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      Franchiseur associé de la société franchisée : rappel des limites

      Tribune publiée le 24 avril 2013 par Florian DE SAINT-POL
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      Quelles règles le franchiseur associé minoritaire de la société franchisée doit-il respecter ? Quelles sont les limites à ne pas franchir ? C’est ce que rappelle opportunément selon l’auteur, avocat, un récent arrêt de la Cour de cassation.

      Dans de nombreux réseaux de franchise, le contrat prévoit que le franchiseur entrera au capital du franchisé, parfois seulement à hauteur d’une part sociale. Ce procédé est utilisé par les têtes de réseau afin d’avoir un droit de regard sur la gestion de la société franchisée (tout associé, même ultraminoritaire, peut participer aux assemblées, auxquelles il doit être régulièrement convoqué), mais surtout d’obtenir communication des comptes annuels et du rapport de la gérance.

      Par un arrêt du 19 mars 2013 (n°12-16910), la Chambre Commerciale de la Cour de cassation effectue un opportun rappel des règles à respecter par le franchiseur associé minoritaire de la société franchisée. L’espèce est la suivante : un franchisé met un terme anticipé à son contrat de franchise. La résiliation est acceptée par le franchiseur, qui renonce ainsi à se prévaloir de la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat. La société franchisée, quant à elle, est détenue à 74% par le franchisé et sa famille, et pour le solde par une filiale du franchiseur.

      Quand le franchiseur dispose d’une minorité de blocage

      L’objet social de la société franchisée était limité à l’exploitation du concept du franchiseur. Le contrat résilié, la société souhaitait naturellement poursuivre une activité concurrente de celle du franchiseur. Il était donc nécessaire de modifier l’objet social de la société, et c’est à ce stade que les difficultés sont apparues. La majorité des trois quarts était en effet nécessaire à l’adoption de la modification statutaire. Il est inutile de préciser que le franchiseur voyait d’un mauvais œil la naissance d’un concurrent direct. Il s’est donc abstenu de participer à l’assemblée, si bien que la modification statutaire n’a pu être adoptée, interdisant de ce fait à l’ancienne société franchisée d’exploiter sa nouvelle activité. Rappelons en effet que la filiale de la société franchiseur détenait 26 % des parts sociales, et disposait donc à ce titre d’une minorité de blocage.

      La filiale de la société franchiseur assigne ensuite la société franchisée, dont elle sollicite le prononcé de la dissolution pour justes motifs. Cette attitude particulièrement déloyale de l’associée minoritaire est sévèrement sanctionnée par la cour d’appel, suivie sur ce point par la Cour de cassation.

      La filiale du franchiseur critiquait l’arrêt d’appel sur plusieurs points, dont deux seulement nous intéressent ici :

      • selon l’associée minoritaire, la cour d’appel n’aurait pas tenu compte de la volonté légitime de la société franchiseur de protéger son savoir-faire;

       

      • la cour d’appel n’aurait pas non plus répondu à la question portant sur le point de savoir si la mésentente entre associés ne rendait pas nécessaire la dissolution de la société franchisée;

       

      Certaines limites à ne pas dépasser

      La Cour de cassation valide l’analyse de la cour d’appel. Elle précise notamment que l’associée minoritaire n’a pas fait valoir son propre intérêt, mais celui de la société franchiseur dont elle est une filiale. Mais surtout, elle indique que la société franchiseur est « intéressée en tant que concurrente à la disparition de [la société franchisée] et par esprit de lucre égoïste, à une liquidation dont elle espérait retirer une très substantielle plus-value ».

      Il est en effet certaines limites à ne pas dépasser. C’est justement que le franchiseur a été sanctionné. Son attitude envers la société franchisée était en effet particulièrement hypocrite. Le franchiseur accepte tout d’abord la résiliation du contrat de franchise et renonce à se prévaloir de la clause de non-concurrence post-contractuelle, laissant ainsi croire à la société franchisée qu’elle pourra poursuivre son activité sous sa propre enseigne. Dans un second temps et via sa filiale associée, le franchiseur bloque le fonctionnement de la société franchisée, interdisant de facto à celle-ci d’exploiter une activité qu’il avait quelques temps auparavant autorisée.

      La Cour de cassation rappelle ici que le franchiseur ne peut pas nuire impunément à son franchisé, et que tout ne lui est pas permis. Un sain rappel des règles de bonne conduite que certains franchiseurs semblent parfois oublier…

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