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      Clause d’arbitrage : la tentation du « non droit »

      Tribune publiée le 16 septembre 2014 par Patrice MIHAÏLOV 
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      La clause d’arbitrage qui figure dans de nombreux contrats de franchise ne se justifie pas. C’est le point de vue, tranché – mais argumenté – de l’auteur, avocat spécialisé dans le conseil des distributeurs et des franchisés.

      La clause d’arbitrage est la clause par laquelle les parties s’engagent à porter devant un tribunal arbitral tous les litiges nés du contrat : le franchisé renonce définitivement à la possibilité de saisir le tribunal de commerce.

      La clause prévoit fréquemment que les arbitres ne sont pas tenus d’observer les règles de droit et statuent en équité.

      Cette approche est évidemment moins rigoureuse que la mise en œuvre d’une règle de droit objectivement définie.

      Enfin, la clause prévoit souvent que les arbitres statuent en dernier ressort, ce qui interdit l’appel et prive les parties de la sécurité d’un double degré de juridiction.

      Le coût : élevé

      Les arbitres sont des professeurs de droit, des avocats ou d’anciens magistrats, qui font commerce habituel de leur juridiction.

      Leurs honoraires représentent couramment plusieurs dizaines de milliers d’euros (ex : 65 000 euros pour un litige opposant un franchiseur à un franchisé réalisant moins de 400 000 euros de chiffre d’affaires dans un unique point de vente).

      Ce budget est augmenté des frais d’avocat.

      Dès lors que les litiges surviennent au moment où le franchisé est en difficulté financière, la procédure arbitrale lui est généralement inaccessible.

      L’impartialité : pas garantie

      On peut penser que l’intérêt de l’arbitre est de satisfaire celle des parties qui lui paraît la plus disposée à lui proposer ultérieurement de nouvelles missions.

      Il est donc essentiel de désigner son arbitre avec soin, parmi les candidats qui sont attachés à leur indépendance.

      La rapidité : relative

      Si la procédure arbitrale peut être plus rapide que la procédure engagée devant une juridiction d’état, elle est parfois au moins aussi longue.

      Etant observé que dans le cas même où l’arbitrage est prévu sans appel, la sentence peut être contestée dans le cadre d’un recours en annulation, la dispute pouvant se prolonger ainsi pendant des mois.

      La discrétion : avantageuse pour qui ?

      La procédure d’arbitrage est confidentielle, de sorte que la décision des arbitres ne peut pas être divulguée.

      Cet aspect de l’arbitrage est particulièrement frustrant et sert plutôt l’intérêt du franchiseur, qui s’épargne la publicité d’éventuels contentieux au sein de son réseau, et l’intérêt des arbitres, dont la sentence est à l’abri de toute critique.

      La compétence : une réalité

      Les arbitres sont désignés en considération de leur compétence et sont par conséquent pleinement capables de rendre la justice dans le procès dont ils sont saisis.

      On peut attendre d’eux qu’ils consacrent les soins nécessaires à l’instruction, aux débats et aux délibérations requis par l’élaboration d’une bonne décision.

      Ils prennent sur ce point l’avantage sur les juridictions étatiques qui, bien que de plus en plus spécialisées et compétentes, disposent sans doute de moins de temps dans l’examen des dossiers.

      En franchise, l’arbitrage ne se justifie pas

      L’arbitrage se justifie sans doute dans les litiges internationaux, lorsque le contentieux classique est entravé par d’inextricables conflits de compétence.

      Il se justifie dans des domaines très spécialisés ou lorsque les intérêts en litige sont à ce point importants, que les parties souhaitent maîtriser plus précisément leur litige.

      Il ne se justifie pas en matière de franchise, où son adoption n’est motivée que par le souci d’interdire en pratique toute possibilité de recours à la partie la plus faible, plaçant de facto le contrat et les parties dans une véritable zone de non droit, aussi sûrement que s’il avait établi son affaire dans un pays du tiers monde.

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