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      La crise sanitaire a accéléré la transformation numérique

      Canal de vente additionnelle ou complémentaire pour les chaînes de commerce physique « traditionnel », la vente en ligne est devenue pour certaines professions la seule manière de continuer à travailler malgré les contraintes sanitaires. Une évolution rapide, parfois brutale mais peut-être salutaire, dont les effets devraient se prolonger et s’amplifier dans les années à venir.

      Franchise-e-commerce« La crise de la Covid-19 et les adaptations qu’elle a entraînées face à la fermeture des commerces ont contribué à transformer le rapport des Français au commerce digital, les rendant plus ouverts à cette pratique ». Ce constat est tiré d’une étude publiée en décembre 2020 et intitulée « Digitalisation du commerce : les attentes des Français en 2021 ». Réalisée les 25 et 26 novembre 2020 par Daley (solution de paiement unifié pour le commerce) avec OpinionWay, cette enquête visait à analyser les usages et les attentes des Français en matière de digitalisation de leurs commerces. « Le magasin devient la pierre angulaire de cette digitalisation. Les parcours omnicanaux mêlant digital et physique sont plébiscités par les Français », soulignent ses auteurs.

      De fait, au troisième trimestre 2020, les ventes en lignes réalisées par les enseignes de magasins ont progressé de 29 % alors que chiffre d’affaires de l’e-commerce dans son ensemble (incluant donc celui des pure players) a progressé de 8,1 % seulement, selon le bilan établi par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad.) Au cumul des neuf premiers mois de l’année, l’activité en ligne des chaînes a fait un bond de +41 % et a même enregistré, sur les quatre premières semaines du deuxième épisode de confinement (du 30 octobre au 28 décembre 2020), une croissance de +175 % comparée aux mêmes semaines de 2019 ; avec des pics dépassant les 200 % sur les deux premières semaines….

      Pour les commerces contraints par la crise sanitaire de fermer leurs portes au public, comme pour les consommateurs, le recours à la vente en ligne pour les uns, l’achat en ligne pour les autres, est devenu une nécessité, presque vitale dans certains secteurs. Autrement dit, la pandémie de Covid-19 a eu pour effet d’accélérer la digitalisation des pratiques d’achat et de vente dans la plupart des métiers. Comme en ont témoigné, depuis mars 2020, les nombreux franchiseurs qui nous ont accordé des interviews.

      Restauration assise : entre prudence et investissements

      Philippe Jean, Directeur général de la franchise Del Arte
      Philippe Jean, Directeur général de Del Arte

      Dans la restauration assise avec service à table, l’un des métiers les plus durement touchés par les contraintes sanitaires, les réactions des enseignes spécialisées sont très contrastées. « Sur le fond, je suis convaincu que la livraison, et la dynamique digitale en général, sont réellement nécessaires au développement de Del Arte, explique ainsi Philippe Jean, Directeur général de cette franchise du Groupe Le Duff). Au mois de mai, le résultat a été inégal d’un restaurant à l’autre, mais certains franchisés ont réalisé plus de 1 500 € de ventes par jour en click and collect. Notre partenariat avec UberEats nous a décidés à investir là-dessus. »

      Philippe Roux, directeur général de la franchise de restauration Memphis
      Philippe Roux, directeur général de Memphis

      Directeur général du groupe Memphis (83 restaurants), Philippe Roux est plus prudent sur le sujet. Seuls quelques établissements à l’enseigne travaillent en click & collect et en livraison : ceux situés en centre-ville ou, comme à Poitiers, entre le campus et le centre-ville ; car ces implantations leur donnent la capacité de générer du flux et du trafic. « Pour les autres, la rentabilité n’est pas au rendez-vous, car tout le monde fait du click & collect et de la livraison. Or, ce n’est pas notre métier : nos restaurants de 350 m² représentent des charges fixes qui ne sont pas les mêmes pour ceux dont c’est l’activité principale, souligne le franchiseur. Nous donnons pour consigne à nos franchisés de ne faire du click & collect et de la livraison qu’à partir de 1 000 € de chiffre d’affaires par jour car, en-dessous de ce seuil, ce n’est pas rentable. »

      Pourtant, comme Philippe Jean, Philippe Roux croit à ces formes de vente…  quand les restaurants sont ouverts : « Elles représentent alors un relais de croissance marginal et ne génèrent pas de coût supplémentaire. Mais aujourd’hui, sur une base 100, il faut compter 25 % de food, 25 % de frais de personnel et 25 à 28 % de frais de plateforme, plus le loyer ! Nous sommes des restaurateurs : le click & collect et la livraison ne sont pas adaptés à nos implantations en zones commerciales, en périphérie des villes. »

      Memphis travaille également sur le sujet de la digitalisation depuis trois ans. Tous ses restaurants sont équipés pour proposer la commande en ligne, « mais cela génère moins de charges pendant l’ouverture des restaurants, c’est-à-dire le midi et le soir, insiste son Directeur général. Dans un contexte économique tendu, nous ne voulons pas prendre des décisions qui viendraient dégrader encore plus le compte d’exploitation de nos franchisés. Nous leur avons donné tous les moyens pour faire de la commande en ligne, mais ce n’est pas un substitut à notre activité principale. »

      Magasins de cuisines : une adaptation à marche forcée

      Franck Ecalard Directeur Général Cuisine Plus Texte
      Franck Ecalard Directeur Général de Cuisine Plus

      Dans la vente et pose de cuisines, une activité impactée positivement par la Covid-19, qui a donné aux Français déconfinés l’irrésistible envie de moderniser leur intérieur, le digital s’est également invité dans le parcours client. Souvent à marche forcée : « En une dizaine de jours, on a réussi à mettre en place un système de conception à distance : nous avons équipé les magasins de dispositifs de visio-conférence et nous les avons formés, avec d’excellents résultats, raconte Franck Ecalard, Directeur général de l’enseigne Cuisine Plus. Il existe une vraie demande des consommateurs pour un premier contact avec Cuisine Plus sans avoir à se déplacer : cela nous permet de cerner leur budget, de leur faire une proposition alternative… »

      « Cuisine Plus est un réseau de jeunes entrepreneurs avec de jeunes vendeurs, qui ont fait preuve d’une grande capacité d’adaptation à des techniques qui n’étaient pas complètement utilisées jusqu’à présent, souligne son directeur général. Nous avons mis en place une cellule qui planche sur ces nouvelles technologies pour aller encore plus loin dans l’innovation. » Avec pour ambition de « devenir l’enseigne la plus innovante et la plus dynamique pour être capable de s’adapter à un instant T aux demandes des consommateur ».

      Arnaud Allantaz, Directeur de l'enseigne SoCoo’c
      Arnaud Allantaz, Directeur de l’enseigne SoCoo’c

      Chez SoCoo’c, « le projet de vente à distance initié lors du premier confinement [au printemps 2020] a continué d’être développé durant l’été, car nous avions l’intuition forte que cette solution nous serait utile pour garder le contact avec nos prospects, se souvient Arnaud Allantaz, Directeur d’enseigne. Nous avons ainsi installé Microsoft Teams sur tous les comptes vendeurs de tous les magasins, et nous les avons équipés de webcams et de casques audio. Une partie de nos vendeurs a poursuivi son activité pour conclure des ventes à distances via les solutions de visio. »

      Magasins de bricolage : le boom inouï des ventes en ligne

      Thierry Coulomb, Président de ITM Equipement de la maison enseignes Bricomarché Brico Cash Bricorama
      Thierry Coulomb, Président de ITM Equipement de la maison

      Autre grand gagnant de l’année écoulée, au point d’avoir dû faire face à d’importantes ruptures de stocks : le magasin de bricolage. Un univers où les enseignes étaient en général déjà bien avancées sur la voie de l’omnicanal et du phygital. Ainsi, chez Bricorama, Brico Cash et Bricomarché, « le drive et le click and collect proposés sur nos trois sites marchands ont prévalu durant toute la période [du premier confinement], reconnaît Thierry Coulomb, président d’ITM Equipement de la Maison. Sur le site de Bricomarché, nous avons fortement élargi l’offre commerciale en livraison à domicile, depuis l’entrepôt, à la quasi-totalité de l’offre magasin : cela a permis de booster les ventes. »

      Lors de la réouverture en click and collect et vente au comptoir, le trafic sur le site a été multiplié par dix par rapport à 2019, et le taux de conversion, habituellement inférieur à 0,50 %, est passé au-dessus de 2 %. Sur la période avril-mai, cela a permis au site de Bricomarché d’enregistrer +230 % de progression en termes de trafic. Et aux trois enseignes de doubler (de 3 % à 6 %) leur captation du trafic sur le secteur du jardin.

      « En résumé, le digital a connu un énorme rebond, constate Thierry Coulomb. Cela nous a confortés dans nos positions et a renforcé nos points de vente physiques auprès des internautes sur leurs zones de chalandise, grâce à la vente en ligne et au retrait en point de vente. Pendant cette période, la globalité du trafic e-commerce s’est orientée à 20 % sur la livraison à domicile contre 80 % pour le retrait en magasin (click and collect). »

      La quasi-totalité des magasins Bricorama, Brico Cash et Bricomarché proposent le retrait en magasin « car l’évolution de nos concepts (urbain, moyen format, grand format) les a rendus beaucoup plus omnicanaux, explique le président d’ITM Equipement de la Maison. Quand nous avons créé le site, les clients commandaient en ligne et payaient en magasin mais, il y a un an, nous avons lancé le paiement en ligne : la période de confinement a accéléré la montée en puissance de ce mode de paiement. »

      Edouard Deville, directeur offre marketing et projets magasins de l'enseigne Weldom
      Edouard Deville, directeur offre marketing et projets magasins de Weldom

      Même son de cloche du côté de Weldom (groupe Adeo) : en avril-mai 2020, « la majorité de nos franchisés a choisi d’ouvrir en mode comptoir avec notre solution digitale d’e-réservation, c’est-à-dire notre système de commande en ligne pour un retrait en magasin », explique Edouard Deville, directeur offre marketing et projets magasins de l’enseigne. Cette solution digitale d’e-réservation existait avant le confinement, mais Weldom est une franchise de proximité : d’une surface généralement comprise entre 1 000 et 3 000 m², ses points de vente sont implantés dans des villes moyennes de taille intermédiaire, et ses clients sont en moyenne à 10 minutes du magasin. Donc cette solution n’était utilisée par les particuliers que pour des achats plus conséquents, ou par des artisans pour des chantiers urgents.

      « Pendant la période du premier confinement, nous avons totalement transformé notre site web : l’e-réservation est devenue le cœur du site, raconte Edouard Deville. Nous avons aussi enlevé des outils web moins pertinents sur la période, afin de faciliter le flux, car la fréquentation a été multipliée par 200 ! Nous avons enregistré près de 20 000 e-réservations sur une journée : au pic de la crise, sur la journée la plus forte, nous avons réalisé en une journée l’équivalent du chiffre d’affaires généré via internet sur toute l’année 2019 !!! »

      Au-delà ces phénomènes d’une ampleur inédite, l’enseigne entend désormais poursuivre sa transformation numérique : « Les outils digitaux n’étaient pas totalement ancrés au cœur de la stratégie Weldom mais le parcours client devient omnicanal donc en 2021, nous allons multiplier par 2,5 notre niveau d’investissement dans ce domaine, annonce Edouard Deville. En un an, nous allons créer un nouveau site web grâce à cette synergie : il aura bien entendu pour vocation de créer du trafic et du chiffre d’affaires pour nos franchisés. »

      Agences immobilières : vers le tout digital… sauf les visites !

      Eric Allouche, Directeur exécutif de la franchise ERA Immobilier France
      Eric Allouche, Directeur exécutif de ERA France

      Les professionnels de l’immobilier ont vécu une année 2020 paradoxale : déjà engagés dans une démarche digitale à laquelle leur activité axée sur la prestation de services se prête plutôt bien, ils ont toutefois buté, à deux reprises, sur l’impossibilité de faire visiter les biens. « Nous avons accéléré sur le digital : nous proposions déjà les visites à distance, les visio-conférences et les signatures électroniques mais les gens ont été contraints d’adopter largement ces dispositifs, confirme Eric Allouche, Directeur exécutif de la franchise Era Immobilier France. Mandats, compromis : tout peut se faire à distance mais quand on achète un bien, c’est quand même mieux de le voir ! » Pour autant, comme dans d’autres secteurs, « la mutation a été accélérée par le confinement et aujourd’hui, notre déploiement digital est complet. Par exemple, toutes nos formations sont distancielles », souligne-t-il.

      Christine Fumagalli, Présidente du réseau coopératif immobilier Orpi
      Christine Fumagalli, Présidente du réseau Orpi

      « La transformation digitale est un atout, estime, elle aussi, Christine Fumagalli, Présidente du réseau Orpi Solutions Immobilières. Dès 2015, nous avons commencé à digitaliser le parcours client. La situation actuelle est une mise en pratique de force : on y va ! Aujourd’hui, on peut réaliser un ensemble de projets depuis chez soi : mise en vente, recherche d’un bien etc. La seule étape qu’on ne peut pas remplacer c’est la visite d’un bien réel : ce contact physique avec un bien ne peut pas être dématérialisé, malgré les visites virtuelles. » Reste que désormais, le réseau est armé pour travailler de façon dématérialisée : « C’est un énorme point fort », reconnaît-elle.

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      Yann Jehanno, Directeur Exécutif du réseau Laforêt

      Depuis quatre ans, l’enseigne Laforêt avait également digitalisé son parcours client : « Nous pratiquons largement la signature électronique, cela concerne plus de 10 000 actes par mois, explique Yann Jehanno, son Président. En revanche, dans la chaîne immobilière, d’autres intervenants comme les banquiers, les diagnostiqueurs, les administrations ou les notaires sont encore très inégaux face à la technologie ».

      Magasins de fleurs : 40 % du chiffre habituel grâce à la livraison

      Thomas Morlot, Directeur des réseaux, Emova Groupe (franchise Monceau Fleurs)
      Thomas Morlot, Directeur des réseaux, Emova Groupe

      La vente de fleurs et plantes illustre encore une fois les atouts et les limites de la digitalisation du commerce, dans un métier où la transmission florale (via Interflora et Flora Jet) existe depuis longtemps, permettant de maintenir une activité même quand le magasin est fermé au public. Outre cette forme de vente à distance (avec livraison à domicile), Emova Group (300 magasins sous enseignes Monceau Fleurs, Au Nom de la Rose, Happy et Cœur de Fleurs) propose aussi le call & collect (commande par téléphone et retrait en magasin) et le click & collect (commande en ligne et le retrait en magasin).

      « Nous avons toujours pratiqué la livraison, certains plus que d’autres car avant le confinement, les points de vente étaient ouverts toute la journée donc, pour ceux qui exploitent une boutique à deux ou seuls, il était compliqué d’aller livrer », explique Thomas Morlot, Directeur des réseaux chez Emova Group. En période de confinement, « ce n’est plus une option : il faut le faire, car cela permet de réaliser 40 % de notre chiffre d’affaires habituel ». Afin de s’adapter encore davantage aux habitudes de consommation, Emova Group a lancé début février 2021 un nouveau service de livraison de bouquets en partenariat avec Uber Eats.

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