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      Valorisation des actifs immatériels : un outil de pilotage stratégique en période de crise

      Tribune publiée le 22 juin 2020 par Christophe GRISON
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      La valorisation des actifs immatériels dans un réseau de distribution est un outil de pilotage stratégique pour les têtes de réseau en période de crise, expliquent les auteurs, avocats d’affaires et spécialistes de la franchise.

      Caroline Jouven, Avocat d'affaires, FidalPar Caroline Jouven et Christophe Grison, avocats d’affaires, Fidal

      En cette période de crise – qui bouleverse bon nombre de secteurs d’activité – chacun s’est focalisé sur son compte de résultat pour décider des mesures à prendre pour sa société : chômage partiel, demandes de prêts ou bien encore de reports d’échéances fiscales… Comportement normal, presqu’instinctif, pour un entrepreneur lorsqu’il s’agit d’éviter la défaillance de son entreprise. Mais comportement qui n’est plus totalement en phase avec le monde à venir. En effet, le pilotage d’une entreprise par la seule donnée comptable, nécessairement statique, n’est plus suffisant. Il convient de prendre un peu de hauteur afin d’analyser ce qui fait la vraie richesse d’une entreprise et, plus spécifiquement, d’un réseau de distribution.

      Christophe Grison, Avocat d'affaires, cabinet FidalLa crise sanitaire liée au covid19 a fortement impacté les réseaux de distribution dont le business model nécessite des adaptations et évolutions. Au-delà de l’analyse financière à laquelle chaque réseau de distribution a procédé durant ces derniers mois, une tête de réseau devrait également se doter d’un outil de pilotage de la performance de son écosystème qui serait basé sur la valorisation de ses actifs immatériels stratégiques.

      Identifier les actifs immatériels développés par le réseau de distribution

      Dans un premier temps, il s’agit d’identifier les actifs immatériels développés par le réseau de distribution.

      Rappelons que le capital immatériel d’une entreprise se décompose en différents éléments dont le capital humain, le capital clients, le capital fournisseurs, le capital organisationnel, le capital de marques, le capital de savoirs, le système d’information.

      Ainsi, dans un réseau de franchise, la tête de réseau a dû développer des marques, différents savoir-faire reposant sur des procédés de fabrication ; la sélection, la présentation et la vente de produits ; la gestion de la chaîne logistique ; une gouvernance et un management par le dialogue du réseau ; un mode de distribution particulier de ses produits basé sur des partenariats avec des entreprises spécialisées dans la vente à distance ; un pôle de R&D ou bien encore le respect d’engagements sociaux et environnementaux au travers d’une politique RSE, etc..

      Toutes ces composantes sont plus ou moins développées au sein de chaque réseau mais contribuent à construire ses spécificités, améliorent sa compétitivité en étant susceptible d’assurer aux franchisés un avantage concurrentiel et garantit in fine sa pérennité.

      Ces actifs immatériels constituent un levier de performances pour les réseaux de distribution

      Ces actifs immatériels constituent un levier de performances pour les réseaux de distribution et la crise que nous vivons devrait favoriser l’émergence d’innovations qui constitueront les actifs immatériels de demain.

      C’est pourquoi une tête de réseau devrait cartographier l’ensemble de ses ressources immatérielles en utilisant des référentiels permettant d’identifier celles qui sont stratégiques et méritent d’être mobilisées et développées dans la mise en œuvre du plan d’actions d’après-crise. Cette cartographie mettra également en évidence les lacunes et risques liés à l’absence de certains actifs immatériels ou à l’absence d’une stratégie efficace de valorisation pour atteindre les objectifs de développement du réseau.

      Prenons l’exemple d’un franchiseur dont l’un des objectifs est de développer ses ventes en e-commerce et via des applications en créant de nouveaux partenariats et/ou modèles de développement et en impliquant les franchisés dans le processus de digitalisation de leur point de vente.

      La cartographie de ses actifs immatériels aura pu mettre en évidence que ses ressources en termes de capital humain sont bien présentes et peuvent, dès lors, être mobilisées mais certaines faiblesses ont pu être identifiées telles que :

      • le manque d’appétence des franchisés du réseau pour le sujet du numérique et, même une certaine crainte d’être disruptés par d’autres business model et
      • un déficit de protection des marques et noms de domaine ce qui pourrait avoir un impact direct sur la possibilité d’atteindre l’objectif fixé.

      Face à ces constats, la tête de réseau pourra décider :

      • d’adapter sa gouvernance et son management de la relation avec ses franchisés;
      • de conclure de nouveaux contrats avec d’autres partenaires pour l’accompagner dans son plan d’actions tout en adaptant son contrat de franchise afin de traduire juridiquement la stratégie de développement du réseau ;
      • de mettre en œuvre une stratégie de protection de ses marques, noms de domaine et savoir-faire afin de s’assurer un monopole juridique améliorant la notoriété et donc la valeur de ses actifs, etc..

      Ainsi, dès lors que la tête de réseau entreprend d’investir dans certains actifs immatériels, ceux-ci vont pouvoir être valorisés. Cette valorisation va intégrer le tableau de bord du franchiseur, aux côtés des éléments comptables, ce qui lui permettra de piloter son réseau et de faire évoluer son savoir-faire au profit de l’ensemble du réseau. En ayant une vision plus globale des forces et faiblesses de son réseau, il sera à même d’être plus agile et de s’adapter aux nouvelles conditions du marché générées par la crise en mobilisant les leviers immatériels stratégiques.

      Cette démarche de valorisation peut également avoir un effet bénéfique pour l’ensemble des directions du réseau et, en particulier, pour les directions juridiques des entreprises qui se retrouvent alors placées au cœur de la stratégie du réseau. Les directions juridiques ne sont plus seulement perçues comme un centre de coûts mais contribuent activement, aux côtés des directeurs financiers, marketing et des dirigeants, à la mise en œuvre de la stratégie du réseau en développant certains actifs immatériels et/ou en maitrisant plus efficacement les risques juridiques et ce, au service du plan d’action d’après-crise préalablement défini. En termes de management, cette démarche crée des ponts entre les directions qui n’existent pas, ou pas encore sous une forme aussi aboutie, ce qui favorise, derechef, le développement d’un actif immatériel lié à la gouvernance du réseau.

      Ainsi, la démarche de valorisation des actifs immatériels constitue un outil de pilotage stratégique de la performance du réseau de distribution. Mais cette démarche est également essentielle lorsqu’il s’agit, par exemple, de vendre ou d’acheter un réseau de distribution concurrent.