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      Un franchisé peut résilier son contrat avant la fin… à condition d’avoir de bonnes raisons ! - Brève du 6 décembre 2023

      Brève
      6 décembre 2023

      Un franchisé insatisfait rompt son contrat avant son terme. Devant la justice, il invoque plusieurs manquements de son franchiseur, notamment une pratique illégale de prix imposés. Les juges considèrent malgré tout qu’il n’a pas justifié sa résiliation anticipée par des motifs suffisants. Il est débouté de ses demandes et sanctionné.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa cour d’appel de Douai a confirmé par un arrêt du 12 octobre 2023 la condamnation d’un franchisé pour résiliation injustifiée de son contrat.

      Dans cette affaire, le contrat de franchise est signé en octobre 2015 pour 7 ans. Mais après presque 4 ans de collaboration, en juin 2019, alors que ses résultats sont juste à l’équilibre, le franchisé y met fin et cesse d’honorer ses paiements de redevances et de frais.

      En juillet 2020, le franchiseur met en demeure son partenaire de lui régler ce qu’il lui doit, puis, en décembre, sans réponse du franchisé, il l’informe de la résiliation de son contrat à ses torts.

      Le courrier précise qu’en plus des factures dues, le franchisé devra s’acquitter de la somme prévue par la clause pénale du contrat en cas de résiliation anticipée non justifiée.

      En mai 2021, le franchiseur assigne son ancien partenaire en justice. En avril 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole condamne le franchisé. Qui fait appel.

      Le franchisé invoque plusieurs manquements du franchiseur

      Devant la cour d’appel, le franchisé précise ses griefs.

      Selon lui, le franchiseur n’a pas exécuté ses obligations contractuelles de transmission de savoir-faire et d’assistance, lui a imposé des prix de revente et a effectué des commandes de produits à sa place.

      Il conteste devoir s’acquitter des redevances demandées après juin 2019 puisque selon lui, le contrat n’avait alors plus cours.

      Et il réclame des indemnités de 50 000 € en compensation du préjudice qu’il estime avoir subi.

      Manque de transmission de savoir-faire et défaut d’assistance à l’ouverture

      La cour d’appel constate plusieurs fautes du franchiseur.

      D’abord celui-ci ne prouve pas que la formation initiale a été délivrée au franchisé. Il ne fournit pas davantage la preuve de la transmission du manuel opératoire en quatre volumes prévue au contrat.

      De même, les magistrats notent que le franchiseur ne démontre pas avoir envoyé auprès du franchisé lors de l’ouverture de son établissement une personne pour l’assister, alors que cette aide était prévue au contrat.

      Les juges constatent la pratique illégale du franchiseur en matière de prix imposés

      La cour constate de même que le franchiseur s’est livré à la pratique illégale des prix imposés. Il est vrai que le positionnement prix était la base même de son concept. Ceci étant, il n’a pas respecté l’article L 442-5 du code de commerce ni le droit européen sur le sujet.

      Au contraire, puisque son contrat stipule que « le franchisé appliquera et fera appliquer par son personnel la politique commerciale (du franchiseur) et respectera toutes les évolutions et les mises à jour qui lui seront communiquées. »

      Le texte précisait dans le détail la composition et le prix prévu pour chacun des quatre forfaits proposés à la clientèle. Et ajoutait qu’en cas d’inexécution de ces directives, le contrat pourrait être résilié aux torts du franchisé.

      Pour la cour, cela dénote « une absence de liberté du franchisé dans le choix de sa politique commerciale et dans la définition d’un prix de revente » qui « outre les sanctions pénales éventuelles, constitue bien un manquement civil, dont la société (franchiseur) doit répondre ».

      La cour rappelle au passage que les pratiques du prix maximal, ou seulement « conseillé », ou encore « du prix fixé sans être assorti d’aucune sanction (clause pénale) » sont admises puisqu’elles laissent sa liberté à l’intervenant dans sa politique commerciale.

      Pour la cour, le franchisé ne démontre pas le préjudice qu’il affirme avoir subi

      Sur la commande de produits par le franchiseur en lieu et place du franchisé, en revanche, la cour estime que le franchisé n’avait pas de raison de se plaindre dans la mesure où il pouvait s’opposer à ces envois dits « poussés » par un simple appel téléphonique au siège.

      De même, la cour d’appel estime que le franchisé ne prouve pas avoir subi un préjudice et « ne démontre pas le lien de causalité » entre les fautes du franchiseur et ses difficultés financières. Même s’il a avancé que la politique de prix imposés du franchiseur l’empêchait de lutter contre certains concurrents moins chers que lui.

      Dans sa lettre de rupture, le franchisé n’a pas invoqué de motifs suffisants aux yeux des juges

      Rupture contrat de franchiseQuant à la résiliation du contrat, la cour rappelle qu’en effet, « il est de jurisprudence constante que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin à ses risques et périls (…) ».

      Cependant, « il appartient à celui qui se prévaut d’une résiliation unilatérale pour manquement grave » de l’autre partie, « de caractériser précisément les manquements reprochés et de démontrer, non une simple inexécution, ni un comportement simplement répréhensible ou encore un désintéressement de l’autre partie pour le contrat, mais un comportement particulièrement caractérisé mettant gravement en péril ses intérêts ».

      Or, aux yeux de la cour, dans son courrier de rupture de mai 2019 (avec effet en juin), « le franchisé n’allègue aucun manquement précis » et « ne démontre pas » davantage « que l’inexécution fautive » du franchiseur à ses obligations aurait compromis « irrémédiablement et concrètement la poursuite des relations contractuelles ».

      De même, « il n’est pas établi » selon les juges que « les inexécutions du contrat invoquées par le franchisé et reconnues par la cour » « étaient de nature à compromettre les intérêts du franchisé », d’autant qu’aucun préjudice n’a été démontré.

      Le contrat est résilié aux torts exclusifs du franchisé qui est sanctionné

      Conséquence : le franchisé « ne peut se prévaloir » de l’arrêt du contrat au 22 juin 2019. En revanche, le franchiseur, lui, a respecté la procédure, envoyé une lettre de mise en demeure, avancé des griefs précis et invoqué la clause résolutoire.

      Pour la cour d’appel de Douai, il n’y a donc pas d’hésitation : les premiers juges ont eu raison de constater la résiliation de plein droit du contrat aux torts exclusifs du franchisé à la date du 20 décembre 2020.

      Le franchisé se voit ainsi débouté de toutes ses demandes et condamné à verser au franchiseur plus de 26 000 € de redevances impayées et près de 13 000 € de pénalité pour avoir résilié le contrat de manière injustifiée.

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Douai, 2e chambre, 2e section, 12 octobre 2023, n°22/03645