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      Cession et droit de préemption du franchiseur : l’information émanant du franchisé doit être complète

      Tribune publiée le 19 avril 2021 par Franck SINGER
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      Lorsqu’il envisage de céder son point de vente, le franchisé (ou coopérateur) doit veiller à transmettre une information complète à son franchiseur (ou coopérative) quand ce dernier est titulaire d’un droit de préemption. Le délai ouvert au franchiseur pour préempter ne commence en effet à courir que lorsque celui-ci a reçu une information exhaustive. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans son arrêt du 31 mars 2021.

      Franck Singer, associé de Vivaldi AvocatsPar Franck Singer, associé de Vivaldi Avocats

      Un associé d’une coopérative de commerçants détaillants indépendants a souhaité céder plusieurs de ses sociétés exploitant ses points de vente ainsi que les SCI propriétaires des murs commerciaux.

      Ceci relève naturellement de son droit le plus strict. En l’occurrence, tant le Règlement Intérieur de la Coopérative que le contrat de partenariat l’autorisant à exploiter sous l’enseigne du réseau comportait un droit de préemption ouvert au profit de la Coopérative, avec faculté de substitution au profit de tout membre du réseau.

      Ce droit de préemption était ouvert, pour une durée de 2 mois, à compter de la notification du projet de cession. En clair, le coopérateur (ou franchisé) notifie à la tête de réseau son intention de céder avec les modalités de la cession : identification de l’acquéreur, prix, conditions. Le franchiseur dispose alors d’un délai de 2 mois pour préempter ou non.

      La particularité dans le cas soumis à l’examen de la Cour de cassation était la suivante : le coopérateur avait certes notifié le projet d’acte de cession mais non ses pièces annexes. Or, ces annexes étaient notamment constituées par les bilans, les modèles de garanties d’actif et de passif, la liste des salariés.

      La coopérative a sollicité et obtenu ensuite communication de ces annexes, mais lorsque celle-ci a fait part de son intention de préempter, le délai de 2 mois à compter de la notification initiale était dépassé.

      L’acquéreur initial a dès lors sollicité l’irrecevabilité d’une telle préemption.

      La Cour d’Appel de Rennes (Arrêt du 7 mai 2019), a rejeté sa demande en considérant que la préemption avait valablement été exercée.

      Selon la Cour : « Le droit de préemption ne permet à son bénéficiaire aucune discussion des conditions de la cession qu’il envisage de préempter, puisqu’il lui permet simplement de se substituer à l’acquéreur en reprenant à son compte tous les engagements acceptés par ce dernier.

      Compte tenu de la volonté affirmée des parties au protocole de faire de l’entière cession un tout indivisible, de conférer à l’annexe 3 un caractère déterminant et indivisible du reste de l’acte, puis de qualifier les huit annexes de déterminantes de l’accord des parties, la notification du projet de cession devait nécessairement en comporter ses annexes, sans lequel le protocole n’était ni complet ni entier, pour commencer à faire courir le délai de préemption. »

      La Cour de cassation vient de confirmer cet Arrêt le 31 mars 2021, déclarant irrecevable le pourvoi formulé.

      Cette jurisprudence est intéressante à plusieurs titres. Jusqu’à présent le caractère complet ou non d’une notification de cession n’avait été examiné que dans l’exercice du droit de préemption réservé – en matière rurale – aux SAFER.

      Appliqué au commerce associé (Coopérative ou réseau de franchise), plusieurs enseignements sont à retenir.

      Franchiseurs : adoptez une rédaction précise de vos clauses en matière de préemption

      Pour éviter toute contestation, ne limitez pas la notification ouvrant doit à préemption à la seule intention de céder émanant de votre coopérateur ou franchisé.

      Au contraire, la clause doit viser une notification complète : projet d’acte de cession, conditions et garanties, méthode d’évaluation des stocks, etc…

      Par ailleurs, même si tel n’était pas l’objet du contentieux présentement commenté, veillez à ce que le droit de préemption soit opposable non pas à la seule personne morale exploitant le fonds de commerce à céder, mais également à ses associés.

      Franchisés : privilégiez une information complète pour écarter toute incertitude ou contentieux

      Telle est la conclusion majeure de la décision en date de ce 31 mars 2021.

      La cession légitime de votre fonds de commerce (ou de votre participation dans le capital de la société exploitante) doit être sécurisée et il y a lieu, de manière préventive, de s’assurer de la validité juridique de l’opération projetée.

      En la matière, les contestations quelles que soient leur issue, ont en effet pour lourde conséquence de retarder votre cession, ce qui n’est d’évidence absolument pas l’objectif recherché.