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      Le franchiseur face au dénigrement de son réseau par certains franchisés

      Tribune publiée le 3 mai 2010 par Flore SERGENT 
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      Certains franchisés commettent des actes de dénigrement à l’égard du franchiseur. Quel bilan juridique faut-il dresser quant à la notion et au régime de ce type de comportement déloyal ?

      La qualification du dénigrement suppose la réunion de certains critères. Ainsi, la victime du dénigrement – le franchiseur – doit être nommément désignée ou identifiable (Cass. civ. 1, 5 juin 2008) ; il peut être visé soit directement (CA Paris, 23 nov. 2006), soit indirectement (CA Paris, 24 sept. 2008).

      Le dénigrement implique l’existence d’une critique (CA Paris, 24 sept. 2008 ; CA Paris, 23 nov. 2006) ou la révélation d’un procès en cours (CA Paris, 18 févr. 2009 ; CA Paris, 24 sept. 2008) ; cependant, une critique mesurée sur le fond et la forme peut demeurer licite (CA Paris, 12 févr. 1999).

      Enfin, le dénigrement doit être public (CA Versailles, 1er déc. 2004) : il pourra résulter notamment d’un propos, écrit ou verbal, destinés à d’autres franchisés (CA Paris, 24 sept. 2008) ou à la clientèle (Cass. com., 18 avr. 1989).

      D’autres éléments sont en revanche indifférents à la qualification du dénigrement, comme l’intention de nuire de l’auteur du dénigrement qui n’est jamais requise, que l’action se fonde sur l’article 1134 al. 3 du code civil (Cass. com., 9 mai 1990) ou l’existence d’une concurrence déloyale (Cass. com., 12 mai 2004) ; l’intention de nuire constitue un fait aggravant (CA Paris, 23 nov. 2006).

      De même, ni la véracité des faits (Cass. com., 12 oct. 1966), ni la bonne foi de l’auteur du dénigrement (CA Paris, 24 sept. 2008) ne peuvent exclure la qualification de dénigrement.

      Le régime applicable au franchisé appartenant encore au réseau diffère de celui qui l’a quitté. Au regard du droit commun, le dénigrement commis par le franchisé constitue une violation de l’article 1134 al. 3 du code civil, un « manquement à l’obligation de loyauté contractuelle, qui prend un relief particulier entre les parties à un contrat de franchise » (CA Paris, 24 sept. 2008) ; il est donc sanctionné même en l’absence de clause l’interdisant (CA Paris, 19 avr. 2000).

      L’auteur du dénigrement doit réparer le préjudice qu’il a causé au franchiseur (Cass. com., 24 mai 1994) et voit le plus souvent le contrat de franchise résilié à ses torts exclusifs, le dénigrement excluant « toute possibilité de poursuite du contrat dans la confiance exigée pour sa pleine mise en œuvre » (CA Paris, 24 sept. 2008).

      Dans certains cas, cette résiliation peut même intervenir sans préavis (Cass. com., 31 mars 2009). Le contrat de franchise peut également comporter certaines stipulations utiles en la matière.

      La clause de non-dénigrement permet tout d’abord de déterminer la consistance du dénigrement, ce qui simplifiera le débat judiciaire.

      Elle peut être assortie soit d’une clause pénale, qui pourra augmenter le montant de la condamnation – en dépit du pouvoir de révision du juge –, soit d’une clause d’astreinte conventionnelle visant à faire cesser efficacement les actes de dénigrement susceptibles de se prolonger dans le temps.

      De plus, l’obligation de non-dénigrement pourra figurer – c’est même conseillé – parmi les obligations dont la violation justifie la résiliation du contrat de franchise sans mise en demeure ni préavis.

      Lorsque le dénigrement est commis par un ancien franchisé, il constitue un acte de concurrence déloyale soumis au régime de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de droit commun (Cass. com., 18 avr. 1989).

      Le franchisé est condamné à réparer le préjudice causé au franchiseur, qui consiste principalement en une perte de chiffre d’affaires (Cass. com., 19 juin 2001) et en une atteinte à son image (Cass. com., 20 mai 2003).

      Lire également sur le sujet l’article de Maître Serge Meresse (Cabinet Meresse et associés)
      « Dénigrement en franchise : la muselière et le fouet »