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      Foncia et la franchise : pourquoi çà n’a pas marché ?

      Tribune publiée le 27 octobre 2015 par Jean-Pierre PAMIER
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      On ne gère pas un réseau de franchisés comme un réseau de succursales. Et faire coexister les uns et les autres nécessite des compétences et une volonté particulières. Le groupe Foncia les détenait-il ?

      Deux ans après avoir fait face à la révolte d’une partie de ses franchisés, le groupe Foncia a manifestement cessé de recruter des partenaires. Le site Internet de l’enseigne n’invite plus les entrepreneurs à devenir franchisés Foncia. Et la direction du groupe nous a fait savoir qu’elle ne « souhaitait pas communiquer » sur le sujet.

      Créé en 1972, Foncia est l’exemple même de la réussite dans le secteur des syndics et administrateurs de biens. En 2006, alors qu’il compte déjà  plus de 500 succursales en France, le groupe s’ouvre à la franchise. Avec comme objectif de se développer sur le marché – à cette époque en pleine forme – des transactions immobilières.

      En 2008, le groupe fédère 130 agences franchisées (sur 550 revendiquées en France). Mais le réseau de franchisés ne cessera plus, par la suite, de décroître : 117 unités fin 2009, 103 en 2010 lors de l’arrivée des fonds d’investissement Eurazeo et Bridgepoint, 102 en 2011 et finalement 95 en 2013, appartenant à 87 franchisés.

      Bien sûr, la crise immobilière a sévi. Tout le secteur a été touché, y compris les grandes chaînes de franchise pure. Mais le réseau Foncia affirme aujourd’hui compter plus de 600 établissements en France. Il n’a donc que faiblement été impacté.
      En revanche, le réseau de franchisés, lui, a fortement reculé.
      Rappelons que le groupe a annoncé, en juin 2013, sa volonté de ne pas renouveler les contrats de franchise de 43 de ses franchisés (sur des territoires qui intéressaient la marque). Il en restait toutefois 44… Et Foncia communiquait encore fin 2013 sur ses intentions d’ouvrir à l’avenir « 30 à 40 unités franchisées par an » pour « atteindre les 300 en France en 2020« .
      Or, on en est très très loin aujourd’hui, avec, selon d’ex-franchisés, pas plus d’une vingtaine de franchisés sous enseigne et quelques licences de marque

      Le clash de 2013 : une erreur de management ?

      Que s’est-il passé ? Pourquoi la greffe n’a-t-elle pas pris ? Pourquoi, à terme, la franchise aura-t-elle été un échec pour ce réseau, alors même que, pour la plupart des franchisés, l’activité était plutôt rentable ?
      A l’évidence, la manière dont les décisions ont été présentées en 2013, a joué un rôle très négatif.  Annoncer en bloc, à la moitié des franchisés, que leur contrat ne serait pas renouvelé une fois parvenu à son terme, a déclenché leur révolte.
      La direction s’est défendue en mettant en avant le fait qu’elle prévenait ses partenaires à l’avance, parfois plusieurs années avant l’échéance, leur laissant ainsi le temps de se retourner.
      Mais cela n’a pas été vécu comme tel par les franchisés ciblés. Qui y ont vu une volonté de récupérer les fruits de leur travail sur leurs territoires.
      Il est vrai qu’en droit, aux termes d’un contrat de franchise, chacune des parties peut parfaitement décider de ne pas le renouveler – et ce, sans avoir à se justifier. De même, on peut admettre que toute tête de réseau qui pratique la franchise peut décider, à un moment donné de son histoire, de changer de stratégie pour l’avenir. Mais il y a la manière.

      En l’occurrence, les franchisés avertis se sont sentis « coincés ». Dans l’incapacité de rebondir à la fin de leur contrat. D’autant qu’une clause les empêchait de fait de continuer leur activité sur leur zone pendant un an après la séparation.
      Si Foncia avait accepté de lever cette clause, leur réaction publique, les assignations, les procès auraient peut-être été évités. Mais ce n’est pas cette voie qui a été suivie.
      On imagine aussi ce qu’ont ressenti les franchisés Foncia non directement visés par le courrier de juin 2013. Pas de quoi les motiver !
      Il y a eu, au minimum, erreur de management de la part de Foncia. A moins que la volonté des fonds d’investissement propriétaires de l’enseigne depuis 2010 ait été alors, comme l’ont estimé les franchisés rassemblés dans leur groupement de défense, de leur faire peur à tous et de démanteler en fait le réseau franchisé.(*)

      Faut-il se méfier des succursalistes ?

      Quoi qu’il en soit, cette phase n’explique pas tout.
      L’erreur la plus profonde est plus ancienne. Et tient à la place accordée aux franchisés dans le réseau. En tout cas  au ressenti des franchisés sur le sujet. Bien sûr, ce ressenti ne s’est pas exprimé à l’extérieur avant le clash de 2013. Mais il l’a été ensuite devant la justice.
      Telle qu’elle apparaît à la lecture des jugements déjà rendus, la liste des reproches adressés à Foncia par les franchisés remerciés est longue. Mais peut se résumer en une phrase : ils n’ont pas eu le sentiment qu’on leur accordait la même place qu’aux succursales. Qu’il s’agisse de transfert des savoir-faire en matière de gestion immobilière et de copropriété, de partage des fichiers ou plus généralement de synergie réseau.
      Et c’est sans doute là qu’il faut chercher les causes de l’échec de la franchise chez Foncia.
      Non que cet échec soit intrinsèque à l’origine et à la culture des succursalistes – d’autres réseaux voient coexister une majorité de succursales et une minorité de franchisés- ;  mais sans doute parce que, dans ce cas, les  ajustements nécessaires n’ont pas été décidés à temps.
      A ce jour, le conflit entre une partie des franchisés Foncia et leur tête de réseau  n’est pas encore terminé sur le plan judiciaire. Mais il l’est sur le plan économique et humain. Et par la négative.

      Cela ne veut pas dire que les succursalistes qui souhaitent s’ouvrir à la franchise doivent passer leur chemin. Cela veut dire que – surtout si leur réseau de succursales est déjà très important – ils ont tout intérêt, avant de devenir franchiseur, à connaitre les règles et, ensuite, à jouer vraiment le jeu de la franchise. C’est à dire entre autres à bien comprendre les attentes des franchisés.
      Cela ne veut pas dire non plus que les candidats à la franchise doivent, a priori, se méfier des succursalistes. Cela veut dire qu’ils doivent s’assurer à l’avance de la place qui leur est faite dans ce type de réseau.  Et vérifier que les promesses contenues sur les plaquettes commerciales et les sites Internet des enseignes pour vendre leur franchise aux entrepreneurs sont bien suivies d’effet dans la pratique.
      Ceci, on le voit, nécessite de la part de la tête de réseau une compétence et une volonté particulières. Surtout quand, comme c’est souvent le cas, cette tête est elle-même dépendante, voire entièrement contrôlée par des fonds d’investissement. Qui, certes, connaissent de plus en plus la franchise et ses règles, mais ont aussi parfois des intérêts propres qui peuvent en diverger.

      (*) Depuis la parution de cet article de 2015, les fonds d’investissement Eurazeo et Bridgepoint ont, en juillet 2016, revendu Foncia au suisse Partner’s Group pour plus de 1,8 milliard d’euros. Ils l’avaient payé 1 milliard en 2011. Un « très beau retour sur investissement » mis sur le compte d’une « stratégie dynamique reposant sur la croissance externe », selon un communiqué des deux fonds.