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      Erreur sur la rentabilité, une bombe contre les franchiseurs?

      Tribune publiée le 7 novembre 2011 par Rémi DE BALMANN
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      L’arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2011 ne passe décidément pas inaperçu : voici la réaction d’un avocat des franchiseurs, qui s’efforce de désamorcer la « bombe » lancée, selon lui, par ses consœurs Monique Ben Soussen et Nathalie Castagnon.

      A lire les premiers commentaires de l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 4 octobre 2011 rendu dans une affaire opposant le mandataire liquidateur d’une société  franchisée à une enseigne de supermarchés de papeterie et de produits de bureau, les franchiseurs pourraient frémir !

      Ainsi donc, la non réalisation par le franchisé des prévisions fournies par le franchiseur deviendrait une cause automatique d’annulation des contrats, puisqu’aussi bien – nous dit-on – cette solution serait « indépendante du comportement du franchiseur » et qu’« il suffirait d’établir un écart significatif entre prévisions et résultats pour justifier la nullité pour erreur » ?

      Pas la première fois qu’un contrat est annulé sur le terrain de l’erreur

      Souvenons-nous cependant tout d’abord que ce n’est pas la première fois qu’un contrat de franchise serait annulé sur le terrain de l’erreur, indépendamment du dol.

      Ainsi et en date du 26 janvier 2001, la Cour d’Appel de Paris – après avoir relevé que le franchisé « s’était déterminé à partir de comptes prévisionnels comportant des erreurs manifestes » – avait bel et bien jugé que « s’il n’est pas prouvé que (le franchisé) a été volontairement trompé par son cocontractant lors de la signature du contrat, force est de constater que (…) son consentement a été vicié par une erreur qui porte sur la substance même du contrat puisque les conditions de ce contrat ne permettaient pas l’exploitation normale de la franchise qui en était l’objet ». (C.A. Paris, 26/01/01, JurisData 2001-151449).

      Et la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel, en considérant que lorsque le franchiseur va au-delà de l’obligation légale d’information précontractuelle – en fournissant par exemple une étude du marché local – il se doit tout autant d’être sincère et loyal (Cass. Com, 11/02/03, pourvoi N° 01-03.932).

      La discussion reste ouverte devant la juridiction de renvoi

      Faut-il prétendre aujourd’hui que la Cour de Cassation irait plus loin et ferait peser sur le franchiseur une obligation de résultat !

      Ce serait oublier que ce qui est reproché à la cour d’appel, c’est de n’avoir pas recherché « si le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l’activité entreprise ».

      La discussion reste donc ouverte devant la juridiction de renvoi, la charge de la preuve étant en quelque sorte inversée et pesant sur le franchiseur, eu égard aux spécificités de l’espèce.

      Dès lors que « les résultats de l’activité du franchisé s’étaient révélés très inférieursaux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire », il ne suffisait pas à la cour d’appel d’énoncer que « le seul fait qu’un écart soit effectivement apparu entre les prévisions de chiffre d’affaires telles qu’indiquées par le franchiseur et les résultats concrets nés de l’exploitation poursuivie par la société (franchisée) ne saurait, en aucune façon, être démonstratif, à lui seul, de l’insincérité ou du manque de crédibilité des chiffres et documents fournis par la société (franchiseur) ».

      Encore faut-il démontrer – aujourd’hui comme hier – que le projet n’était pas immanquablement voué à l’échec, le franchiseur se devant de justifier de succès dans des zones comparables et à partir des chiffres d’affaires moyens réalisés par d’autres franchisés du réseau et – plus encore – faire ressortir les éléments explicatifs de l’insuccès du franchisé.

      Aussi bien et même en présence d’un fort écart entre le prévisionnel et le réalisé, un franchiseur devrait échapper à l’annulation du contrat dès lors qu’il établirait que, par exemple, le franchisé n’aurait pas effectué les apports qu’il prétendait réaliser dans la phase de démarrage de son activité ou qu’il ne se serait pas investi comme il se devait dans son activité.

      En franchise, tout demeure affaire d’espèces et rien ne doit être garanti – pas plus au franchiseur qu’au franchisé – qui ne procède des mérites de chacun.

      A lire aussi sur le sujet : le point de vue de Me Monique Ben Soussen

      Le point de vue de Me Nathalie Castagnon

      Le point de vue de Me Serge Méresse