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      To DIP or not to DIP ?

      Tribune publiée le 23 novembre 2016 par Rémi DE BALMANN
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      Quelles sont les obligations d’information précontractuelle pour un franchiseur étranger désireux de se développer en France au travers de contrats soumis à sa propre loi ? En particulier lorsque la loi du pays de ce franchiseur comporte des dispositions moins contraignantes ? Les auteurs, avocats, font le point sur la question.

      Par Maître Rémi de BALMANN, Avocat associé – gérant, cabinet D,M&D, département franchise et distribution

      Et Maître Olivia BILLIOQUE, Avocat, cabinet D,M&D, LLM Queen Mary University of London

      Que la loi Doubin soit d’ordre public, nul ne l’ignore et ne le conteste. Mais, contrairement à une idée reçue, le fait que le non-respect en France de la loi Doubin soit sanctionné pénalement n’en fait pas pour autant – au regard du droit international privé – une loi de police « dont l’observation (serait) nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique » (Rép. Dalloz, Droit international, conflits de lois, n° 137). Ainsi, quelles sont les obligations d’information précontractuelle pour un franchiseur étranger désireux de se développer en France au travers de contrats soumis à sa propre loi ?

      La question n’a évidemment d’intérêt et de portée que lorsque la loi du pays de ce franchiseur comporterait des dispositions moins contraignantes que les articles L. 330-3 et R.330-1 de notre code de commerce voire pas d’obligation d’information précontractuelle du tout (comme c’est le cas en Suisse ou encore au Luxembourg…).

      Mais cette question est également intéressante – à l’inverse – pour un franchiseur américain – pour prendre cet exemple – qui pourrait préférer se contenter d’un Document d’Information Précontractuelle (DIP) « à la française » plutôt que d’un Franchise Disclosure Document (FDD) (qui serait beaucoup plus exigeant pour lui) ou pour un franchiseur belge (à qui la loi Laruelle impose de remettre aux candidats franchisés un document d’information précontractuelle non pas au moins 20 jours mais un mois avant la signature du contrat).

      La loi Doubin est-elle applicable dans l’ordre international ?

      La question s’est posée aux juridictions françaises et si la Cour de Cassation – à notre connaissance – n’a jamais été amenée à trancher ce point, deux solutions opposées ont été retenues, la plus récente étant – à nos yeux – la plus satisfaisante.

      Ainsi et alors que les relations s’étaient nouées à une date où la loi espagnole n’imposait pas encore d’information précontractuelle, un litige était intervenu entre un fournisseur espagnol et un distributeur français. Le contrat liant les parties désignait la loi espagnole. Alors même que le distributeur français se plaignait du non-respect par son cocontractant espagnol de la loi Doubin, la Cour d’appel de Paris a jugé en 2001 que cette loi, « loi protectrice d’ordre public interne, n’est pas une loi de police applicable dans l’ordre international ; qu’il en résulte qu’une partie ne peut prétendre voir sanctionner de nullité au regard des prescriptions que cette loi comporte le contrat de droit international expressément soumis au droit espagnol, qui la lie à son cocontractant » (C.A. Paris, 30 nov. 2001, JCP E 2002, cah. dr. entr., n° 3, p. 29, obs. J. Raynard).

      La Cour de Cassation sera sans doute appelée à trancher

      Dix ans plus tard et saisie de la même question, la même Cour (autrement composée) a adopté la position contraire. Le litige portait alors sur un contrat de master-franchise conclu entre un franchiseur canadien et un master-franchisé français, soumis à la loi québécoise. La Cour d’appel de Paris a alors jugé qu’ »il résulte des objectifs de la loi (et) du droit comparé (…) que les dispositions de l’article L. 330-3 du Code de commerce ne caractérisent pas seulement une loi de protection, mais que, procédant de l’ordre public économique de direction, elles constituent une loi de police applicable au contrat conclu avec une société française en vue de la création et du développement en France d’un réseau de franchise, sous licence étrangère, nonobstant la désignation par les parties de la loi québécoise comme loi du contrat » (C.A. Paris, 25 oct. 2011, Revue des contrats, n° 2, p. 563, obs. J.-B. Racine).

      La solution n’allait pas de soi, quoi qu’on en pense, un commentateur avisé ayant souligné que « cette question emporte d’intéressantes observations que la Cour de Cassation sera sans doute appelée à trancher. (…) La solution dépendra du degré d’intervention que choisira la Cour de Cassation : les lois de police sont l’expression d’un interventionnisme national dans le contrôle des contrats internationaux » (La Semaine Juridique Entreprises et Affaires, n° 15, 11 avr. 2013, 1200, obs. D. Mainguy). Dans l’attente d’une éventuelle décision de la Cour de cassation qui viendrait consacrer (ou non ?…) le caractère de loi de police de la loi Doubin, il est conseillé aux franchiseurs étrangers développant leurs réseaux en France de délivrer aux candidats franchisés un DIP dans les termes de la loi Doubin, quelle que soit la loi désignée par le contrat de franchise.