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      Location-gérance : la clause de non-concurrence post-contractuelle de Carrefour jugée illicite en cassation - Brève du 27 mai 2024

      Par un arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation a validé un arrêt d’appel estimant que le caractère licite de la clause de non-concurrence d’un contrat de location-gérance Carrefour n’était pas démontré.

      abstract blur in supermarketDans cette affaire, un contrat de location-gérance est signé en 2018, ainsi qu’un contrat de franchise et un contrat d’approvisionnement pour l’ouverture d’un magasin Carrefour Express.

      En avril 2021, le franchiseur dénonce le contrat de location-gérance. Conséquence : trois mois plus tard, les trois contrats s’arrêtent.

      A l’origine du litige : le non-respect par un ex-franchisé Carrefour de la clause de non-concurrence post-contractuelle de son contrat de location-gérance

      En mars 2022, le franchisé crée une nouvelle société avec pour but l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne concurrente Coccinelle dans la même rue, à quelques numéros de distance seulement.

      Le franchiseur somme rapidement son ex-partenaire de renoncer à son projet et saisit le juge des référés (président du tribunal de commerce) pour qu’il décide à bref délai de le stopper et le contraigne ainsi à respecter sa clause de non-concurrence post-contractuelle.

      Le juge donne satisfaction au franchiseur dans une ordonnance de juin 2022. Il constate un « dommage imminent » et fait interdiction au franchisé d’ouvrir son commerce jusqu’à ce que le juge du fond se prononce.

      Une clause d’une durée de cinq ans dans un périmètre de plusieurs kilomètres qui n’apparaît pas licite selon la cour d’appel de Nancy

      Saisie par le franchisé, la cour d’appel de Nancy infirme ce jugement. Par un arrêt du 5 octobre 2022, elle déboute le franchiseur.

      Pour les magistrats, le caractère licite de la clause de non-concurrence du contrat de location-gérance Carrefour « n’apparaît pas avec l’évidence requise devant le juge des référés ».

      La cour se prononce « au regard des dispositions des articles L 341-1 et L 341-2 du code de commerce ». Des articles de la loi du 6 août 2015, dite « loi Macron », qui concernent spécifiquement les réseaux de distribution dans le commerce de détail.

      La cour le rappelle : selon l’article L 341-2, les clauses de non-concurrence après le contrat des réseaux en question ne sont valables que si, tout à la fois, elles concernent des biens et des services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ; sont indispensables à la protection du savoir-faire du franchiseur et sont limitées aux terrains et locaux à partir duquel s’est effectuée l’exploitation ainsi qu’à une durée d’un an après la fin du contrat.

      Or, la clause de non-concurrence des contrats de location-gérance de Carrefour est d’une durée de 5 ans après la fin du contrat dans un rayon de 5 kilomètres à vol d’oiseau en zone urbaine et 15 kilomètres en zone rurale.

      Pour les juges de Nancy, elle ne correspond pas aux critères qui la valideraient. Ils considèrent donc qu’il n’y a pas de « dommage imminent » dans cette affaire. Et annulent l’ordonnance de référé.

      L’arrêt d’appel est approuvé par la Cour de cassation. Car la clause n’était pas limitée aux locaux du franchisé et à une durée d’un an après la fin du contrat

      Cour de cassation juridique franchiseSaisie par Carrefour, la Cour de cassation valide l’arrêt d’appel.

      La Cour écarte d’abord les arguments du franchiseur qui tentait de s’appuyer sur le droit européen en l’opposant au droit français en la matière. Elle le fait en soulignant sa démonstration sur ce point par une mise en exergue et une publication au bulletin qui intéressera les juristes.

      Elle estime ensuite que la cour d’appel n’a pas excédé ses pouvoirs en déduisant de ses constatations que « la licéité de cette clause de non concurrence (…) n’était pas établie avec l’évidence requise en référé au regard des dispositions de l’article L. 341-2 du code de commerce », dans la mesure où elle  « n’était pas limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant (avait exercé) son activité pendant la durée du contrat et excédait une année après (sa) résiliation (…) »

      Pour la Cour de cassation,  la société Carrefour Proximité n’a donc pas démontré « l’existence (…) d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite qu’il (aurait convenu) de faire cesser ».

      L’ex-franchisé locataire-gérant peut continuer son activité hors du groupe Carrefour.

      >Référence des principales décisions citées :

      -Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, 15 mai 2024, pourvoi n° 23-10.696

      -Cour d’appel de Nancy, cinquième chambre commerciale, 5 octobre 2022, n° 22/01549