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      Obligation de reclassement d’un salarié au sein d’un réseau de franchise

      Tribune publiée le 18 février 2016 par Jean-Baptiste GOUACHE
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      Commentant une décision récente, les auteurs, avocats, soulignent que le franchisé doit respecter l’obligation de de reclassement inscrite dans le Code de travail. Et que le périmètre du reclassement peut être élargi aux autres membres du réseau.

      Par Maître Jean-Baptiste GOUACHE, avocat au barreau de Paris, membre du Collège des experts de la FFF.

      Et Maître Jérôme LE HEC, avocat à la cour, Gouache Avocats

      Suite à un accident du travail une salariée d’un franchisé McDonald’s est déclarée inapte à son poste d’employée de restauration. Le médecin du travail déclare toutefois qu’elle pourrait occuper un poste d’emploi de bureau avec possibilité de changer de position.

      L’employeur, considérant qu’il existait une impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise, procède au licenciement de l’employée.

      Cette obligation de reclassement résulte de l’article L. 1226-10 du Code du Travail qui prévoit :

      « Lorsque (…) le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

      Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

      L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »

      L’employée contestait le licenciement et a saisi le Conseil de prud’hommes de Montauban, qui a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

      Le périmètre du reclassement peut être élargi aux autres membres du réseau

       

      Saisie en appel, la Cour considère que « faute par l’employeur d’apporter des éléments démontrant l’impossibilité de permutation, le périmètre du reclassement devait être élargi aux autres membres des franchisés McDonald’s« .

      La Cour d’Appel relève en effet dans les motifs que la décision que « l’activité dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilité de permutation du personnel et ce, alors même que les entreprises d’un même réseau ont nécessairement une organisation et des éléments communs« . L’organisation et l’existence d’éléments communs s’induit de la nature même du réseau : la réplication de normes qui sont communes à tous ses membres et une standardisation des activités et des organisations.

      Le franchisé ne justifie pas au cas d’espèce d’une recherche loyale et sérieuse, considérant qu’il devait limiter ses recherches à sa seule entreprise, étant un franchisé, société indépendante du groupe McDonald’s. Il n’établit pas l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de procéder au reclassement. Il n’a donc pas satisfait à l’obligation de reclassement. Le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse.

      Le franchisé doit respecter l’obligation de proposition de reclassement

       

      Cette solution n’est pas nouvelle, les tribunaux ayant déjà considéré que le franchisé devait respecter l’obligation de proposition de reclassement imposée par le Code du travail en cas de licenciement économique en proposant au salarié concerné un poste dans un autre point de vente du réseau de franchise (CA Montpellier, 17 sept. 2014, n° 13/02988, n° 13/02991, n° 13/02989).

      La recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment doit en effet s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation et le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

      La recherche doit donc porter sur les diverses sociétés sous contrat de franchise s’il existe des permutations de personnel entre les sociétés relevant de cette franchise (Cass. soc., 20 févr. 2008, n° 06-45335). La Cour d’Appel rappelle au cas d’espèce que le groupe de reclassement peut être indépendant des relations capitalistiques entre différentes sociétés, les possibilités de reclassement pouvant résulter de simples relations de partenariat.

      Le groupe de reclassement peut être indépendant des relations capitalistiques entre différentes sociétés

       

      Certaines décisions ont certes pu donner des solutions, dans le cas de coopérative d’achat. Ainsi a-t-il pu être jugé (CA Lyon, 7 nov. 2014, n° 12/03940) qu’un franchisé qui licencie un salarié n’a pas à rechercher des solutions de reclassement dans l’ensemble des sociétés du groupement et notamment au sein de la coopérative d’achat à laquelle a adhéré le magasin, dès lors que les relations entre le magasin et la coopérative d’achat se limitent aux achats de produits vendus ensuite dans le magasin, les deux entreprises en cause n’ayant pas la même activité.

      Toutefois, la Cour de cassation avait rappelé qu’il appartient à l’employeur, qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement, d’en apporter la preuve (Cass. soc., 10 déc. 2014, n° 13-18.679). A ce titre elle avait rappelé que le fait que l’employeur exerce son activité dans le cadre d’un contrat de franchise n’emporte pas à elle seule la démonstration de l’absence de possibilité de permutation du personnel. Il lui appartient donc d’apporter les éléments probants sur cette possibilité ou sur l’impossibilité d’une telle permutation.

      Les entreprises d’un même réseau ont des éléments d’organisation et des éléments communs

       

      La Cour d’Appel de Toulouse a ici appliqué ce principe, en venant indiquer avec force que les entreprises d’un même réseau ont en principe des éléments d’organisation et des éléments communs.

      Il est donc fait ici une application large de la notion de groupe dans la mesure où même si les entreprises membres d’un réseau de franchise n’ont en principe aucun lien capitalistique entre elles vont être considérées comme présentant des suffisamment d’éléments communs permettant a priori un reclassement des salariés.

      Il appartiendra donc aux sociétés membres d’un réseau de franchise, ou plus généralement d’un réseau organisé, d’interroger les autres sociétés membres du groupe et de se garder la preuve de cette recherche. Ceci afin de pouvoir démontrer avoir effectué les recherches nécessaires et ne pas se voir condamnées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

      Référence : Cour d’Appel de Toulouse, 4ère Ch. Section 2 Chambre Sociale, 9 octobre 2015 (RG : 13/05919)