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      Licence de marque : une « verrue » dans l’univers du commerce organisé ?

      Tribune publiée le 25 juin 2014 par Olivier DESCHAMPS
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      Les contrats de licence de marque prolifèrent, constate l’auteur, avocat spécialiste de la franchise. Pourtant, explique-t-il, la mise à disposition d’une marque ne répond pas à l’ensemble des besoins du candidat qui souhaite créer son entreprise en rejoignant un réseau.

      Les contrats de licence de marque prolifèrent. « Vous comprenez Cher Candidat, nous préférons un système plus souple, moins contraignant … » (1) Pourtant, de notre point de vue, ce type de proposition de contrat constitue une « verrue » dans l’univers du commerce organisé et de la distribution en réseau.

      Qu’est-ce qu’un contrat de licence de marque ? La mise à disposition d’une marque (point final)(2).
      C’est une omelette nature. Ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais si l’on ajoute fromage et pommes de terre, ce n’est plus une omelette nature …

      Et c’est ici qu’il existe une ambiguïté : pour le candidat comme pour le « licencieur« .

      • Pour le candidat qui pense bénéficier d’autres éléments que la seule marque. Cela lui est d’ailleurs promis ; mais pourquoi alors ne pas l’écrire ?
      • Pour le « licencieur » qui croit être à l’abri de toute difficulté (car il a restreint ses obligations) et de toute requalification (car on ne l’a pas suffisamment alerté).

       

      Quels sont les besoins du candidat qui souhaite rejoindre un réseau ?

      Revenons aux fondamentaux, non pas à partir de définitions juridiques, mais en se demandant ce dont a besoin un candidat qui souhaite créer son entreprise en rejoignant un réseau :

      • Une marque – enseigne accompagnée des signes distinctifs du réseau : OUI pour gagner du temps en notoriété et dans la captation de la clientèle.
      • Un savoir-faire : OUI pour profiter d’une expérience expérimentée.
      • Une collection de produits ou de services : OUI pour une image de marque commune.
      • Une assistance : OUI pour bénéficier de la force d’un réseau et du renouvellement de l’offre.

      Si ces 4 éléments figurent, même en filigrane (l’organisation d’une formation traduit par exemple l’existence d’un savoir-faire) dans un contrat de licence de marque … c’est du « Canada Dry », bref une relation de franchise qu’un Tribunal pourra requalifier.

      La mise à disposition d’une marque est-elle suffisante ?

      Mais s’il n’y a pas ces éléments, ce peut être effectivement un contrat de licence de marque … à la condition qu’il n’y ait que la marque mise à disposition ; mais est-ce suffisant dans le commerce moderne ? NON, et en plus c’est aberrant s’il s’agit de développer un réseau.

      1. Aberration car l’on ne développe pas de façon pérenne un réseau sur du sable ; sans savoir-faire transmis, point de fondations solides,
      2. Aberration car il est supprimé des éléments déterminants dans le succès envisagé du partenaire et dans le respect de l’image du réseau : le savoir-faire et l’assistance,
      3. Aberration surtout car la jeune « tête de réseau » va mettre à disposition de son partenaire l’élément qui est le plus faible à son stade de développement : la marque. Cette marque – enseigne, ce qui est logique, ne bénéficie d’aucune notoriété puisque le réseau est à son démarrage. Et c’est elle que l’on met en avant, que l’on propose avec force et contreparties financières …

      La formule de « franchisé pilote » : une solution pour les nouveaux concepts

       

      Si l’on écarte l’usage d’un contrat de licence de marque, que faire pour un nouveau concept ?

      Nous comprenons fort bien qu’un jeune réseau, au démarrage de son développement, hésite à revendiquer un savoir-faire abouti, l’assistance d’une équipe structurée…

      Des solutions existent pourtant dès l’instant que l’on ne travestit pas une réalité et à la condition que celle-ci soit connue et acceptée du candidat : une formule de type « franchisé pilote« (3) est l’une des solutions.

      Ce contrat, qui se rédige avec réflexion et minutie, permet la mise à disposition d’une marque – enseigne – qui n’a sans doute pas encore une forte notoriété ; d’un savoir-faire – qui n’est peut-être pas totalement formalisé et qui par nature est perfectible ; d’un approvisionnement qui n’a pas encore été calibré pour cinquante unités ; d’une assistance qui bien souvent se définit et s’organise au cours de la relation contractuelle.

      Le fondamental est que le candidat soit conscient de cette situation loin d’être atypique qui lui permettra de bénéficier d’avantages financiers et d’être personnellement valorisé grâce à son propre retour d’expérience.

      Cette équation « contractuelle » s’explique, se comprend et se justifie.

      Elle est à mille lieux de la leçon narrée par Jean de La Fontaine dans la « grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf » : un jeune franchiseur doit mettre en avant ses atouts, sans prétendre ou proposer ceux qu’il n’a pas encore.

      (1) Sous-entendu ou affirmé : « que la franchise ».
      (2) En distribution, un contrat de licence de marque permet la mise à disposition d’une forte notoriété généralement pour valoriser un produit : des chaussettes pour enfants bénéficiant d’une licence de marque Tintin ou Astérix.
      (3) Qui ne remplace pas la nécessité pour le franchiseur de développer une expérience pilote dans le cadre de points de vente en propre.