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      Le non-respect d’une clause de non-concurrence pendant le contrat de franchise peut coûter cher… - Brève du 17 avril 2023

      Brève
      17 avril 2023

      Fâché contre son franchiseur, un franchisé lance sa propre activité directement concurrente alors qu’il lui reste 55 mois de contrat à courir. Ayant échoué à conclure une rupture amiable, il est condamné à plus de 165 000 euros de remboursements et dommages et intérêts.

      Juridique-2Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en mars 2017 pour une durée de 7 ans à l’occasion de la reprise d’un établissement franchisé.

      L’activité et les résultats sont au rendez-vous et, en 2018, le franchiseur propose à son partenaire de se porter acquéreur d’une de ses succursales afin d’ouvrir une deuxième unité.

      Une lettre d’intention est signée entre les parties en avril 2018, le franchisé ayant obtenu un financement pour cet achat. Mais par la suite, le franchiseur change d’avis et informe son franchisé qu’il ne vend plus.

      A partir de là, les relations entre les parties se dégradent. Fin mai et début juin 2019, le franchisé manifeste son intention, par plusieurs courriels, de quitter le réseau, accusant le franchiseur de lui avoir manqué d’honnêteté, de franchise et de respect en ne lui avouant pas les vrais motifs de son changement de position sur la cession envisagée.

      Malgré plusieurs mises en demeure, le franchiseur n’obtient pas du franchisé qu’il règle son droit d’entrée de 36 600 €. Montant que le franchisé est prêt à régler toutefois… s’il peut sortir du réseau sans pénalité.

      Une solution amiable n’est pas trouvée et fin juillet 2019, le franchiseur notifie à la société franchisée la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. L’affaire vient devant les tribunaux.

      Le franchisé en rupture est condamné à payer son droit d’entrée et les redevances dues

      Saisie, la cour d’appel de Paris confirme d’abord le jugement de première instance condamnant le franchisé à verser à son ex-partenaire 36 600 € au titre de sa redevance forfaitaire (droit d’entrée) et 16 300 € de redevances impayées (4 mois).

      Au vu du contrat et des pièces produites, la cour considère que le franchisé a bien reçu une formation et une assistance initiale et n’a jamais contesté le montant du droit d’entrée durant l’exécution du contrat. De même, selon les juges, il ne conteste pas le montant des redevances non payées.

      Pour la cour, le franchisé n’a pas respecté sa clause de non-concurrence pendant le contrat

      Les magistrats examinent ensuite les accusations du franchiseur concernant le non-respect par le franchisé de ses obligations de non-concurrence et de loyauté pendant le contrat.

      La cour constate que, fin novembre 2018, alors qu’il était toujours membre du réseau, le franchisé est devenu gérant d’une autre société exerçant une activité qu’elle estime directement concurrente. Activité dotée dès janvier 2019, d’un nom commercial et d’un site internet actif.

      Pour la cour, la société franchisée a donc « violé (…) les obligations contractuelles de non-concurrence et de loyauté auxquelles elle était tenue. »

      Le fait que cette clause s’impose (pendant le contrat uniquement) sur l’ensemble du territoire français est justifié aux yeux de la cour dans la mesure où le franchisé bénéficiait en contrepartie d’un savoir-faire et d’une exclusivité de zone. Et aussi parce qu’elle permet de « préserver l’unité du réseau et l’exclusivité territoriale des autres franchisés ».

      Conséquence : la résiliation aux torts exclusifs du franchisé décidée par le franchiseur le 30 juillet 2019 après trois mises en demeure était justifiée.

      Un peu plus de 63 000 € de pénalité pour rupture anticipée du contrat…

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLes juges modèrent toutefois la demande indemnitaire du franchiseur qui réclamait, en compensation des gains manqués du fait de la rupture anticipée du contrat, 264 000 € correspondant aux redevances que le franchisé aurait dû payer s’il était resté jusqu’au terme prévu.

      Une somme calculée à partir du chiffre d’affaires moyen mensuel de 67 000 € réalisé début 2019, d’un taux de redevance de 6 % et une durée restant à courir de 55 mois.

      La cour admet qu’en l’absence dans le contrat d’un montant de sanction préétabli, il convient en effet d’indemniser le franchiseur à hauteur du gain manqué du fait de la rupture anticipée.

      …calculée à partir de la marge de 33 % que le franchiseur aurait pu réaliser sur les redevances du franchisé

      « Cependant, ce gain manqué ne peut correspondre au prix de l’exécution de la prestation convenue », puisque ces services ne sont plus rendus dès lors que le contrat est rompu. « Seule la marge réalisée par le franchiseur sur ces redevances doit être retenue ». Une marge brute que la cour estime à 33 %.

      La cour retient aussi au vu du contrat un taux de redevance d’enseigne de 4,14 % du CA plus 1 % pour la redevance de communication. Résultat : le franchisé est condamné à verser à son ex-franchiseur un peu plus de 63 000 € de dommages et intérêts en compensation de sa rupture anticipée du contrat.

      Au total, le franchisé est condamné à plus de 165 000 € de remboursements et dommages et intérêts

      Le franchiseur réclamait encore 100 000 € de dommages et intérêts afin de compenser « la déstabilisation des établissements du réseau géographiquement proches » de celui du franchisé. Plus 50 000 € afin de compenser les efforts qu’il a dû faire pour rechercher un nouvel adhérent potentiel.

      Sur ce point, la cour reconnaît que les manquements du franchisé à ses obligations contractuelles de non-concurrence pendant l’exécution du contrat, « ont nécessairement généré un trouble dans le fonctionnement du réseau qui repose sur les principes de la répartition des territoires, de leur exclusivité et de la confiance mutuelle entre les membres » (…).

      Les juges constatent en outre « un déficit de notoriété, causant ainsi un préjudice au franchiseur tenu d’assurer le bon fonctionnement du réseau ».

      Au regard des CA mensuels et des bénéfices réalisés par la société franchisée avant 2019, la cour estime qu’elle devra verser 50 000 € en compensation du préjudice infligé au franchiseur.

      Au total, la société franchisée est condamnée à verser à son ex-franchiseur un peu plus de 165 000 € suite à ce litige.

       

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 15 février 2023, n° 21/09908