Confrontées à un marché en repli depuis une dizaine d’années, de nombreuses enseignes de mode sont en difficultés. Certaines disparaissent, tandis d’autres sont reprises, notamment par le Groupe Beaumanoir, qui ne cesse d’étoffer son portefeuille de marques et son parc de boutiques.
D’un côté, un long chemin de croix : celui de l’enseigne Naf Naf, créée en 1973. De l’autre, une montée en puissance : celle du Groupe Beaumanoir, qui développe notamment les franchises Cache Cache, Bréal, Bonobo et Morgan. Ces deux trajectoires inversées se déroulent pourtant sur un même marché : celui de la mode et du prêt-à-porter en France.
Depuis 2018, l’enseigne de prêt-à-porter féminin Naf Naf a connu 4 propriétaires (le français Vivarte, le chinois Chapelle, le franco-turc SY International et le turc Migiboy Tekstil) et trois redressements judiciaires (en 2020, 2023 et 2025). Dernier épisode en date : sa reprise partielle par le Groupe Beaumanoir, annoncée le 7 août dernier, suite à un nouveau placement en redressement judiciaire, prononcé le 30 mai 2025. Le repreneur signant ainsi sa 6ème opération de rachat en 5 ans… et la 2ème de l’été 2025, après celle de la marque Jennyfer en juin. Concrètement, le Groupe Beaumanoir a procédé à « la reprise de la marque Naf Naf ainsi que de 12 de ses magasins en France », sur un total de 101 en propre (contre 149 début 2018), auxquels s’ajoutent 11 points de vente exploités en commission-affiliation (ils étaient encore 41 début 2018).
En difficultés, Naf Naf et Jennyfer sont reprises par Beaumanoir
Cette opération, explique l’entreprise basée à Saint-Malo, s’inscrit « dans la continuité de la stratégie de développement du Groupe, dont l’objectif est de construire une offre mode exhaustive par le biais d’un portefeuille de marques diverses et complémentaires, s’adressant à une clientèle élargie ». Les 12 magasins Naf Naf repris, « sélectionnés pour leur emplacement stratégique », prendront l’une des enseignes de Beaumanoir, qui entend de cette manière « poursuivre et renforcer son maillage territorial sur ses marques actuelles ».
« Notre Groupe, fort de sa solidité financière et de son savoir-faire dans le retail, est prêt à insuffler une nouvelle dynamique à Naf Naf, estime son Président Roland Beaumanoir. Cette marque emblématique mérite une renaissance ambitieuse que nous sommes en mesure d’offrir grâce à notre expérience et notre écosystème intégré. Au regard d’un changement d’actionnaires à répétition et d’un manque de constance dans le positionnement de la marque, il convient de prendre le temps de positionner la marque, tant d’un point de vue cible client, que style et offre associés. » Naf Naf rejoint ainsi la vingtaine de marques exploitées par l’entreprise sur le territoire français.
Sur le marché de la mode, il semble donc que le malheur des uns fasse le bonheur du Groupe Beaumanoir, qui a en effet racheté La Halle en 2020, Caroll en 2021, Sarenza en 2022, Boardriders en 2024, puis Jennyfer et Naf Naf en 2025. Revendiquant « plus de 2 700 points de vente » à travers le monde, ce poids lourd du secteur affichait déjà 3 Mds€ de volume d’affaires pour 2024, contre 2 Mds€ en 2022 et 1 Md€ en 2020.
Beaumanoir a signé 6 opérations de rachat en 5 ans
En juin dernier, le Groupe Beaumanoir avait déjà annoncé le rachat de Jennyfer et de 26 de ses magasins en France (sur 130 succursales). Là encore, suite au placement en redressement judiciaire, le 30 avril 2025, de cette marque de prêt-à-porter féminin lancée en 1984, développée à la fois en propre et en commission-affiliation. Les 53 boutiques affiliées, n’étant pas concernées par l’offre de reprise, ont déposé l’enseigne.
Commentant cette opération, le serial repreneur du marché du textile estimait avoir démontré « sa capacité à reprendre des entreprises dans des contextes complexes et à les remettre sur pied en préservant au maximum les emplois ; près de 5 000 cumulés au fil des reprises successives (La Halle, Caroll, Sarenza et Boardriders) ».
« Depuis 10 ans, dans un contexte de marché du textile en mutation, les tentatives de repositionnement de la marque [Jennyfer] ont malheureusement échoué, entraînant des pertes, constate Roland Beaumanoir. Je suis convaincu que seules les reprises par des groupes solides comme le Groupe Beaumanoir, offrant un écosystème cohérent et des ressources adéquates, réussissent. Nous l’avons prouvé avec La Halle, Caroll, Sarenza.com ou encore récemment avec le Groupe Boardriders. »
Convaincu que Jennyfer « reste une marque française emblématique et patrimoniale, jouissant d’une forte notoriété », le repreneur prévoit de la relancer en faisant reposer sa stratégie à court terme sur deux axes. D’une part, « le déploiement de ses marques [Cache Cache, Bréal, Bonobo…] au sein des 26 magasins [Jennyfer] repris et sélectionnés pour leur localisation stratégique permettant au Groupe de poursuivre et renforcer son maillage territorial sur ses marques actuelles ». Et d’autre part, « la relance progressive de la marque [Jennyfer] visant à attirer une clientèle plus jeune, complémentaire des cibles actuelles de ses marques ».
« Avec plus de 2 700 points de vente à ce jour, nous nous appuyons sur une forte puissance de distribution par le biais de nos magasins en succursales mais aussi de notre solide réseau d’affiliation », explique Thomas Beaumanoir, Directeur Général Délégué du Groupe. Qui compte en effet 500 magasins en affiliation, exploités par 200 affiliés, sous enseignes Cache Cache, Breal, Bonobo, Vib’s ou Morgan. Mais aussi 50 franchisés toutes marques confondues, y compris Boardriders.
Beaumanoir exploite 20 marques sur le territoire français

Parmi les acteurs qui réussissent à tirer leur épingle du jeu, le Groupe Beaumanoir se distingue par sa capacité à se porter acquéreur de marques et de réseaux de magasins défaillants. Les clés de ce dynamisme ? « Le Groupe possède des marques couvrant plusieurs segments et possède ainsi une multi-expertise allant de la mode accessible au lifestyle/outdoor en passant par l’e-commerce et la supply chain, avec la logistique intégrée C-Log », indique l’entreprise.
Cette stratégie réfléchie contraste avec celle d’autres acteurs, comme les nouveaux propriétaires de Pimkie (cédée début 2023 par le groupe Mulliez). Qui ont annoncé en septembre dernier la création d’une co-entreprise avec la marque chinoise d’ultra-fast-fashion Shein. Or cette dernière est accusée par les acteurs français du secteur d’« inonder le marché français de millions de produits à bas prix, souvent non contrôlés, au détriment de la sécurité, de la transparence et de l’équité ». Mais aussi de ne pas respecter les normes en vigueur dans l’Union européenne, d’éluder la TVA, d’échapper aux droits de douane, de contourner les périodes de soldes et de violer les règles d’étiquetage et de transparence commerciale ! Autant dire que cette annonce a été très mal reçue par ces professionnels, qui s’inquiètent légitimement pour l’avenir de la filière.
Un marché en repli depuis 10 ans




