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      La remise d’un DIP ne vaut pas promesse de contrat de franchise - Brève du 18 mai 2021

      Un candidat à la franchise voit son projet compromis en partie parce que son franchiseur a racheté un réseau concurrent qui occupe déjà certains sites où il souhaite s’implanter. Estimant que son ex-partenaire n’a pas tenu la promesse de contrat que constituait son DIP, il l’assigne en justice. La cour d’appel de Paris le déboute.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Paris a tranché le 24 février 2021, un conflit opposant une enseigne de franchise à l’un de ses ex-candidats.

      Dans ce litige, le plaignant adresse son dossier de candidature en janvier 2014. Avec 200 000 € d’apport et une belle expérience professionnelle dans la direction d’entreprises, il exprime son intention d’ouvrir, sous l’enseigne contactée, 3 à 4 établissements en franchise dans les 6 ans. Sa candidature est acceptée en juillet et sa formation de trois mois validée en octobre 2014.

      Les recherches d’une première implantation précise sont toutefois longues et difficiles. Entre 2014 et 2015, cinq villes d’une même région sont envisagées et, sur l’une d’elle, quatre emplacements sont analysés. Mais aucun de ces sites n’est retenu.

      Des recherches d’emplacement compliquées par le rachat d’un réseau concurrent

      Un élément nouveau vient compliquer les choses entre les deux parties. Le 28 septembre 2015, le franchiseur informe le candidat de son projet de rachat d’un réseau concurrent. Un réseau qui compte dans la même région des points de vente et des franchisés déjà bien installés qui y ont eux-mêmes des projets de développement.

      Un des sites proposés dès juillet 2015 par le candidat lui est refusé précisément parce que le réseau racheté y aligne déjà un établissement franchisé « dont la résiliation du bail de 12 ans n’est pas négociable ». Que cette entité adopte ou non demain l’enseigne du franchiseur repreneur, il n’est pas question pour celui-ci de la concurrencer.

      Malgré cette problématique nouvelle, le franchiseur délivre à son candidat un DIP (Document d’information précontractuelle) le 24 octobre 2015, auquel est joint, comme la loi le prévoit, un projet de contrat.

      Mais au bout de quelques mois, rien ne va plus. Les recherches du candidat n’aboutissent toujours pas et le 30 mai 2016, il met fin à sa candidature. En octobre, il reproche au franchiseur d’avoir « modifié brutalement et unilatéralement » les paramètres de la négociation entre les parties et sollicite une résolution à l’amiable. Devant son absence, il assigne en décembre son interlocuteur en justice. Débouté en première instance en 2019, il fait appel, réclamant des dommages et intérêts compris « entre 1 750 000 et 3 500 000 € sur le terrain de la perte de chance » en compensation du préjudice qu’il estime avoir subi.

      Pour l’ex-futur franchisé, le franchiseur a rompu sa promesse de contrat de franchise

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      Pour l’ex-futur franchisé, la société du franchiseur a commis une faute en ne respectant pas sa promesse de contrat de franchise.

      Le candidat estime en effet que deux ans après sa certification en octobre 2014, « les propositions qui (lui ont été) faites ne (correspondaient) plus du tout à celles qui (lui) avaient été annoncées. » Puisqu’il devait « partager la ville avec un autre investisseur susceptible d’ouvrir avant (lui) », puisque son développement était « conditionné par les souhaits de l’exploitant » du réseau racheté « sans même avoir l’opportunité de discuter directement avec lui » et puisqu’au lieu de plusieurs contrats de franchise, on ne lui en proposait selon lui plus qu’un seul, le reste étant prévu en location-gérance, ce qui l’intéressait moins.

      Pour lui, le DIP accompagné du projet de franchise envoyé par le franchiseur constituait une offre de conclure un contrat de franchise, qu’il avait acceptée par sa signature. Il en déduit qu’il s’agissait là d’une « promesse synallagmatique » de franchise (c’est à dire réciproque), rompue par le franchiseur qui doit donc être sanctionné. D’autant que l’enseigne a fait « preuve de mauvaise foi et de déloyauté » à son égard, en lui « laissant croire que suite au rachat du réseau concurrent, rien ne changerait par rapport à ce qui avait été promis ». L’ex-candidat estime encore, parmi d’autres reproches, avoir été « sacrifié par le franchiseur, le risque de contentieux et de réputation étant moindre avec lui qu’avec les membres du réseau racheté bien organisés ».

      Pour la cour, le franchiseur n’a pas commis de faute et n’a pas été de mauvaise foi

      Pour sa part, la cour d’appel fait sienne l’argumentation du franchiseur selon lequel le DIP transmis n’était « qu’un document d’information à caractère général portant sur le réseau ». Et que, ni dans ce DIP, ni dans le projet de contrat de franchise joint il n’était « fait état d’un emplacement sélectionné par le franchisé et agréé par le franchiseur ». En conséquence « les allégations (…) relatives à une promesse synallagmatique de contrat qui résulterait d’une offre acceptée au reçu de ce document doivent être écartées. »

      Après avoir examiné les éléments du dossier et notamment les échanges de courriels entre les parties à propos des sites refusés par l’une ou l’autre, la cour considère par ailleurs que « la société du franchiseur a toujours accompagné (son candidat) dans la recherche d’emplacements », qu’elle « ne lui a pas caché l’existence des franchises (du réseau racheté) qui y existaient » et que l’ex-futur franchisé ne démontre « aucun accord de principe, avant-contrat ou promesse de contrat de franchise de la part du franchiseur ».

      Enfin, « rien n’établit, selon la cour, que le franchiseur aurait voulu imposer à son candidat un contrat de location-gérance à la place du contrat de franchise envisagé. »

      Conclusion : « aucune faute ou mauvaise foi n’est démontrée à l’encontre du franchiseur lors du déroulement des pourparlers. »

      Le plaignant est débouté de ses demandes. La cour refuse toutefois de le condamner pour procédure abusive, comme le franchiseur le réclamait.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 24 février 2021

      A lire aussi sur le sujet :

      L’article de Maître Stéphane Destours dans la Lettre de la distribution d’avril 2021