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      Non, la loi Doubin n’est pas jetée aux oubliettes !

      Tribune publiée le 18 décembre 2013 par Anne-Cécile BENOIT
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      Qu’est-il advenu de la loi Doubin ? Selon l’auteur, avocat, deux récents arrêts de la Cour de cassation viennent rappeler aux franchiseurs les exigences de ce texte de référence qui encadre les relations avec leurs franchisés avant la signature du contrat.

      Dernièrement, les débats se sont concentrés autour de l’arrêt rendu le 4 octobre 2011 par la Cour de cassation qui a fait rentrer la rentabilité du concept dans le champ du contrat : la communication de prévisionnels très supérieurs à la réalité provoque une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise, ce qui vicie le consentement du franchisé et rend nul le contrat.

      Mais qu’est-il advenu de la Loi Doubin (art. L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce) que les franchiseurs cherchent si souvent à contourner ?

      Rappelons que cette Loi impose au franchiseur une obligation d’information précontractuelle : il doit, avant la signature du contrat, communiquer au candidat à la franchise un document contenant des informations sincères sur son réseau, son expérience, une présentation de l’état général et local du marché et ses perspectives de développement (le DIP). Le but : permettre au franchisé, qui ne connait pas le marché qu’il va intégrer, de s’engager en connaissance de cause.

      La Cour de cassation, par deux arrêts rendus le 10 décembre 2013 (N° 12-23115 et 12-23890), vient très justement rappeler les exigences de la Loi.

      Deux franchisés demandaient l’annulation de leur contrat

      Le franchiseur d’un réseau de conseillers en gestion de patrimoine avait remis aux candidats une simple trame à compléter pour qu’ils réalisent eux-mêmes l’étude du marché local à sa place, ainsi que des comptes d’exploitation prévisionnels complètement irréalistes. Deux franchisés demandaient l’annulation de leur contrat pour vice du consentement.

      Le Tribunal de commerce et la Cour d’appel de Paris (Pôle 5 – Chambre 4) les avaient déboutés de leur demande en jugeant – contre l’évidence du texte de la Loi – qu’il appartenait au franchisé de procéder lui-même à une étude d’implantation précise.

      De plus, bien qu’ayant constaté le caractère irréaliste des prévisionnels, la Cour refusait de sanctionner la faute du franchiseur au motif que l’expérience professionnelle des franchisés (l’un avait été ingénieur dans l’industrie et l’autre consultant en risques financiers) leur aurait permis d’apprécier les prévisions du franchiseur !!!

      La Cour rappelle le franchiseur à ses obligations

      En cassant dans leur totalité ces deux arrêts d’appel, la Cour de cassation réaffirme l’autorité d’une loi que les franchiseurs et certains Juges dénaturent trop souvent. Deux moyens sont particulièrement à retenir :

      • L’annexe intitulée « trame d’état du marché local » ne contenait aucune information fournie par le franchiseur ;

       

      • La Cour d’appel n’a pas expliqué en quoi l’expérience professionnelle des franchisés aurait pu leur permettre de se livrer à une appréciation du caractère réaliste ou non des prévisions du franchiseur.

      La Cour suprême rappelle donc que les franchiseurs ont l’obligation de fournir des données sur le marché local et ses perspectives de développement et qu’ils ne peuvent pas rester passifs en se limitant à la transmission d’un support à compléter par le franchisé.

      Espérons également que les Juges du fond cesseront de cautionner le comportement peu scrupuleux des franchiseurs qui n’hésitent pas à annoncer des chiffres extravagants sur la rentabilité de leur concept, tout en sachant très bien que malgré son parcours, qui n’a en général rien à voir avec le marché concerné, le candidat à la franchise n’a aucun moyen d’en vérifier la réalité puisqu’il n’a pas accès aux informations du réseau. Les franchiseurs ne peuvent pas fuir leurs responsabilités lorsqu’ils vantent les mérites de leur concept pour y faire investir les franchisés.