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      Un franchisé échoue à démontrer que le concept de son franchiseur n’est pas rentable - Brève du 14 février 2023

      Brève
      14 février 2023

      Un franchisé estimait que son échec était dû au concept de son franchiseur et à son absence de savoir-faire. Il estimait avoir été trompé sur les chiffres d’affaires réels et la rentabilité du réseau. Il est condamné pour rupture abusive de son contrat.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris vient, le 1er février 2023, de prendre position dans un conflit opposant un franchiseur à un ex-franchisé sur la rentabilité de son concept.

      Dans ce litige, le contrat est signé en juillet 2017 et l’établissement franchisé ouvert en décembre de la même année dans un grand centre commercial régional. Mais l’activité et la rentabilité ne sont pas au rendez-vous.

      Au lieu des 430 000 € de chiffre d’affaires annuel prévus en hypothèse basse, le point de vente est sur une ligne inférieure à 200 000 €. Plus précisément, au terme de six mois et demi d’exploitation, il n’atteint qu’un peu moins de 108 000 € et les pertes s’élèvent à plus de 89 000 €.

      Le 14 août 2018, après avoir refusé de s’acquitter de ses redevances malgré une mise en demeure, le franchisé résilie son contrat (avec effet au 14 octobre).

      Le 1er septembre, le franchiseur réplique en notifiant au franchisé la résiliation du contrat à ses torts. Il lui réclame le montant de ses redevances impayées de l’ordre de 1 200 € ainsi que 50 000 € correspondant à la somme prévue au contrat en cas de rupture anticipée et non justifiée.

      Le 5 septembre 2018, la société franchisée est placée en redressement judiciaire, puis en liquidation en février 2019. A l’initiative du franchiseur, l’affaire vient devant la justice.

      Le franchisé estime avoir été trompé par des chiffres « inexacts et irréalisables »

      Pour sa défense, le franchisé reproche d’abord à son ex-franchiseur plusieurs fautes dans la période précontractuelle qui l’amènent à réclamer la nullité du contrat pour vice du consentement.

      Il estime notamment que le franchiseur lui a fourni « des chiffres inexacts et trompeurs » et qu’il a « dissimulé les résultats réels du réseau ». De plus, le chef de réseau n’a « jamais émis d’objection sur les prévisionnels établis » mais les a, au contraire « validés et confortés auprès du franchisé, du courtier, du bailleur et des banques ».

      Pour le franchisé, les chiffres d’affaires avancés par le franchiseur « n’étaient pas réalisables, ce qu’il savait parfaitement au vu de l’expérience de l’ensemble du réseau et de la première année d’exploitation en centre commercial. »

      La défense du franchisé insiste sur le fait qu’il était novice dans l’activité et « ne se serait jamais engagé s’il avait eu connaissance des chiffres réels » et de la non-rentabilité notamment de deux points de vente cités au procès.

      Pas convaincue, la cour d’appel refuse d’accorder la nullité du contrat de franchise

      Conseils-DevenirFranchise-BusinessPlanSaisie, la cour d’appel de Paris refuse point par point cette argumentation.

      Les magistrats retiennent que, selon les pièces produites par le franchiseur, deux franchisés (sur trente-trois) ont obtenu en 2014 des chiffres d’affaires supérieurs à 500 000 €. Conséquence : « les indications (de l’enseigne) sur le CA élevé susceptible d’être atteint par un franchisé ne sont pas inexactes et de nature à induire en erreur le candidat à la franchise ».

      Certes, à la date de signature du contrat, en juillet 2017, seuls 4 points de vente sur 13 avaient dépassé le CA annuel de 300 000 €. Mais la cour s’appuie sur le fait que la défense du franchisé « manque d’indication sur les 20 autres » établissements pour écarter son argument.

      Pour les juges, le franchisé « ne démontre pas que le franchiseur lui aurait fourni des éléments chiffrés inexacts et de nature à le tromper ou à l’induire en erreur. »

      Enfin, pour les magistrats, « à aucun moment le franchiseur n’a validé » le compte prévisionnel du franchisé. Il n’a fait que le transmettre au courtier, au bailleur et aux banques.

      La nullité du contrat est donc refusée.

      Le franchisé, pour qui il n’y a eu ni savoir-faire ni assistance, réclame la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur

      A défaut de nullité, le franchisé réclamait aux juges de prononcer la résiliation aux torts exclusifs du franchiseur. Si le franchisé a rompu le contrat, c’est en effet, selon lui, en raison des fautes commises par son ex-partenaire.

      D’abord parce que celui-ci ne lui a pas transmis un vrai savoir-faire et que son concept n’est pas adapté à un centre commercial, ne contenant qu’une offre pour l’heure du déjeuner alors que l’établissement est ouvert de 9 h à 20 h.

      De même, son assistance n’a pas été à la hauteur, ni à l’ouverture, ni lors de l’exploitation. La défense du franchisé pointe notamment l’absence de plan de communication et de marketing, de plan de fidélisation de la clientèle, etc.

      La cour prononce au contraire la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé

      La cour d’appel de Paris réfute également ces accusations. Pour les juges, le franchiseur a transmis « un savoir-faire utile au franchisé (…) éprouvé dans tous les points de vente du réseau ». La preuve ? « Il lui a remis un manuel opératoire de 201 pages, un livret d’information sur la présence d’allergènes et des fiches de recettes. » Certes elles n’étaient « pas originales » mais permettaient au franchisé de « ne pas tâtonner ».

      Concernant l’assistance à l’ouverture, elle ne prévoyait pas selon la cour ce dont le franchisé estime avoir manqué. Quant à l’assistance permanente, « les courriels échangés (…) établissent que (le franchiseur a assisté son partenaire) tout au long de l’année, notamment pour le réaménagement du point de vente. »

      « Aucune faute du franchiseur n’étant démontrée, la résiliation du contrat doit être prononcée aux torts exclusifs du franchisé à la date du 3 septembre 2018 pour non-paiement des redevances. En conséquence, toutes les demandes d’indemnité du franchisé sont rejetées. »

      Il réclamait notamment de l’ordre de 320 000 € de « compensation pour les pertes subies », plus environ 86 000 € de « perte d’apports en capital et compte courant » et environ 46 000 € en « remboursement des redevances et droits perçus sans contrepartie »…

      Au lieu d’obtenir 450 000 € de compensation, le franchisé est condamné à plus de 20 000 € de remboursement et d’indemnités diverses

      Si la cour donne raison pour l’essentiel au franchiseur et refuse au franchisé les centaines de milliers d’euros qu’il espérait, elle limite toutefois à 3 954 € la somme due pour factures impayées et réduit la clause pénale – pour rupture anticipée non justifiée – à 12 000 € au lieu de 50 000 €.

      Si le franchiseur s’est « trouvé privé de redevances jusqu’à la fin du contrat » de 7 ans, « il avait, estiment les magistrats, toute possibilité de retrouver un franchisé pendant ce laps de temps ».

      Par ailleurs, pour avoir continué à utiliser la marque du franchiseur sur internet jusqu’au 14 octobre 2018, date à laquelle il avait fixé le terme effectif de son contrat, le franchisé est condamné à une indemnité de 2 000 € en compensation du préjudice infligé à son ex-partenaire.

      Enfin, pour avoir continué d’exercer la même activité sous sa propre enseigne dans les mêmes locaux jusqu’au 6 février 2019, date de la mise en redressement judiciaire de sa société, le franchisé est condamné à devoir 4 000 € de dommages et intérêts au franchiseur car il n’a pas respecté sa clause de non-concurrence post-contractuelle, jugée valable par la cour.

      Au total, les sommes de 3 954 € d’impayés et 18 000 € de dommages et intérêts sont donc inscrites au passif de la société franchisée.

      NB. A ce jour, sur son site internet, l’enseigne concernée ne compte plus qu’une dizaine d’adresses, toutes en région parisienne.

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 1er février 2023, n° 21/02674