Fermer
Secteurs / Activités

      Non-concurrence pendant le contrat de franchise : où passe la limite ? - Brève du 20 juin 2023

      Brève
      20 juin 2023

      Un franchiseur estimait que l’un de ses franchisés était allé trop loin dans la concurrence de son réseau et dans la déloyauté à son égard. D’où sa décision de résilier son contrat. La justice lui donne tort.

      Cour de cassation juridique franchiseJusqu’où un franchiseur peut-il aller pour interdire à ses franchisés de le concurrencer pendant le contrat qui les lie ? Par un arrêt du 17 mai 2023, la cour de Cassation vient de répondre en validant pour l’essentiel une décision d’appel sur le sujet.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en 2015. Mais peu après, le contrat est résilié par le franchiseur. Celui-ci reproche en effet à son partenaire de lui avoir caché qu’il était également le gérant d’une autre société exploitant déjà, à 70 km de son centre franchisé, un établissement exerçant la même activité.

      En appel, les juges estiment qu’il n’y a pas eu de concurrence déloyale de la part du franchisé

      Pour la cour d’appel de Colmar qui se prononce le 25 octobre 2021, la résiliation du contrat par le franchiseur est abusive.

      Selon ces magistrats, la clause de non-concurrence du contrat concerné est « nulle » car « disproportionnée au regard des intérêts à protéger ».

      Ils relèvent que le point de vente objet du litige n’était « pas exploité par la société franchisée » mais par une autre société.

      Et que, étant situé à 70 km de l’établissement franchisé, la distance était « suffisante pour écarter tout risque de concurrence ».

      Ils notent enfin que cette exploitation « préexistait au contrat de franchise de 2015 ».

      Avis validé par la Cour de cassation, malgré les arguments du franchiseur

      Contract signatureDevant la Cour de cassation, le franchiseur argumente.

      D’abord, il estime que « l’exploitation indirecte, par le dirigeant de la société franchisée, d’une activité concurrente à celle du réseau de franchise, (était) incompatible avec l’exécution loyale du contrat (…) et (constituait) une faute grave justifiant sa résiliation anticipée aux torts du franchisé ».

      La défense du franchiseur ajoute que la question n’est pas de savoir si, à 70 kilomètres de distance, les deux établissements concernés se concurrençaient mais si le franchisé, avec son point de vente hors enseigne était ou non concurrent du réseau de franchise, lequel est implanté dans tout le pays.

      Enfin, selon l’enseigne, son devoir de loyauté imposait au franchisé de ne pas poursuivre d’activité concurrente au réseau et ce, « quelle que soit la date à laquelle cette activité avait commencé ».

      Pour les avocats du franchiseur, l’arrêt devait être cassé.

      La Cour de cassation n’est pas de leur avis. Selon elle, au contraire, vu ses « constatations et appréciations », la cour d’appel de Colmar a eu raison de considérer que « la société franchisée (n’avait) pas exécuté le contrat de façon déloyale ».  Et donc que le franchiseur « avait résilié le contrat de façon abusive ».

      L’arrêt d’appel est cassé sur la partie post-contractuelle

      Cependant, la Cour ne valide pas la totalité de l’arrêt d’appel.

      Les magistrats de Colmar avaient décidé – puisque la rupture du contrat était selon eux abusive – que le franchisé n’avait pas à verser la pénalité de 50 000 € à laquelle il avait été condamné pour avoir conservé les signes distinctifs de ralliement de la clientèle du réseau après la résiliation.

      Le franchiseur devait donc, selon eux, restituer cette somme à son ex-franchisé.

      La Cour de cassation annule ce volet de l’arrêt.

      Pour elle, les magistrats d’appel ont « dénaturé l’écrit qui leur était soumis ». En l’occurrence, l’article 15 du contrat de franchise stipulant que, « quelle que soit la cause de la rupture », le franchisé devait respecter par la suite l’interdiction d’utiliser les signes de ralliement de l’enseigne.

      L’affaire est renvoyée sur ce point devant la cour de Colmar autrement composée.

      >Référence de la décision :

      -Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, 17 mai 2023, pourvoi n° 22-10.369

      >A lire aussi sur le sujet :

      -Le commentaire de Maître Marie-Pierre Bonnet-Desplan, avocat à la cour, dans la Lettre de la Distribution de Juin 2023 pour qui « l’exigence de bonne foi pendant la négociation du contrat a été consacrée par la réforme du code civil de 2016, de même que l’obligation d’information précontractuelle ». La spécialiste s’interroge : « Le candidat franchisé n’avait-il pas, lors de la négociation du contrat, l’obligation d’informer le franchiseur de l’existence de cette exploitation par une société ayant le même dirigeant ? »