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      Protéger un concept de franchise : une question complexe

      Tribune publiée le 13 octobre 2010 par CASTAGNON
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      La protection des créations est soumise à des règles rigoureuses que tout inventeur d’un concept de franchise doit connaître. Exemple de l’affaire « Mort de rire », Cour d’appel de Paris du 14 janvier 2010.

      C’est la douloureuse expérience faite par les créateurs d’un concept de télé-réalité pour le téléphone mobile baptisé « Mort de rire », qu’ils avaient pris soin de consigner en un document dûment déposé auprès de la SACD (société des auteurs) à des fins de preuves.

      Le concept ainsi protégé, du moins le croyaient-ils, ils le soumettent à des clients potentiels du secteur de la téléphonie mobile, dont la société SFR.

      SFR l’étudie, mais ne donne pas de nouvelles, si ce n’est par la voie officielle en lançant sur le marché une application étrangement similaire à « Mort de rire », rebaptisée à l’occasion « SFR jeunes talents rire ».

      Le tribunal de commerce déboute les plaignants qui revendiquent la violation de leur droit d’auteur.
      Le document déposé à la SACD « ne présenterait pas de spécificité, ne saurait être qualifié de savoir-faire ni ne témoignerait d’un investissement intellectuel » selon les juges qui dénient tout droit d’auteur.

      En Cour d’appel, les inventeurs reprécisent donc leurs griefs et ne se fondent plus tant sur l’originalité du concept, notion floue et subjective difficile à établir (droit d’auteur), que sur le détournement du fruit de leurs études et travaux de recherche (concurrence déloyale).

      Raté encore. L’action en concurrence déloyale consiste au détournement d’une valeur économique d’autrui, énonce la Cour pragmatique qui s’en tient à l’examen strict de la seule preuve matérielle versée aux débats, l’écrit déposé à la SACD.

      La question se réduit donc à vérifier si ce document donne des informations utiles ayant valeur économique. Or, la Cour relève qu’il ne contient aucune donnée chiffrée susceptible d’être exploitée par SFR pour développer un projet similaire sans l’assistance des créateurs. Elle conclut que SFR n’a donc pu en tirer profit. Les plaignants sont pareillement déboutés au titre de la concurrence déloyale.

      On relèvera que dans sa rédaction, le document destiné à établir la preuve de l’invention n’a pas rempli son rôle et fut doublement défaillant.
      Sur le droit d’auteur, il n’a pas fait ressortir le caractère original du concept, notion floue et subjective difficile à établir.
      Sur le terrain de l’action en concurrence déloyale, le document n’en disait pas assez, son inconsistance ne témoignant pas d’investissements particuliers susceptibles d’un détournement illicite.

      C’est bien les insuffisances de la preuve rapportée qui fait perdre le procès, plus que le fait peu douteux que la société SFR ait repris pour l’exploiter l’idée qu’un concepteur lui a sans précautions présenté.

      On profitera de cette affaire pour rappeler quelques points aux inventeurs :

      1/ En justice la partie qui gagne n’est pas celle qui a raison mais celle qui a les preuves (article 9 du Code de Procédure Civile).

      2/ Fut-elle géniale, l’idée seule n’est pas protégeable. La Loi protège l’auteur d’un concept pour autant qu’il y ait un commencement de réalisation (Article L 111-2 du Code la propriété intellectuelle)

      3/ Avant de dévoiler son concept aux tiers, il faut s’assurer que l’on dispose des preuves matérielles solides sur l’auteur, les qualités et l’antériorité du concept. Faire signer une lettre de confidentialité renforcera la protection.

      4/ Il est déterminant de maîtriser l’art d’élaborer la preuve de la création
      , description qui recèle de nombreux pièges. Bien des dépôts réalisés par des créateurs se croyant protégés sont inopérants. Mieux vaut confier la rédaction d’un tel écrit probatoire à un rédacteur averti et compétent.