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      Que vaut fonds de commerce sans l’enseigne du franchiseur ?

      Tribune publiée le 22 février 2012 par Monique BEN SOUSSEN
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      Combien vaut le fonds de commerce d’un franchisé, concessionnaire, commissionnaire-affilié à la fin de son contrat, si la tête de réseau ne lui renouvelle pas le bénéfice de son enseigne et n’est pas intéressée par une opération de reprise ? Le point de vue de l’avocate Monique Ben Soussen.

      La question est d’importance, que vous souhaitiez continuer l’exploitation ou  vendre votre entreprise. Une question qui en appelle immédiatement une autre, essentielle : les clients sont-ils attachés avant tout à l’enseigne ou fidèles au commerçant ?

      La Cour de cassation a une position claire : le franchisé et le commissionnaire-affilié détiennent une clientèle locale qui leur reste attachée, pour leurs qualités propres, après le retrait de l’enseigne.

      Cette position a eu le mérite de protéger les commerçants indépendants dans le cadre des conflits rencontrés avec leur bailleur. Propriétaires d’une clientèle locale ils avaient droit à la propriété commerciale et pouvaient donc bénéficier des dispositions protectrices du décret de 1953. En clair congé valait indemnisation !

      La théorie et la pratique

      La réalité est plus nuancée que la position de la Cour de cassation. Que se passe-t-il concrètement à la fin du contrat lorsque le distributeur perd le bénéfice de l’attractivité de l’enseigne ?

      Tout dépend d’abord du secteur. Dans les services à la personne, par exemple, il va de soi que la relation qui se noue progressivement entre le commerçant et ses clients est fondamentale. La perte de l’enseigne, dans ce cas, n’aura pas nécessairement de conséquences dramatiques pour l’affilié qui a su fidéliser une clientèle locale.

      Dans la commercialisation des produits et en particulier dans le prêt-à-porter en revanche, c’est l’enseigne qui draine la grande majorité de la clientèle, si bien que le fonds sans enseigne perd une partie significative de sa valeur.

      Il est fréquent que le commerçant indépendant qui souhaite revendre son fonds soit contraint de le céder en droit au bail : car les acquéreurs ne partagent pas nécessairement l’avis de la Cour de cassation et sans enseigne la valeur du fonds chute … encore plus lorsque l’ancien fournisseur se réinstalle à quelques dizaines de mètres.

      La position de la Cour de cassation, qui distingue une clientèle nationale liée à l’enseigne et une clientèle locale, partie intégrante du fonds de commerce du franchisé, apparaît ainsi bien théorique.

      Une loi est nécessaire

      Une position d’autant plus regrettable qu’elle a une conséquence concrète : le refus de toute indemnité de rupture, notamment en matière de commission-affiliation.

      Une approche plus nuancée, tenant compte des contraintes réelles pesant sur l’exploitant, permettrait d’aboutir à une solution plus équitable.

      Le commerçant du XXIe siècle est pris en sandwich entre :

      • Les exigences du consommateur qui souhaite une uniformité des produits et des prix ;

       

      • La volonté du fournisseur de contrôler les prix de revente ;

       

      • La position de la cour de cassation.

      Sa liberté est grignotée de tous les côtés, tout comme sa marge, mais il reste théoriquement propriétaire de sa clientèle qui le fuira dès que l’enseigne aura été baissée.

      Il aura ainsi effectué des investissements considérables pour développer la clientèle de l’enseigne, clientèle qui peut lui être retirée du jour au lendemain.

      Seul le législateur a les moyens de protéger efficacement celui qui met son talent, son argent et son travail au service d’un autre. A la fin du contrat le distributeur doit percevoir une indemnité de clientèle calculée sur le chiffre d’affaires réalisé au cours de la dernière année ou des deux dernières années d’exécution. En effet il est légitime que le fournisseur indemnise le distributeur pour la clientèle que celui-ci a crée et qu’il récupère.

      La position actuelle de la jurisprudence est artificielle et ne prend pas en compte la réalité économique. Il est temps que le droit protège efficacement le distributeur.