – matériel acheté par un tiers et loué à l’entreprise – ou encore le financement à travers une dette mezzanine, semblent intéressants au départ, mais peuvent s’avérer toxiques à terme. Surtout si l’entreprise franchisée ne connaît pas la forte croissance attendue », souligne Stéphane Kirsch.
Restent les conditions d’octroi du prêt professionnel, qui ne se limitent pas à un taux de crédit ou aux assurances, mais incluent les frais quotidiens à moyen ou long terme, comme le taux de carte bancaire, les modalités et coûts de découverts, ou encore les outils de paiement (location de terminal de paiement électronique).
« Nous préférons considérer une approche globale, un univers de besoins favorisant la pérennité de l’entreprise créée, intégrant la banque à distance, la monétique, l’e-commerce, aussi bien que la préparation de la retraite, l’assurance homme-clé ou encore le volet personnel, comme l’acquisition de la résidence principale. Le candidat entrepreneur devra se montrer résilient dans ce qui s’apparente à une course de fond », conclut Franck Gimaret.
Avis d’expert : « Quatre axes de financement Green »
Franck Gimaret, responsable Pôle Franchises-Marché des Professionnels à la Caisse d’Epargne
« Conformément à la réglementation, qui obligera tout réseau bancaire à devoir participer à la transition énergétique, la Caisse d’Épargne développe une épargne « verte » aménagée sur de plus longues durées, 7 ou 10 ans, selon 4 axes. Tout d’abord, le financement des travaux relatifs à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, tels que l’isolation du local commercial, du ressort du franchisé et non du concept.
Ensuite les investissements pour créer de l’énergie, comme les panneaux photovoltaïques. Puis, la prise en charge du matériel nécessaire à la réduction de l’impact environnemental de la production ou de la distribution, tels que des machines-outils, des chambres réfrigérées ou vitrines frigorifiques à basse consommation d’énergie. Enfin, la transformation de la flotte de véhicules en électrique ou hybride, voire l’installation des bornes de rechargement.
Le crédit-bail ou longue durée s’avère complémentaire de cette solution : les technologies avancent tellement vite qu’il est peut-être préférable de changer de véhicule par contrat plutôt que de chercher à le revendre, avec un risque de perte de valeur. »
Franck Gimaret, responsable Pôle Franchises-Marché des Professionnels à la Caisse d’Epargne
