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      Exclusivité territoriale : un franchiseur condamné en appel pour déloyauté - Brève du 25 octobre 2021

      Brève
      25 octobre 2021

      La cour d’appel de Paris a résilié un contrat aux torts exclusifs d’un franchiseur. Motif : ne pas avoir respecté l’exclusivité territoriale d’un franchisé. L’argumentation étoffée du franchiseur pour sa défense est contredite point par point par les magistrats.

      Dans cette affaire, le contrat est signé en février 2016. Il accorde au franchisé une zone composée de trois arrondissements de Paris et d’une partie de la Seine Saint-Denis. L’activité démarre le 5 septembre.

      Mais par une lettre du 20 octobre, le franchisé exprime plusieurs griefs au franchiseur dont « le non-respect de l’exclusivité territoriale ».

      Constatant qu’il a cessé de payer ses redevances et de fait résilié son contrat, le franchiseur l’assigne en justice en janvier 2017, réclamant l’indemnité contractuelle prévue en cas de rupture fautive, accompagnée de dommages et intérêts.

      Cependant, le 8 novembre 2018, le Tribunal de grande instance de Paris prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur et le condamne à verser 30 000 € au franchisé pour indemniser son préjudice. Le franchiseur fait appel de ce jugement.

      Franchise-strategie-implantation

      Selon le franchiseur, l’exclusivité territoriale accordée n’était pas une exclusivité de clientèle

      Pour justifier son abandon du contrat et convaincre les juges qu’il était dans son bon droit, le franchisé a fait valoir notamment que, parmi les établissements listés comme faisant partie de ses cibles commerciales et implantés sur sa zone, certains étaient déjà « approvisionnés » par le franchiseur lui-même ou un autre franchisé.

      Pour sa part, le franchiseur se défend d’avoir commis la moindre faute. Selon lui, la clause d’exclusivité territoriale du contrat « n’accordait qu’une exclusivité d’implantation »au franchisé. C’est-à-dire qu’elle lui garantissait qu’aucun autre franchisé ou succursale de l’enseigne ne serait implanté sur sa zone pendant la durée de son contrat. En revanche, « elle n’accordait aucune exclusivité de clientèle » et « n’impliquait aucune interdiction de vente passive* à l’égard d’autres franchisés ou du franchiseur ». Enfin, « elle comportait une dérogation au profit du franchiseur lui permettant de conclure activement des marchés avec des établissements (clients potentiels) situés sur le territoire du franchisé. »

      Pour la cour, le franchiseur n’a pas donné d’information exacte sur la clientèle du franchisé

      La Cour n’est pas convaincue par cette argumentation. Elle rappelle d’abord que « Si le franchiseur est tenu d’informer loyalement le franchisé sur le marché local sur lequel il l’autorise à opérer, il doit en outre s’abstenir, lorsqu’il lui confère des droits exclusifs et dans l’exécution même du contrat, d’adopter un comportement contraire à ce à quoi ce franchisé pouvait légitimement s’attendre compte tenu des informations fournies. »

      Le franchisé en conflit étant « en outre sans expérience préalable (dans l’activité concernée) » notent les magistrats, « le franchiseur lui devait à ce titre, dans le cadre de l’obligation d’assistance, une information exacte sur les clients dont il recommandait le démarchage. »

      D’autant que la clause d’exclusivité territoriale comportait un engagement du franchisé à « s’interdire tout démarchage actif sur un territoire concédé à titre exclusif à un autre membre du réseau ». Le franchisé pouvait donc « légitimement s’attendre à être protégé sur son territoire du démarchage actif des autres franchisés. »

      Le franchiseur a donné à démarcher au franchisé des clients qui étaient déjà en négociation avec le réseau

      Or « il est établi » souligne la cour, que, dans la liste des clients à démarcher fournie au franchisé par le franchiseur après la signature du contrat, apparaissait un établissement situé sur son territoire protégé qui était déjà en négociation avec un autre franchisé du même réseau.

      D’autres observations, plus détaillées encore, permettent à la cour d’estimer que « l’allégation de vente purement passive* (de la part de l’autre franchisé) n’est nullement démontrée par les pièces produites. » Tandis qu’un autre établissement était aussi en négociation avec une société du franchiseur.

      Quant à la dérogation permettant au franchiseur de conclure des marchés sur le territoire concédédans le cas où le franchisé qui avait un droit de priorité, ne serait pas parvenu à emporter le marché – elle existe bien dans le contrat, reconnaissent les magistrats. Mais « elle ne permettait pas pour autant au franchisé (…) de prévoir que le franchiseur procéderait ainsi avec lui (pour les marchés concernant les deux établissements déjà approvisionnés). »

      La résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur est assortie de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 €

      cour d’appel de Colmar – Alsace – France« Nul manquement contractuel du franchisé n’étant », selon la cour, « établi », le jugement du TGI de Paris est « confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. »

      Suivant le raisonnement des premiers juges, les magistrats de la cour d’appel de Paris n’accordent pas pour autant au franchisé le remboursement de son droit d’entrée de 36 000 € « parce qu’il n’est pas démontré » à leurs yeux que le franchisé « n’a retiré aucune contrepartie de son paiement ». Ils ne lui accordent pas davantage le versement des 75 000 € demandés pour perte de chance de réaliser un retour sur ses investissements, cette perte n’étant à leurs yeux « nullement démontrée ».

      En revanche, « compte tenu de la durée quinquennale du contrat qui était prévisible, la résiliation anticipée de la faute exclusive du franchiseur pour manquement à son obligation de loyauté justifie le versement à titre de dommages-intérêts d’une partie des frais acquittés pour rentrer dans le réseau. En effet, par suite de la faute du franchiseur, l’amortissement de ces frais n’a pu être réalisé. » La somme de 30 000 € fixée en première instance est donc elle aussi confirmée.

      *La vente dite passive est celle qui est réalisée par le commerçant (franchiseur ou franchisé) lorsqu’un client, d’où qu’il vienne, le contacte sans avoir été activement démarché.

      Référence de la décision :

      Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 1er septembre 2021, n° 18/27095

      A lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Maître Stéphane Destours dans la Lettre de la distribution d’octobre 2021, qui explique aussi pourquoi dans ce même arrêt, la cour a refusé d’annuler le contrat de franchise comme le lui demandait le franchisé