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      Résiliation du contrat : la franchise Naturhouse déboutée face à un multifranchisé - Brève du 25 août 2025

      Brève
      25 août 2025

      Un multifranchisé Naturhouse résilie ses contrats et passe ses centres sous une enseigne qu’il crée pour l’occasion. Le franchiseur, sanctionné pour avoir interdit à son franchisé de vendre par internet, voit aussi sa clause de non-concurrence post-contractuelle annulée et les sept contrats résiliés à ses torts exclusifs. Il échoue en outre à démontrer le parasitisme dont il accusait son ancien partenaire.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceLa franchise Naturhouse vient d’être déboutée de l’essentiel de ses demandes par la cour d’appel de Paris dans un litige l’opposant à un multifranchisé du Sud-Ouest de la France.

      Dans cette affaire, plusieurs contrats de franchise sont signés entre l’enseigne et un entrepreneur ambitieux qui, à partir de 2012, crée cinq sociétés et ouvre au total sept centres à l’enseigne dans sa région.

      Les deux premiers contrats de cinq ans sont renouvelés en 2017, mais, début 2019, rien ne va plus.

      Après avoir – en vain – mis en demeure le franchiseur de remédier à certains manquements contractuels (à ses obligations de bonne foi et d’assistance notamment), les cinq sociétés franchisées considèrent que leurs contrats sont résiliés aux torts exclusifs de leur partenaire.

      En réponse, celui-ci les assigne pour rupture unilatérale injustifiée, violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle et parasitisme, puisque les sociétés continuent leur activité sous l’enseigne Le Comptoir Diététique, créée alors par le franchisé.

      En janvier 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux déboute Naturhouse de toutes ses demandes et prononce la résiliation des contrats aux torts exclusifs du franchiseur.

      La franchise Naturhouse demandait près de deux millions d’euros d’indemnités suite à la résiliation des contrats par les sociétés franchisées

      Naturhouse fait appel de cette décision et réclame que soit fixé au passif des cinq sociétés franchisées (qui sont alors en liquidation ou en sauvegarde) un total de près de deux millions d’euros (1,83 M€ plus précisément).

      Selon l’enseigne, les préjudices financiers qu’elle a subis résultent en effet « de la fermeture des centres, de la violation de la clause de non-concurrence et des agissements déloyaux des sociétés franchisées » et même dans deux cas, « des frais générés par la réinstallation de centres (à l’enseigne) ».

      De leur côté, les sociétés franchisées demandent à la cour d’annuler trois clauses des contrats de franchise concernant l’interdiction faite aux franchisés de vendre sur internet, l’interdiction de revendre des produits ou de les acheter à d’autres franchisés du réseau ainsi que l’obligation d’approvisionnement exclusif.

      Elles réclament également aux juges de déclarer illicite la clause de non-concurrence post-contractuelle, de prononcer la nullité des contrats ou à défaut leur résiliation aux torts exclusifs du franchiseur et de constater l’absence de détournement de clientèle.

      Elles souhaitent en conséquence que leurs soient restituées les sommes versées par elles dans le cadre de l’exécution de leurs contrats de franchise, soit au total 1,38 million d’euros.

      Comme dans un autre litige dans le même réseau tranché en 2024, les magistrats parisiens annulent trois clauses du contrat de franchise Naturhouse

      E-commerceLes magistrats de la cour d’appel de Paris estiment d’abord – contrairement au franchiseur – que, eu égard en particulier à la taille de Naturhouse en France et dans le monde (2 000 centres dans 20 pays, dont 400 adresses dans l’Hexagone), le droit européen s’applique dans ce litige.

      D’autant que les pratiques contestées par les sociétés franchisées sont de nature à « avoir affecté de manière sensible le commerce entre États membres ».

      S’appuyant aussi sur le droit français, comme elle l’a déjà fait dans un autre litige Naturhouse par un arrêt du 15 mai 2024*, la cour d’appel de Paris – qui argumente abondamment –  annule la clause interdisant aux franchisés de vendre sur internet et celle qui leur empêche l’achat et la revente à d’autres franchisés, considérées comme des restrictions non justifiées de concurrence.

      De même, elle prononce la nullité de la clause de non-concurrence du contrat Naturhouse qui interdit au franchisé pendant un an après la fin de son contrat dans toute la France de « créer directement ou indirectement un établissement consacré à la même activité que celle du franchiseur ».

      Comme en 2024, la cour estime que le franchiseur ne justifie pas le fait que la protection de son savoir-faire porte sur l’ensemble du territoire national.

      La cour d’appel de Paris valide toutefois la clause d’approvisionnement exclusif et refuse d’annuler l’ensemble du contrat Naturhouse

      En revanche, là encore comme en 2024, les juges valident  avec les mêmes arguments, la clause d’approvisionnement exclusif « indispensable au franchiseur pour préserver le savoir-faire et l’identité du réseau ».

      De même, ils n’annulent pas l’ensemble du contrat Naturhouse, « le caractère essentiel (des trois clauses annulées) n’étant pas allégué à l’égard de l’économie du contrat ».

      Et la cour d’appel déboute les sociétés franchisées de leur demande d’indemnisation de 1,38 million d’euros correspondant aux sommes versées au franchiseur pendant l’exécution des contrats. D’abord parce qu’ils ne sont pas annulés, mais aussi parce  que « les données fournies à l’appui (de cette demande) portent sur les redevances, les marges prélevées par le franchiseur sur les achats, les aménagements, les frais matériel informatique, les dépenses de publicité et communication et les frais de formation, soit des sommes qui ne concernent pas les clauses annulées. »

      La cour confirme la résiliation des contrats aux torts exclusifs de la franchise Naturhouse…

      Rupture contrat de franchiseMais si elle n’annule pas les contrats des sociétés franchisées, la cour d’appel confirme leur résiliation aux torts exclusifs du franchiseur prononcée par le tribunal de commerce.

      D’une part parce que le franchiseur a manqué à son obligation de bonne foi. La franchise Naturhouse, qui a interdit la vente par internet à ses franchisés, se l’est en effet autorisée à elle-même, manifestant ainsi « une confusion dans ses méthodes commerciales » qui reposaient jusqu’alors avant tout sur la présence d’un diététicien dans le centre.

      Une situation qui a rendu « difficile aux franchisés cantonnés à la vente en magasin par décision (de leur partenaire) de commercialiser leurs produits de proximité ».

      D’autre part, parce que le franchiseur n’a pas démontré qu’il aurait « visité régulièrement (les établissements franchisés), par le moyen de ses représentants, dans le but d’analyser ensemble tous les aspects relatifs (à ces centres) », « la tenue de réunions d’informations et la fourniture de divers outils » ne constituant pas des preuves suffisantes que l’obligation d’assistance à laquelle il s’était engagé avait bien été respectée.

      La cour d’appel de Paris rejoint là celle de Toulouse qui, par un arrêt du 5 avril 2023, avait résilié aux torts exclusifs du franchiseur – avec des arguments comparables – 41 contrats de franchisés Naturhouse.

      …mais n’accorde aucune indemnisation aux sociétés franchisées qui réclamaient 1,38 million d’euros

      N’étant pas certaines d’obtenir l’annulation de leurs contrats, les sociétés franchisées avaient demandé, au cas où la cour déciderait la résiliation aux torts exclusifs du franchiseur, la même indemnisation de 1,38 million d’euros.

      Les magistrats parisiens écartent à nouveau cette demande pour deux raisons : parce que les sociétés franchisées « ont continué leur activité dans leur local », « ce qu’elles n’auraient pas pu faire si leurs contrats n’avaient pas été résiliés ».

      Et parce qu’elles « ne produisent aucune pièce  prouvant que leurs bénéfices (depuis leur rupture en février-mars 2019) auraient été inférieurs au gain manqué » du fait de l’arrêt de leur contrat de franchise.

      Les sociétés franchisées qui ont changé d’enseigne n’ont pas commis d’agissements constitutifs de parasitisme ou de confusion, selon  la cour d’appel

      Enfin, les magistrats parisiens confirment le jugement de première instance sur la question du parasitisme.

      Ils refusent de suivre le franchiseur pour qui les sociétés franchisées ont « imité son savoir-faire » et « utilisé sa notoriété » en proposant au public le même concept que lui, basé sur les conseils d’un professionnel de santé associés à des compléments alimentaires. Et ce, dans les mêmes locaux que précédemment, en utilisant les mêmes numéros de téléphone, les anciens clients Naturhouse étant récupérés et suivis par les nouveaux centres.

      La cour relève que plusieurs enseignes ou réseaux comme Dietplus, Comme J’aime et d’autres encore) proposent eux aussi des conseils individualisés et des compléments alimentaires.

      « Si la société Naturhouse justifie d’une certaine notoriété dans ce type d’activité, elle n’apparaît pas comme la seule à proposer un tel concept ».

      Aux yeux des juges, « Naturhouse ne démontre pas non plus l’existence d’une clientèle qui lui serait propre. Le seul fait que l’activité similaire exercée sous une autre enseigne soit située dans les mêmes locaux, et que les anciennes sociétés franchisées aient pu utiliser le fichier client qu’elles avaient développé dans le cadre du contrat de franchise (…), ne permet pas à Naturhouse de démontrer un détournement de sa notoriété ou d’investissement, ni des actes de concurrence déloyale par confusion dans l’esprit de la clientèle », conclut la cour.

      La franchise Naturhouse se voit ainsi déboutée de ses demandes et notamment des indemnités de 1,83 million d’euros qu’elle réclamait.

       

      *La cour d’appel de Paris précise que son arrêt du 15 mai 2024 « n’a fait l’objet d’aucun pourvoi en cassation ».

       

      >Références de la décision :

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 4 Juin 2025, n° 22/06185

      >Textes de loi cités par la cour dans son arrêt :

      -Article 101 paragraphes 1, 2 et 3 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne)

      -Règlement européen d’exemption n° 330/2010 du 20 avril 2010 et ses lignes directrices (notamment points 50 et 52 sur les ventes par internet, 58 sur les reventes et 189-190 sur l’approvisionnement exclusif)

      -Articles 420-1 et suivants du code de commerce

      >A lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Yasmina Idani, maître de conférences à l’université de Montpellier, dans la Lettre de la Distribution de juillet-août 2025, qui s’intéresse plus particulièrement à la partie de l’arrêt portant sur l’accusation de parasitisme.