Fermer
Secteurs / Activités

      Prévisionnels : un concédant condamné pour avoir transmis des éléments irréalistes - Brève du 20 novembre 2023

      Brève
      20 novembre 2023

      Condamné en appel pour avoir transmis à un futur concessionnaire une étude de marché local et des prévisions de chiffres d’affaires jugés irréalistes, un concédant se pourvoit en cassation. En vain.

      Cour de cassation juridique franchiseLa Cour de cassation a validé le 18 octobre 2023 la condamnation d’un concédant pour avoir communiqué des données prévisionnelles trop optimistes.

      Dans ce litige, un contrat de concession est signé en janvier 2011 par un professionnel de l’automobile pour l’ouverture en avril d’un magasin dans un tout autre secteur d’activité et dans une ville de moins de 10 000 habitants.

      Mais le flux de clientèle prévu n’est pas au rendez-vous et en janvier 2013, la société du concessionnaire est placée en liquidation judiciaire.

      Pour le concessionnaire, le concédant est responsable de son échec et il demande des compensations.

      Condamné par le tribunal de commerce de Paris à verser 95 000 € de dommages et intérêts à son ancien partenaire, le concédant fait appel.

      Le concessionnaire estime avoir été trompé sur son chiffre d’affaires prévisionnel

      Saisie, la cour d’appel de Paris se prononce dans un arrêt du 11 mai 2022 et confirme en grande partie le jugement de première instance.

      Selon le concessionnaire, le DIP (Document d’information précontractuel) transmis en décembre 2010 avait été « confectionné à la va-vite, sur la base de données anciennes et stéréotypées (…) datant au mieux de 2008 ». Il ne contenait « aucune information sur la rentabilité des magasins (à l’enseigne) situés dans des zones comparables » à celle envisagée pour le contrat.

      Par ailleurs, le plaignant affirmait que le concédant lui avait « remis des comptes prévisionnels totalement déconnectés du marché considéré et exagérément optimistes ».

      Pour les juges d’appel, le concédant a transmis des éléments de prévision trop optimistes…

      La cour d’appel donne pour l’essentiel raison au concessionnaire.  Certes, elle rappelle que le Code de commerce n’oblige pas le concédant à communiquer une information sur la rentabilité des points de vente situés dans des zones comparables.

      De même, les magistrats estiment que le concessionnaire ne peut pas reprocher au groupe concédant de lui avoir transmis des données INSEE datant de 2008 dans la mesure où celles-ci ne sont actualisées que tous les 5 ans.

      En revanche, concernant le prévisionnel que le concessionnaire a fait établir par un expert-comptable en octobre 2010 – avec comme perspective un CA annuel de 1,2 million d’euros -, la cour relève qu’il a été bâti « en fonction d’éléments transmis par (la société du concédant) ».

      Lequel « connaissait parfaitement les chiffres d’affaires réalisés par ses magasins dans des zones comparables ». Tandis que le concessionnaire, lui, « ne disposait pas de la compétence pour évaluer les chiffres d’affaires potentiels ».

      Le concédant a également transmis à son futur partenaire une « étude géomarketing » évaluant quant à elle le CA potentiel à plus d’1,3 million d’euros… Étude qui figurait aux côtés d’une présentation de la zone de chalandise et de la concurrence locale dans le dossier soumis aux banques avec l’assistance du concédant.

      Or, dans les faits, la société du concessionnaire « n’a réalisé qu’un CA de 627 000 € pour l’exercice clos en juin 2012, soit 50 % de moins que les prévisions finalement validées (par le concédant) ».

      …tandis que le concessionnaire n’a pas commis de faute

      Finances Saving Economy concept. Female accountant or banker use

      La cour écarte par ailleurs, en entrant dans les détails, les accusations de faute de gestion formulées par le concédant à l’égard du concessionnaire.

      Elle considère entre autres comme significative la déclaration du successeur du concessionnaire selon lequel la prévision de chiffre d’affaires de 1,2 million finalement retenue était « utopique » pour ce magasin où il n’a, de son côté, réalisé au mieux qu’un CA de 520 000 € entre 2013 et 2017.

      Conclusion de la cour d’appel de Paris : « En validant des prévisions de chiffre d’affaires exagérément optimistes, la société (du concédant) a commis une faute qui engage sa responsabilité à l’égard (de son ex-concessionnaire). »

      La cour réduit toutefois l’indemnisation du concessionnaire à 51 000 € au lieu de 95 000, en estimant sa perte de chance de s’engager dans une autre opération à 60 % des sommes investies en pure perte. Et en écartant sa demande de récupérer ses salaires perdus (l’exploitant n’a pu percevoir qu’environ 1 000 € par mois au lieu des 2 500 prévus).

      La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel et rejette le pourvoi du concédant

      Devant la Cour de cassation, le concédant conteste cet arrêt. Il reproche à la cour d’appel de l’avoir condamné alors que le concessionnaire « avait l’obligation de se renseigner par lui-même » et notamment de « réaliser une étude de marché » afin de valider son projet, ce qu’il n’a pas fait.

      Après avoir rappelé le raisonnement de la cour d’appel, la plus haute juridiction française écarte cet argument.

      Pour les magistrats, il n’y a pas lieu de reprocher au concessionnaire de ne pas avoir procédé par lui-même à une étude de marché. Dans la mesure où le concédant lui avait « transmis des éléments présentant un caractère irréaliste et dénué de sérieux ».

      « Si l’article L. 330-3 du code de commerce ne met pas à la charge de l’animateur d’un réseau une étude du marché local, conclut la Cour, il lui impose, dans le cas où une telle information est donnée, une présentation sincère de ce marché. »

      La Cour de cassation rejette le pourvoi du concédant.

      >Références des décisions :

      -Tribunal de commerce de Paris, 7 juillet 2020, n° 2017048062

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 11 mai 2022, n° 20/10837

      -Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 18 octobre 2023, n° 22-19.329

      -A Lire aussi sur le sujet :

      -L’article d’Anouk Bories, Maître de conférences à l’université de Montpellier, paru dans la Lettre de la distribution de novembre 2023 sous le titre : « Information précontractuelle : la faute du concédant libère le concessionnaire de son obligation d’établir une étude de marché local »

      -Franchise et autres formules, comment choisir ?