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      Le droit d’option du franchisé pour l’ouverture d’un nouveau point de vente doit être respecté - Brève du 25 novembre 2021

      Brève
      25 novembre 2021

      Lorsqu’un franchiseur accorde à un franchisé un droit d’option pour l’ouverture d’un nouveau point de vente, il doit le respecter. Sinon, il s’expose à voir son contrat résilié à ses torts exclusifs, juge la cour d’appel de Douai.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLe 14 octobre 2021, la cour d’appel de Douai a condamné un franchiseur pour manquement à ses obligations contractuelles en matière de droit d’option du franchisé.

      Dans ce litige, un contrat de franchise est conclu en novembre 2005 pour l’ouverture du premier point de vente du réseau dans une capitale régionale. Renouvelé en 2010 par tacite reconduction, il arrive à échéance en novembre 2015.

      Le contrat prévoit qu’en cas d’implantation d’un franchisé dans une ville de plus de 30 000 habitants – c’est le cas en l’occurrence – , le franchiseur doit, s’il estime pertinent d’y ouvrir d’autres établissements à son enseigne, accorder à son partenaire déjà sur place un droit d’option pour ce projet.

      Plus précisément, le franchisé a deux mois pour dire s’il est intéressé ou non par cette possibilité d’ouverture d’un nouveau point de vente et si oui, encore six mois pour l’effectuer, faute de quoi le franchiseur peut faire appel à un autre franchisé.

      Or, la franchisée concernée apprend fin 2013 que – sans qu’elle ait été sollicitée – deux nouvelles unités à l’enseigne ont ouvert dans sa ville. Elle s’en inquiète, début 2014, auprès de son franchiseur qui la rassure en lui expliquant que les effets éventuels sur son chiffre d’affaires ne se produiront que plus tard…

      Début 2015, elle acquiert en pleine propriété son local commercial et en novembre, son contrat est à nouveau reconduit tacitement pour une période de 5 ans (jusqu’en 2020). Mais ses inquiétudes semblent se confirmer puisqu’un an plus tard, fin 2016, elle demande à son franchiseur l’autorisation de transférer son établissement dans le nord de la ville, ce qui lui est accordé.

      Elle se ravise cependant et, en février 2017, plutôt que de déménager, réclame à son franchiseur une indemnisation suite à l’ouverture des deux points de vente qui lui font de l’ombre. En vain. Au mois de mai, estimant avoir été privée de son droit d’option, elle met une première fois en demeure le franchiseur de « cesser ses manquements contractuels ».

      Le 30 juin, elle lui demande par lettre recommandée avec AR de procéder à la fermeture de ces établissements. Elle l’informe en même temps qu’elle a l’intention s’il ne le fait pas, de faire jouer la clause résolutoire du contrat. Ce qui veut dire qu’il reste encore au franchiseur un délai d’un mois avant que la résiliation anticipée de ce contrat devienne effective. En 2018, les deux parties saisissent la justice, chacune reprochant à l’autre la responsabilité de la rupture.

      Pour le franchiseur, c’est sa franchisée qui est en faute et de mauvaise foi

      commerce-a-cederCondamné en première instance, le franchiseur fait appel et se défend.  Pour lui  « l’absence de notification formelle de l’ouverture de deux (points de vente)  ne constitue pas une faute suffisamment grave pour motiver la rupture du contrat de franchise ». Surtout vu le délai de trois ans séparant les deux événements (2013-2017).

      Il affirme que la franchisée avait eu connaissance du projet « dès le mois de mai 2013 » et n’avait « pas contesté » ces ouvertures. Lesquelles se trouvaient d’ailleurs « en dehors de sa zone d’exclusivité » (une zone fixée, précisons-le, à 500 mètres à vol d’oiseau autour de son point de vente). Il rappelle que l’Annexe 1 du contrat prévoyait qu’il pourrait y avoir jusqu’à trois établissements à l’enseigne sur cette ville.

      Le franchiseur passe ensuite à l’attaque. Il accuse sa franchisée d’avoir cessé son activité dès le 6 juin 2017, peu après avoir apposé sur sa devanture un panneau « A louer ». C’est-à-dire avant sa mise en demeure du 30 juin et donc sans accorder à son partenaire le délai de réflexion d’un mois prévu au contrat.

      Il l’accuse également d’avoir vendu (en 2017) sa clientèle à une autre franchisée du réseau arrivée sur la ville en 2013. Il lui reproche de ne pas l’avoir averti de l’achat de son local en 2015 et de ne pas avoir déménagé sans jamais s’en être expliquée. Pour lui, cette absence d’explication constitue « un grave manquement à la loyauté dans l’exécution du contrat ».

      Pour le franchiseur, c’est évident : la franchisée n’a pas respecté son obligation contractuelle d’exploiter son point de vente. Et, puisque sa société a continué à exister, elle exerce forcément ailleurs la même activité, violant ainsi sa clause de non-concurrence et détournant le savoir-faire du franchiseur à son profit personnel. Il réclame des indemnités conséquentes.

      Pour la cour d’appel, le droit d’option de la franchisée n’a pas été respecté. Ce qui justifie sa rupture anticipée du contrat

      Les magistrats de la cour d’appel de Douai ne le suivent pas dans son argumentation. Pour eux, «aucune pièce ne vient étayer l’affirmation » selon laquelle la franchisée aurait arrêté son activité dès le 6 juin 2017. Au contraire, au vu notamment des déclarations de TVA, il apparaît que celle-ci s’est maintenue jusqu’à la fin juillet. Elle a donc respecté la procédure de rupture prévue au contrat et notamment le délai de réflexion d’un mois suivant sa mise en demeure.

      Le fait qu’elle ait apposé un panneau « A louer » dès le mois de mai 2017 sur sa devanture ne prouve pas aux yeux des juges qu’elle ait pour autant arrêté alors son exploitation.

      De même, le fait que la franchisée n’a pas réagi immédiatement alors qu’elle a appris dès la fin 2013 l’ouverture des nouveaux points de vente et qu’elle a acheté son local en janvier 2015 « ne prouve pas qu’elle avait l’intention de cesser son activité pour d’autres raisons que l’absence de notification. »

      Le franchiseur ne peut pas non plus évoquer valablement l’éventuel silence de la franchisée puisqu’elle s’est ouverte auprès de lui par mail de ses inquiétudes début 2014. Cette démarche « ne pouvant aucunement valoir renoncement » à son droit d’option.

      Enfin, la franchisée n’a donné son local à bail que le 6 septembre 2017. Et aucune preuve n’existe qu’elle ait poursuivi ailleurs une activité commerciale depuis cette date.

      Mais surtout le franchiseur « ne démontre pas avoir mis la franchisée en mesure de pouvoir exercer (son) droit d’option ». Or, pour les juges, il s’agit là « d’un manquement caractérisé à une obligation susceptible de mettre en péril l’exploitation de l’activité du franchisé » 

      Conclusion : pour la cour, « Le manquement au droit de priorité, au vu de l’importance que revêt cette obligation de notification pour permettre au franchisé de protéger son activité et pour préserver l’économie et l’équilibre de la relation contractuelle entre les contractants, est de toute évidence suffisamment grave pour justifier, sur le fondement de l’article 1184 du code civil, une résiliation unilatérale du contrat avant son terme. »

      En conséquence, la cour constate la résiliation au 31 juillet 2017 du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. Lequel se voit condamné à indemniser la franchisée à hauteur de 33 000 € au titre de la perte d’exploitation et 10 000 € au titre des différents préjudices subis.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Douai, 14 octobre 2021, n°19/01244