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      Devenir franchisé en province, oui mais…

      Dernière mise à jour le 7 juin 2021

      La franchise est privilégiée par beaucoup de ceux qui souhaitent s’implanter en région. Si les opportunités sont réelles, le porteur de projet devra se garder d’idéaliser sa future vie en province, tant sur le plan professionnel que privé.

      Pas moins de 54 % des Franciliens assurent ressentir l’envie de quitter un jour l’Ile-de-France. Parmi eux, 19 % affirment être certains de le faire. Ce sont les jeunes adultes de 25 à 34 ans qui adhèrent le plus à une telle démarche puisqu’ils sont 69 % à envisager de déménager en région.

      Ces données, qui ressortent d’un sondage CSA pour le salon Provemploi, établissent également qu’un peu plus des deux tiers des candidats au départ sont en premier lieu attirés par la perspective d’un cadre de vie plus agréable. La deuxième motivation, à 41 %, est l’espérance d’un coût de la vie moins élevé. Soulignons que le “ras-le-bol” de l’agitation parisienne arrive en troisième position des raisons motivant un départ. D’ailleurs, les inconvénients les plus cités par les sondés concernant leur vie dans ou proche de la capitale sont les prix de l’immobilier trop élevés (56 %), l’agitation et le stress (41 %) et le temps passé dans les transports (40 %).

      La franchise demeure indubitablement l’une des solutions les plus sûres pour franchir le cap d’un départ en province ou d’un changement de région. Pour ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas bénéficier d’une mobilité géographique au sein de leur entreprise, les opportunités de créations ou de reprises sont réelles parmi les quelque 1 500 réseaux de franchise actifs implantés sur le territoire. Selon nos chiffres, quelque 6 000 points de vente franchisés se créent chaque année. Et l’enquête annuelle de la Fédération française de la franchise (FFF) indique qu’en 2011 un peu plus de 80 % des unités franchisées sont installées en province.
      Certaines précautions sont à prendre pour que cette nouvelle étape se déroule dans de bonnes conditions. “Quel que soit le cas de figure, le type de travail convoité doit être en rapport avec ses compétences et ses désirs”, prévient Pascale Pécot, consultante chez Adventi Franchise. Le fait de connaître la région dans laquelle on va s’implanter constitue, bien entendu, un avantage mais toutefois à relativiser en fonction du type d’activité.

      Dans le commerce, c’est la notoriété de l’enseigne qui importe en tout premier lieu. Ce n’est pas parce que le franchisé ne connaît personne localement que les clients ne vont pas pousser la porte de son magasin. “Par contre, dans les services, et en particulier dans les services aux entreprises, le franchisé qui possède un ancrage a indéniablement un avantage : il connaît les modes de fonctionnement locaux, il aura développé un réseau notamment au sein des Chambres de commerce et d’industrie, il connaît déjà des entreprises…, poursuit la consultante. Il est certain que s’installer dans une région que l’on ne connaît pas ou peu, et ce que l’on arrive de Paris ou d’ailleurs, représente un risque supplémentaire pour l’entrepreneur. Il faut faire preuve de vigilance et bien être conscient que personne ne vous attend.”

      Nicolas Cazaban, qui a quitté la région parisienne pour créer une franchise Action Coach (enseigne spécialisée dans le conseil aux dirigeants), en a fait l’expérience. Il explique avoir sous-estimé l’importance du relationnel pour son métier. Ne connaissant personne à son arrivée à Aix-en-Provence, le développement de son activité en a été indubitablement freiné. “Je me suis fait connaître petit à petit dans le milieu professionnel. Mais cela a été un point compliqué à aborder”, précise cet ancien cadre supérieur.

      Il est vrai que les particularismes locaux sont plus ou moins forts selon les régions. Il sera sans doute plus compliqué de s’acclimater rapidement dans certaines villes du Sud, où les réalités locales sont plus délicates à appréhender, que dans d’autres régions. Nicolas Cazaban souligne ainsi que certains réseaux professionnels ne sont pas tous aisés à intégrer rapidement, qu’il faut connaître certains codes.

      Un consultant explique que dans certaines villes méridionales, la confiance essentielle à la réalisation d’affaires, pour les franchises qui travaillent en BtoB, peut être un peu plus longue à s’établir qu’ailleurs. Bien entendu, rien de rédhibitoire mais le temps d’adaptation doit être pris en compte, notamment pour l’élaboration de son business plan. “Certaines enseignes demandent que le franchisé soit bien impliqué dans la vie locale et au sein de différents réseaux”, signale Pascale Pécot. Pour certains franchiseurs dont l’activité est le B to B, il s’agira même d’un critère regardé avec une attention particulière lors de la phase de sélection des candidats. Ces derniers devront bien anticiper leur implantation, faire plusieurs séjours sur place en amont et essayer d’y rencontrer le plus de monde possible.

      L’idéal est que le porteur de projet fasse preuve d’une certaine souplesse quant à sa future implantation et qu’il ne se focalise pas sur une seule région. Un schéma souvent recommandé par les experts est de sélectionner son réseau et, ensuite seulement, la meilleure localisation eu égard aux spécificités de l’activité, tout en tenant bien entendu compte de certains critères plus personnels.

      C’est la démarche adoptée par Pierre-Olivier Girot, créateur d’une franchise Kangourou Kids à Grenoble (photo). “Cette agence de garde d’enfants allait être notre unique source de revenus, explique-t-il. Il fallait, en conséquence, nous installer dans une ville à fort potentiel. Grenoble est une agglomération où la mobilité de cadres est mportante avec, notamment, beaucoup d’ingénieurs qui ont des missions de quelques années. En termes d’âges et de catégories socioprofessionnelles, ils entrent parfaitement dans notre cible. Par ailleurs, nous avons opté pour le système de la franchise afin d’être opérationnel très rapidement.”

      Certes, d’autres activités offrent davantage de souplesse quant à la localisation. “Intégrer le réseau de franchise Action Coach offrait à mes yeux de nombreux avantages et en particulier la possibilité de m’implanter à l’endroit de mon choix”, souligne Nicolas Cazaban.

      Nombre de candidats au départ, en tout cas pour ceux implantés en Ile-de-France, sont persuadés qu’ils vont réaliser de substantielles économies sur de nombreux postes que ce soit dans la sphère de leur vie privée ou dans celle de leur vie professionnelle. “Il faut bien se garder de trop fantasmer sur la province, en particulier en termes de coût, prévient Pascale Pécot. Un bon emplacement dans le centre de villes comme Lyon, Nantes ou Bordeaux, ne sera pas deux fois moins cher que dans certaines rues de la capitale. Créer une franchise en province n’est pas forcément plus abordable qu’en région parisienne. Le droit d’entrée et le montant des investissements seront identiques.”

      Toutefois, le coût de l’immobilier, pour un local professionnel, sera en moyenne moins élevé en province, de même que les salaires du personnel. Sur ces deux aspects, le franchisé devra mener une étude de marché sérieuse car les coûts selon les régions sont loin d’être uniformes.

      Toujours au chapitre des finances, il devra bien prendre en considération le fait que sur le premier exercice, voire les deuxième et troisième, les revenus tirés de son activité risquent d’être relativement faibles. Nicolas Cazaban explique se rémunérer moins que lorsqu’il était salarié, mais ses rétributions tendent à progresser. “Il est vrai que j’avais auparavant une bonne situation et que je suis reparti de zéro, reconnaît-il. Mais sur le plan de la qualité de vie, la différence est considérable. En octobre, nous nous sommes encore baignés. Les plages sont à une heure de route et la montagne à une heure et demie. Et nous n’avons ressenti aucun problème d’intégration.”


      Avec un revenu identique, il est clair que nous vivons beaucoup mieux à Grenoble qu’en région parisienne. Nous avons un confort de vie bien meilleur, un appartement plus grand et un niveau d’endettement plus faible”, détaille de son côté Pierre-Olivier Girot. Il loue son local commercial de 65 m², en centre-ville, pour moins de 1 000 euros par mois, soit un niveau deux fois moins élevé qu’à Paris.

      Il explique également pouvoir se rendre sur son lieu de travail à pied, pratiquer nettement plus de sport et bénéficier de davantage de temps avec ses enfants. Il est vrai qu’avec trois salariés en back office au sein de son agence Kangourou Kids, son épouse et lui peuvent moduler leur temps de travail.

      Enfin, il est particulièrement important de bien prendre en considération sa famille et d’anticiper l’impact que pourra avoir ce changement de vie pour son conjoint et ses enfants. “Car des difficultés d’ordre familial peuvent induire une fragilité pour l’entrepreneur”, reprend Pascale Pécot. A l’inverse, un bon équilibre familial ne pourra qu’être profitable au franchisé, surtout lors de la toujours délicate phase d’installation.

      Les chiffres disponibles tendent à relativiser quelque peu les différences réelles du coût de la vie entre l’Ile-de-France et la province. Selon les derniers travaux de l’Insee dans ce domaine, le niveau des dépenses de consommation, y compris les loyers, est plus élevé en moyenne de 13 % en Ile-de-France qu’en régions. Cet écart, certes significatif, demeure modéré et va à l’encontre de bien des idées reçues sur le soi-disant coût bien supérieur de Paris et sa proche banlieue.

      Cette différence de 13 % s’explique pour près de la moitié par le niveau des loyers. Ces derniers sont en moyenne 50 % plus élevés en Ile-de-France qu’au sein des autres régions. Pour un franchisé qui travaille dans un local commercial et qui loue son logement, l’impact de ce poste est donc double. Les différences sont également notables en matière de restauration (+ 20 %) et de santé (+ 13,7 %). Pris dans leur ensemble, les services ont un surcoût de 13 % en Ile-de-France alors que l’écart de prix sur les biens de consommation est faible puisqu’il ne s’élève qu’à 3 %. Il est vrai qu’un téléviseur ou un article de sport vendu dans une grande enseigne spécialisée le sera au même prix à Montpellier qu’à Paris.

      Selon l’Insee, les salaires sont, bien entendu, plus élevés en Ile-de-France qu’en régions mais dans des proportions que l’on peut qualifier de raisonnables. Pour les hommes, l’écart est compris entre 9 et 13 % ; il est situé dans une fourchette allant de 12 à 16 % pour les femmes. Notons que dans ses calculs, l’Insee a neutralisé le fait que la plupart des postes les mieux rémunérés sont concentrés en Ile-de-France. Il apparaît que cette différence en termes de niveaux de salaires correspond assez précisément à celle du coût de la vie entre l’Ile-de-France et la province. Les deux écarts tendent ainsi à se neutraliser.