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      Clauses de non-affiliation et non-concurrence post-contractuelles

      Tribune publiée le 18 janvier 2011 par Serge MERESSE
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      D’un avis tout à fait différent de son confrère Hubert Bensoussan, Maître Serge Meresse estime que l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 septembre 2010 qui distingue les clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles en franchise ne contredit pas son opinion, selon laquelle les deux clauses sont « comme des soeurs siamoises »… Rédigé avant l’avis de l’Autorité de la Concurrence en date du 7 décembre 2010, ce texte montre de nombreuses similitudes dans l’argumentation avec celle de l’ADC concernant la grande distribution alimentaire…

       Dans un arrêt du 28 septembre 2010 la Cour de Cassation distingue la clause de non-affiliation de la clause de non-concurrence post-contractuelle en ces termes : La clause de non concurrence « a pour objet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte »  alors que la clause de non affiliation « se borne à restreindre sa liberté d’affiliation à un autre réseau ».

      Pour avoir assimilé une clause de non-affiliation à une clause de non-concurrence, l’arrêt de la Cour d’appel de Caen est cassé au visa de l’article 1134 du code civil qui dispose en son alinéa 1 que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

      Si cette décision est logique en ce sens que la clause de non-affiliation n’est pas automatiquement assimilable à une clause de non-concurrence, elle appelle néanmoins une réserve liée aux effets de ces clauses car s’ils sont identiques, autrement dit, si la non-affiliation a aussi pour effet de limiter l’exercice par le franchisé d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu’il quitte et va donc au-delà d’une simple restriction à la liberté d’affiliation, l’on ne voit pas pourquoi le juge ne requalifierait pas la clause de non-affiliation en clause de non-concurrence, comme l’article 12 du code de procédure civile lui en donne le droit.

      Cela étant, en précisant que l’objet de la non-affiliation est de restreindre la liberté d’affiliation à un autre réseau, la Cour de Cassation dit aussi qu’elle ne doit pas avoir pour effet d’empêcher l’ancien franchisé de poursuivre librement l’exploitation de son fonds de commerce, y compris en exerçant une activité similaire ou analogue à celle qui était la sienne lorsqu’il était encore franchisé, car cette restriction est celle de la non-concurrence.

      Egalement, en présence d’une clause de non-concurrence valable, l’ex- franchisé devra sans doute modifier son activité pour qu’elle ne soit plus similaire ou analogue à celle qu’il exerçait avant mais il aura le droit de s’affilier un autre réseau dont le savoir-faire sera différent.

      Pour autant, il ne faut pas déduire du récent arrêt de la Cour de Cassation que les clauses de non-affiliation seraient d’usage plus facile que les clauses de non-concurrence.

      En premier lieu, la Cour n’a pas statué sur les conditions de validité de la clause de non-affiliation mais elle s’est limitée à en donner une définition. Cette clause « se borne à restreindre la liberté d’affiliation à un autre réseau. »

      En second lieu, la clause de non-affiliation ayant, comme la clause de non-concurrence, pour effet d’interdire au franchisé, directement ou indirectement d’acheter et de revendre des biens ou services à l’expiration du contrat, se trouve, elle aussi, soumise aux règles du droit Communautaire et au droit de la concurrence.

      Ainsi, dans un arrêt du 17 janvier 2006, la Cour de Cassation rappelait au visa de l’article 3 du règlement CE 4087/88 applicable à l’époque, que la clause de non-affiliation stipulée dans un contrat de franchise n’était licite qu’à la condition qu’elle soit limitée dans le temps (sans durée) et l’espace (sans restriction du périmètre) et qu’elle n’interdise pas au franchisé l’exercice d’une activité commerciale identique.

      Le 10 janvier 2008 la Cour de Cassation annulait une clause d’ « interdiction d’affiliation à un réseau concurrent (parce qu’elle) n’était pas proportionnelle à la sauvegarde des intérêts du franchiseur » et que la liberté laissée au franchisé d’exercer son activité hors de tout réseau « apparaissait purement formelle ». Et dans ce même arrêt qui statuait aussi sur une clause de non-concurrence post-contractuelle, la Cour conditionnait sa validité « à l’existence d’un savoir-faire transmis par le franchiseur…au caractère proportionné de l’interdiction faite au franchisé au regard des intérêts du franchiseur » mais aussi, et c’est à souligner, au fait « que l’avantage économique » apporté par l’originalité du savoir-faire devait être établi « avec certitude » par le franchiseur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, de sorte que la clause fut annulée.

      Dans un autre arrêt du 9 juin 2009, la Cour de Cassation conditionnait la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, au visa de l’article 5 du règlement CE 2790/99, à sa limitation dans le temps (avec un maximum d’une année) et dans l’espace (aux seuls locaux ou terrains à partir desquels le contrat s’est exécuté) mais aussi à la condition qu’elle soit « indispensable à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré » par l’ancien franchiseur, cette dernière condition étant déjà posée par la Cour dans un arrêt antérieur du 18/12/2007.

      Le 24 novembre 2009 la Cour de Cassation, statuant sur une clause de non-concurrence, conditionnait sa validité aux mêmes conditions de limitation de temps et de lieu avant de préciser qu’elle devait aussi être « proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat ».

      L’arrêt du 28 septembre 2010 ne remet pas en cause cette jurisprudence qui annule les clauses de non-concurrence ou de non-affiliation dès lors qu’elles ont pour effet de limiter la liberté du franchisé à l’expiration du contrat, sauf si elles sont limitées à une année, qu’elles sont limitées aux seuls locaux ou terrains à partir desquels le contrat a été exécuté, qu’elles sont indispensables et proportionnées à la protection du savoir-faire transféré et qu’elles ne concernent que les biens et services en concurrence avec ceux du contrat expiré.
      A défaut, la clause de non-concurrence comme la clause de non-affiliation encourt la nullité.

      Nous relèverons aussi que dans ses arrêts la Cour de Cassation retient deux exigences pour valider ce type de clause. La première est que le savoir-faire à protéger doit exister, qu’il doit avoir été transmis et qu’il doit avoir apporté un avantage économique au franchisé. La seconde exigence étant que ces clauses de non-affiliation et de non-concurrence post-contractuelles doivent être proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l’objet du contrat.

      De non-affiliation ou de non-concurrence, les clauses restrictives d’activité imposées par les franchiseurs à l’issue d’un contrat de franchise ne sont pas d’application automatique. Leur validité est soumise au contrôle du juge et leur analyse entrainera celle du savoir-faire dont la protection, seule, peut justifier leur validité.

      Sur ce dernier point, il est intéressant de rappeler la décision du Conseil de la Concurrence du 25 juillet 2007 qui avait annulé une clause de non-concurrence post-contractuelle précisément parce que le savoir-faire du franchiseur étant spécifique, il ne pouvait pas être utilisé par d’autres marques, de sorte que la clause de non-concurrence invoquée pour le « protéger » était sans fondement, donc abusive, et s’apparentait plus à une « clause sanction » destinée à empêcher le franchisé de quitter le réseau.

      Lire aussi sur le sujet:

      Gilbert Mellinger : Non-concurrence, des clauses qui protègent les franchisés