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      Véronique Discours-Buhot, Déléguée générale de la Fédération française de la franchise (FFF) - Interview du 15 février 2021

      Interview
      15 février 2021

      Cette crise a témoigné du fait qu’il est moins risqué d’entreprendre en franchise, et que la franchise est un modèle économique résilient.

      Veronique Discours-Buhot, Déléguée générale, Fédération Française de la Franchise FFFComment la franchise a-t-elle traversé la crise sanitaire que nous vivons depuis mars 2020 ?

      Le business a besoin d’avoir de la visibilité or, on vit depuis mars 2020 au rythme des annonces gouvernementales. D’un point de vue général, la crise sanitaire a le même impact sur la franchise que sur l’ensemble de l’économie. Il y a toutefois des différences selon les secteurs d’activité, mais aussi entre les deux confinements : entre ceux qui ont pu rester ouverts et ceux qui ont dû fermer, il existe une certaine diversité dans la manière dont les secteurs ont été touchés

      Au niveau de la Fédération française de la franchise, nous couvrons environ 90 secteurs : pressings, garages, lavage auto, coiffeurs, chocolatiers, restaurants, bars, vêtements, chaussures… il y a de tout ! Certains ont tiré leur épingle du jeu : dans les services à la personnes, des municipalités ont demandé de l’aide aux réseaux spécialisés dans la livraison de repas, qui ont donc connu une très bonne année. D’autres ont en revanche beaucoup souffert : les restaurants, les bars, les salles de sport, le textile sont les plus touchés, mais leurs difficultés ne sont pas spécifiques à la franchise.

      Il faut louer les mesures gouvernementales : on a rarement vu des dirigeants autant à l’écoute de l’économie et du terrain. Mais il y a toujours des trous dans le filet et des mailles oubliées : à cause des effets de seuil, certaines entreprises n’ont pas obtenu le fonds de solidarité. Dans la franchise comme ailleurs certaines entreprises fortement touchées par les confinements successifs disparaîtront, on remarque toutefois que les indépendants en franchise passent mieux la crise que les indépendants isolés car ils ne sont pas seuls pour affronter la situation.

      Cela a fait la différence très tôt, quand il s’est agi de prendre des mesures et de récupérer des informations. Au moment du premier confinement, cela a permis aux indépendants sous enseigne de réagir très vite, de s’inscrire et prendre des mesures plus vite que les indépendants isolés : c’est un des bénéfices de la franchise. Les franchiseurs ont pu contacter leurs franchisés pour leur apporter les informations nécessaires, créer du benchmark et des instances de dialogue pour partager les bonnes pratiques. A un moment où tout le monde a perdu ses repères, avoir cette comparaison peut rassurer : cela permet de régir très vite, de négocier collectivement, par exemple avec les fournisseurs comme EDF. On a vu des exemples d’entraide au sein des réseaux : entre têtes de réseau et franchisés, mais aussi entre les franchisés eux-mêmes.

      Cette crise a témoigné du fait qu’il est moins risqué d’entreprendre en franchise, et que la franchise est un modèle économique résilient. Tout le monde ne va pas s’en sortir indemne, selon l’état des entreprises avant la crise et les situations particulières, comme par exemple celle des salles de sport. Il y a aura quelques fermetures à déplorer, mais la crise a apporté la preuve que le modèle de la franchise est plus résilient et moins risqué.

      Quelles mesures spécifiques avez-vous prises pour accompagner vos réseaux adhérents dans ce contexte ?

      Du côté de la FFF, dès le début de la crise sanitaire, nous avons mis en place des rendez-vous virtuels sous forme de webinars pour nos adhérents et leurs franchisés, afin de les informer sur les mesures gouvernementales à disposition et les moyens d’aller chercher les aides ainsi que les obligations à respecter etc. Pour aller plus loin, nous avons fait appel au collège des experts de la fédération qui regroupe des professionnels (experts-comptables, avocats…) qui ont traité des sujets comme « A quelles aides ai-je droit ? », « Quelles méthodes de calcul » et délivré des conseils pour obtenir des Prêts garantis par l’Etat (PGE), par exemple.

      C’est bien de recevoir de l’information car, pour des entrepreneurs qui sont dans l’opérationnel, certaines mesures paraissent souvent complexes et contraignantes. Le fait de pouvoir poser ses questions à des experts, mais aussi discuter entre pairs dans des groupes de travail, permet de vulgariser la démarche avec la possibilité de revenir vers la FFF s’ils avaient encore des questions. Ces réponses sont une aide pratico-pratique : nous n’avions pas l’habitude de travailler comme cela. La crise a changé la donne et nous a conduit à aider nos réseaux adhérents de manière pragmatique. Nous allons d’ailleurs continuer de nous mettre le plus possible à la disposition de nos membres, afin de rester à l’écoute de leurs besoins et de les aider à se reconstruire post-Covid.

      Vos réseaux adhérents ont-ils fait évoluer leur savoir-faire en réaction à la crise ?

      Digital marketingLa franchise a une chance et une différence importante par rapport aux indépendants purs : adhérer à un réseau signifie le plus souvent qu’il y a déjà du digital en place. Même si ce n’était pas encore à un niveau suffisant et satisfaisant. La crise a amené un renforcement du digital, du click & collect, mais les premières briques étaient déjà posées. Les enseignes sont entrées dans une phase de progrès, d’accroissement de leur démarche digitale, mais elles ne sont pas parties de zéro à de très rares exceptions près. Cela leur a permis de ne pas perdre de temps et d’utiliser des outils déjà existants.

      Un autre effet de la crise est que les réseaux se sont reconcentrés sur le dialogue avec les franchisés. Quand tout va bien, on a tendance à minimiser son importance mais la crise a rappelé les réseaux à l’ordre : pour l’échange des bonnes pratiques, pour le partage de savoir-faire, c’est un point essentiel.

      En quoi la situation sanitaire a-t-elle influencé la stratégie de développement des réseaux de franchise ?

      Pendant le premier confinement, les gens se sont posé des questions sur leur avenir professionnel et leurs choix de vie : Paris/province, être salarié d’un grand groupe/être à son compte… Cela devrait bénéficier à la franchise : les réseaux ont reçu beaucoup de demandes de la part de candidats, signe que l’aspect de sécurité qu’apporte la franchise par rapport à l’entreprenariat isolé a été perçue.

      Quelques réseaux ont même annoncé des ouvertures pendant la crise Covid, qui a toutefois freiné les projets, car c’est compliqué d’ouvrir pendant un confinement. Mais il y a un vrai réservoir de candidats à la franchise, donc un potentiel énorme d’expansion.

      Selon, vous quels sont les atouts des réseaux de franchise dans un environnement sanitaire et économique incertain ?

      Les atouts de la franchise sont la sécurité et l’accompagnement : quand on s’adresse aux banques, elles disent toutes que c’est rassurant de prêter à un entrepreneur qui monte son projet en franchise, car on sait que le concept a fait ses preuves.

      Le fonctionnement de la franchise est basé sur la partage du savoir-faire et de la valeur. Dans le savoir-faire, il incombe à la tête de réseau de construire un concept, de le tester dans des magasins en propre et de s’assurer qu’il fonctionne, mais aussi de le faire évoluer régulièrement, de le mettre à jour et de l’adapter en fonction des nouvelles règles de marché et des attentes des consommateurs. Un indépendant isolé doit faire cela tout seul : il n’a pas le temps de regarder comment évolue son marché.

      Quand le franchisé est dans l’opérationnel, le franchiseur est là pour s’occuper de l’évolution du marché et du concept donc normalement, le délai de retour sur investissement est plus rapide en franchise. Aujourd’hui, on n’est plus sur des horizons à 20 ans, mais à plutôt à 5 ou 7 ans. Un entrepreneur cherche à optimiser ses investissements sur du relativement court terme. De plus en plus de jeunes veulent devenir entrepreneurs : ils n’ont pas la même vision de l’entreprenariat et ne veulent pas attendre 10 ans pour pouvoir en vivre. La franchise correspond à la vision de demain.

      Selon vous, quelles seront les conséquences de la crise du Covid sur les réseaux de franchise ?

      Je suis convaincue que la franchise est le modèle de l’entreprenariat de demain, dans le commerce et les services. Il permet un retour sur investissement court, une obtention de prêt facilitée, et l’accès à un savoir-faire qui évolue en fonction des attentes du consommateur. L’économie française devrait compter davantage sur la franchise.