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      Loyauté et prévisionnels

      Tribune publiée le 22 mai 2015 par Serge MERESSE
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      L’auteur, défenseur des franchisés, réagit à l’étonnement affiché par les avocats de franchiseurs devant la sévérité de plusieurs décisions rendues récemment contre eux, en matière de prévisionnels. Pour lui, la tête de réseau doit assumer ses responsabilités en cas d’échec d’un franchisé.

      Les franchiseurs sont curieux : ils attirent les franchisés avec des documents pour démontrer la rentabilité de leur franchise, mais ils refusent d’en assumer la paternité et la responsabilité lorsque leurs études de marché ou leurs prévisionnels ont surévalué le marché local réel.

      Les chiffres d’affaires communiquées, qu’ils soient volontairement « gonflés », ou pas, ont toujours pour but de convaincre le franchisé de la pertinence de l’investissement qui lui est proposé.

      Les prévisionnels fondent la signature du contrat de franchise

      Les études de marché et les prévisionnels des franchiseurs fondent la signature du contrat de franchise, les emprunts bancaires, l’acceptation de se soumettre au franchiseur pendant 5, 10 voire 25 ans. Et si le franchisé accepte de payer un droit d’entrée, des redevances, de se fournir auprès du franchiseur ou de ses fournisseurs référencés au risque de ne pas bénéficier de bons prix d’achat pour cause de marges arrières dissimulées, c’est parce que les études de marché et les prévisionnels démontrent la rentabilité de la franchise.

      Mais si le franchisé ne réalise pas le chiffre d’affaire prévisionnel, s’il ne peut même pas se rémunérer, s’il doit financer l’exploitation déficitaire par des apports en compte courant, s’il doit payer au franchiseur des sommes qui sont ses pertes, s’il doit déposer son bilan et vendre ses biens pour payer les banques dont il est caution, et en dehors de toute faute de gestion de sa part, je pense qu’il est normal que le franchiseur assume les conséquences de sa faute parce qu’elle est à l’origine des dégâts provoqués. C’est une question de responsabilité contractuelle ou délictuelle mais aussi le prix de la confiance qui a été trompée.

      Si la forte notoriété d’un franchiseur renforce la confiance du franchisé dans le sérieux des informations remises, la jeunesse d’un autre doit renforcer sa prudence dans les informations chiffrées qu’il communique. Simple question d’honnêteté et de loyauté.

      Le franchiseur doit assumer les conséquences de sa faute

      Les acteurs qui défendent les intérêts des franchiseurs s’étonnent souvent de la rigueur de certaines décisions rendues contre eux, comme si le statut de franchiseur devait bénéficier d’une présomption d’innocence, tandis que le franchisé en échec sera présenté comme un incompétent responsable de sa ruine. Sans entrer dans ce schéma réducteur, il faut rappeler que le franchiseur détient et contrôle le pouvoir décisionnel, juridique, économique, commercial, financier et stratégique de l’entreprise franchisée. C’est la fonction du contrat de franchise. Il n’est donc pas anormal que le franchiseur assume les conséquences de l’échec subi par le franchisé qui a respecté les directives qui lui étaient imposées au nom du savoir-faire, à la condition, bien sûr, que l’échec ne soit pas dû à la mauvaise gestion du franchisé.

      Alors oui, les études de marché que le franchiseur doit réaliser et les comptes d’exploitation prévisionnels qu’il remet, ou qu’il documente, et qu’il valide, doivent être sérieux, réalistes, prudents et justifiés. L’expérience prouve d’ailleurs que la plupart des échecs subis par les franchisés ont pour origine des études de marché et des comptes d’exploitation prévisionnels surévalués.
      Et l’importante jurisprudence construite sur ces questions ne fait que témoigner de cette réalité.

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