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      Franchise : encore une clause de non-concurrence post-contractuelle annulée - Brève du 9 mai 2023

      La cour d’appel de Paris annule une clause de non-concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise de 2013. Motif principal : la limitation géographique imposée, égale au territoire d’exclusivité du franchisé, est jugée excessive.

      cour d’appel de Colmar – Alsace – FranceDans un arrêt du 15 mars 2023, la cour d’appel de Paris annule une fois de plus une clause de non-concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise.

      Dans ce litige, un contrat de 7 ans est signé en 2007 puis renouvelé en 2013 pour se terminer en janvier 2021. Le même franchisé dont les affaires vont bien ouvre par ailleurs comme il en a le droit deux autres points de vente sur sa zone d’exclusivité en 2013 et 2015.

      En juillet 2020, le franchiseur interroge son partenaire sur ses intentions pour l’avenir. Celui-ci l’informe qu’il ne compte pas poursuivre la relation et invite le franchiseur à faire jouer son option d’achat sur ses établissements, conformément aux possibilités ouvertes par le contrat.

      Malgré une relance de la tête de réseau en novembre 2020, le franchisé persiste dans sa position et, après l’échéance, faute d’accord avec le franchiseur, poursuit son activité sous sa propre enseigne. Le franchiseur l’assigne en justice pour non-respect de sa clause de non-concurrence et gagne en première instance devant le tribunal de commerce de Paris en 2021. Le franchisé fait appel.

      Pour le franchisé, la clause de non-concurrence post-contractuelle n’était pas valable

      Devant la cour, le franchisé avance principalement deux séries d’arguments. Selon lui, le franchiseur n’a pas respecté le formalisme prévu, qu’il avait pourtant suivi lors du premier renouvellement du contrat. Il n’a pas explicitement indiqué qu’il souhaitait poursuivre la relation : la clause de non-concurrence post-contractuelle ne peut donc pas s’appliquer.

      Par ailleurs, ladite clause n’est – toujours selon la défense du franchisé – pas conforme aux dispositions de l’article L 341-2 du code de commerce (issu de la loi Macron du 6 août 2015).

      En effet, elle n’est ni limitée au point de vente exploité par le franchisé, ni indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur – déjà protégé par une clause de confidentialité et une clause de non-affiliation -. Enfin, la clause est illicite car disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur.

      La cour d’appel contredit en partie le franchisé

      Devenir-Franchise-DIPSur le formalisme que le franchiseur n’aurait pas respecté, la cour d’appel est claire. Selon le contrat examiné, l’obligation de non-concurrence post-contractuelle s’applique sauf dans un cas : celui où le franchiseur ne souhaite pas renouveler le contrat.

      Mais d’abord le texte co-signé par les parties « ne prévoit pas de formalisme spécifique obligatoire quant à la manière dont le franchiseur fait (…) connaître son souhait (…) ».

      Ensuite, il est évident aux yeux des juges dans la présente affaire « que le franchiseur souhaitait renouveler le contrat et que c’est le franchisé qui ne le souhaitait pas. La clause de non-concurrence trouve donc à s’appliquer. »

      Sur la référence à l’article L 341-2 du code de commerce, la cour d’appel est tout aussi nette. Cette disposition a été créée par la loi du 6 août 2015 (…) qui indique qu’elle s’appliquera un an après sa promulgation (donc après le 6 août 2016).

      Or, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 16 février 2022, « la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l’espèce, remettre en cause la validité d’une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé. »

      Pour un contrat signé en 2013, la loi Macron ne s’applique donc pas. Ce sont les principes dégagés antérieurement qui doivent être pris en considération.

      « La clause de non-concurrence post-contractuelle doit rester proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit »

      De ce point de vue, comme elle a eu récemment l’occasion de le faire à plusieurs reprises, la cour rappelle les règles :

      « De jurisprudence constante, les clauses de non-concurrence post-contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire transmis, qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exercice de l’activité. » 

      « Ces clauses et celles de confidentialité ont des objets distincts dans la mesure où la clause de (non-concurrence) vise à empêcher la communication du savoir-faire et à préserver le caractère secret, tandis que la clause de confidentialité vise à interdire l’exploitation du savoir-faire. Le franchiseur peut donc, sans enfreindre le principe de proportionnalité, prévoir les deux types de clause pour protéger son savoir-faire ».

      « La clause de non concurrence doit cependant rester proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit. »

      « Dans le cas présent, un périmètre beaucoup plus restreint aurait été suffisant »

      Et c’est là que la cour d’appel va donner raison au franchisé.

      Si les juges reconnaissent la réalité du savoir-faire du franchiseur, ils notent que celui-ci est transmis en grande partie lors des quatre semaines de formation initiale, puis, par la suite, via tout un ensemble de services régulièrement remis à jour « qui ne sont accessibles que pendant la durée du contrat ». Inutile donc de les surprotéger ensuite…

      En outre, le tissu des établissements intervenant dans la même activité « est très dense dans l’agglomération » concernée « et le franchiseur ne démontre pas en quoi son savoir-faire nécessite une protection dans l’ensemble du territoire d’exclusivité du franchisé » qui comprend quatre arrondissements d’une capitale régionale et treize cantons de sa banlieue.

      Pour la cour, « la clause de non-concurrence litigieuse, par son étendue géographique (…) est disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes du franchiseur et porte une restriction excessive à la liberté d’exercice de l’activité (… du franchisé) et aux sociétés (clientes). »

      Les magistrats ajoutent, selon la formule désormais consacrée : « Une interdiction d’exercer l’activité identique dans un périmètre beaucoup plus restreint (se serait avérée) dans le cas présent suffisante pour éviter tout risque de concurrence entre les enseignes ayant une activité identique ou similaire aux (établissements) en franchise. »

      Conséquence : la clause de non-concurrence post-contractuelle en litige est réputée non-écrite. Le franchiseur ne peut pas interdire à son ex-partenaire de poursuivre son activité sur sa zone sous sa propre enseigne et ne peut exiger de lui des dommages et intérêts.

      En la matière, la religion de la cour d’appel de Paris semble donc de plus en plus stricte. Si, pour les contrats de franchise signés avant 2016, l’article L 341-2 du code de commerce ne s’applique pas, il semble bien que la limitation géographique qu’il impose pour la non-concurrence après le contrat – à savoir les seuls locaux et terrains où s’exerce l’activité du franchisé – constitue un repère à ne (presque ?) jamais dépasser…

      >Référence de la décision :

      -Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, arrêt du 15 mars 2023, n°21/14111

      >A lire aussi sur le sujet :

      -L’article de Maître Stéphane Destours, avocat à la cour, dans la Lettre de la Distribution d’avril 2023.

      Et encore, sur un autre secteur :

      -Les agences immobilières en franchise n’échappent pas à la loi Macron