Une clause pénale prévue en cas de résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé est jugée « manifestement excessive ». Les magistrats divisent par trois la sanction financière réclamée.
La cour d’appel de Paris vient de condamner une franchisée sortie – sans raison valable à ses yeux – de son réseau au milieu de son contrat de franchise. Les magistrats ont toutefois nettement allégé la sanction financière prévue au contrat. Et même celle fixée en première instance.
Dans cette affaire, le contrat de franchise entre en vigueur le 1er janvier 2016 pour 7 ans. Il prévoit une redevance forfaitaire mensuelle de 1 150 € HT la première année et un système de révision annuelle de ce montant en fonction de l’indice INSEE des prix à la consommation avec un minimum de 3 %.
Mais au cours de la quatrième année, la société franchisée cesse soudain de payer ses redevances, ce qui lui vaut une lettre de mise en demeure de la part de son franchiseur qui lui réclame plusieurs milliers d’euros d’impayés. Addition qu’elle ne règle pas.
Au milieu de son contrat de 7 ans, la société franchisée cède son droit au bail et met fin à son activité
Tout au contraire, fin août 2019, la société franchisée informe l’enseigne qu’elle a cédé son droit au bail à un exploitant d’un autre secteur et qu’elle a mis fin à son activité. La liquidation amiable est prononcée en décembre et la société est radiée en juin 2020.
Le litige sur les impayés vient devant le tribunal de commerce de Paris, lequel désigne l’ancienne gérante pour représenter la société franchisée en justice.
En novembre 2022, les juges décident qu’elle devra régler ses factures de redevances impayées (4 800 € TTC), constatent la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société franchisée et la condamnent pour cela à verser 40 000 € à son ex-franchiseur au titre de la clause pénale prévue au contrat, plus 15 245 € au titre des dommages et intérêts également prévus.
La franchisée fait appel.
La franchisée conteste la résiliation de son contrat à ses torts exclusifs prononcée par le tribunal de commerce de Paris
Devant la cour, la franchisée estime que le défaut de paiement qui lui est reproché – et qu’elle conteste – n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation de son contrat de franchise.
Quant à la cession de son droit au bail, elle affirme que le franchiseur avait donné son accord. Enfin, elle considère que le tribunal de commerce ne pouvait pas prononcer comme il l’a fait en 2022 la résiliation du contrat puisque celui-ci était devenu caduc à partir du moment où, en août 2019, elle avait cédé son droit au bail.
La cour d’appel de Paris prononce la résolution judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs de la franchisée

Concernant les redevances impayées, la cour condamne la société franchisée à leur règlement. Celle-ci n’a en effet « pas apporté la preuve » que les parties étaient, comme elle l’affirme, d’accord pour arrêter leur relation lorsqu’elle a cessé ses paiements fin mai 2019.
Concernant la cession du droit au bail, le contrat prévoyait avec précision qu’en cas de « cession, transmission, sous-traitance (ou) d’apport par le franchisé de tout ou partie de son fonds de commerce à un tiers – y compris le droit au bail – (…) », l’agrément préalable et par écrit du franchiseur était nécessaire.
Or, la société franchiseur affirme ne jamais avoir donné son accord et la cour note qu’en effet, la société franchisée n’est pas en mesure de prouver le contraire.
Pour la cour, la cession s’est donc « opérée en violation du contrat de franchise ».
Ce qui a eu « pour effet (d’entraîner) l’impossibilité pour la société (du franchiseur) de poursuivre l’exécution du contrat de franchise dans les conditions initialement prévues (…) ».
Au total, « le non-paiement des factures (…) combiné à la violation de la clause d’agrément par la cession (du droit au bail) à un tiers exerçant une autre activité (…) revêtent (…) un degré de gravité suffisant » pour prononcer la résolution judiciaire* du contrat aux torts exclusifs de la franchisée.
La cour d’appel divise par trois la sanction financière prévue au contrat en cas de résiliation aux torts du franchisé
Résultat : les magistrats d’appel confirment le jugement de première instance sur les redevances impayées. La franchisée est condamnée à régler au franchiseur un peu plus de 4 800 € TTC.
Mais en ce qui concerne la violation de la clause d’agrément qui, cumulée aux impayés, entraîne la résolution du contrat aux torts exclusifs de la franchisée, la cour modère davantage encore que le tribunal de commerce la sanction financière prévue par le franchiseur.
La clause pénale du contrat indiquait qu’en cas de résiliation aux torts exclusifs du franchisé, celui-ci devrait verser au franchiseur une somme forfaitaire de 15 245 € à titre de dommages et intérêts.
Le contrat prévoyait en outre que le franchisé devrait s’acquitter d’un montant équivalent aux redevances qu’il aurait versées si le contrat était allé jusqu’à son terme. En l’occurrence, cela aurait représenté une somme de l’ordre de 64 000 €.
Soit au total une pénalité de plus de 79 000 €.
Pour la cour d’appel, le fait de revendiquer de telles sommes « sans considération de l’exécution » passée du contrat, « revêt nécessairement un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre le franchisé à exécuter le contrat jusqu’à son terme, de sorte qu’elle constitue une clause pénale susceptible d’être modérée ».
Et c’est ce que la cour décide, en s’appuyant sur l’article 1 152 du code civil qui l’y autorise.
« Eu égard à la durée de l’exécution du contrat de trois années et huit mois », écrit la cour dans son arrêt, « de la durée initiale de l’engagement de sept années ainsi que de l’absence de démonstration de tout préjudice subi par la société (du franchiseur), la pénalité, manifestement excessive, sera raisonnablement fixée à la somme de 25.000 euros ».
La cour d’appel divise ainsi par deux la sanction financière fixée en première instance par le tribunal de commerce de Paris et par plus de trois celle prévue au contrat de franchise en cas de résiliation aux torts exclusifs du franchisé.
